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MEURTRE DE MAGALI BLANDIN : LA PRISON POUR LES MAÎTRES CHANTEURS

Le 24 septembre 2024, devant le tribunal correctionnel de Rennes, Paulette, la mère de Magali, se lève du banc public. Elle marche lentement vers la barre. Pour la première fois depuis le meurtre de sa fille en mars 2021, elle prend la parole. « Magali a subi le pire », raconte-t-elle d’une voix calme mais émue. « C’était une mère courageuse qui aimait profondément ses enfants et espérait les voir grandir. Malheureusement, elle a été arrachée à la vie, et elle nous manque tous les jours », ajoute-t-elle, les larmes aux yeux.

Sur le banc des accusés, deux Géorgiens, Giorgi Zeragia et Sévériani Topuria, sont debout, la tête basse. Ils sont jugés pour non-empêchement de crime et tentative d’extorsion contre Jérôme Gaillard, l’ex-mari meurtrier. L’un, Giorgi Zeragia, grand et robuste, est un ancien footballeur professionnel condamné à sept reprises pour vol. Assis à côté de lui, Sévériani Topuria, plus frêle et ancien militaire, semble parfois perdu dans ses pensées. Manque à l’appel, Zaza Pernadize, leur complice, en cavale depuis plusieurs mois.

A défaut de juger Jérôme Gaillard (qui s’est suicidé le soir d’Halloween en 2021), la justice doit se contenter de ressortissants géorgiens. Pourtant, la présidente du tribunal, Agnès Al-Takari, revient longuement sur le meurtre de Magali, à coups de batte de baseball. Elle évoque l’innommable féminicide. Elle évoque les mensonges du tueur, la complicité des grands-parents paternels, et la pression psychologique exercée sur les enfants. Malgré la douleur palpable, la famille Blandin écoute en silence le récit de l’horreur : le corps de Magali, enterré dans un bois, au lieu-dit La Saudais, nu et recouvert de chaux vive. Face au drame, ils ne bronchent pas lorsque la première accusée, Sévériani Topuria, s’avance pour entendre ses dénégations dans un français approximatif.

Au tribunal, Sévériani est formel. Il nie toute intention de soutirer de l’argent à Jérôme Gaillard en échange de son silence. « On voulait juste récupérer une créance, une sombre histoire de tracteur, explique-t-il. Je ne connaissais ni Magali ni ses parents. Tout ce que je savais, c’est qu’elle avait disparu. » Présenté comme le cerveau de l’affaire, son ami Giorgi est plus loquace. Dans le box des accusés, il pleure et s’énerve parfois sous le déluge de questions de William Pineau, l’avocat de la famille Blandin. Mais il refuse d’assumer ses responsabilités. « Je n’aurais jamais imaginé que Jérôme Gaillard puisse commettre un acte aussi terrible. Pour moi, c’était un agriculteur, pas un criminel. Je ne lui ai jamais présenté un tueur à gages. C’était mon plombier qui était dans la voiture ce jour-là. »

« Quand j’ai enregistré Jérôme Gaillard en novembre et décembre, je ne savais pas qu’il allait tuer Magali Blandin », se défend Giorgi.

Le jour de son arrestation par la police, Giorgi a voulu faire chanter le meurtrier pour récupérer son argent. « Quand j’ai été arrêté, j’ai mis du temps à comprendre ce qui m’arrivait. Je pensais avoir affaire à des Albanais, recrutés par Jérôme Gaillard. J’ai compris plus tard en écoutant leur talkie-walkie qu’il s’agissait de flics. Aujourd’hui, j’ai des regrets. J’aurais pu faire encore plus pour éviter cela. » Face à lui, la sœur de Magali Blandin peine à cacher son indignation. « Vous avez eu des mois pour nous prévenir des intentions de Jérôme Gaillard. Au moment de la disparition de Magali, vous avez eu des semaines pour nous dire la vérité », rétorque-t-elle.

L’avocat des quatre enfants Blandin, Fabian Lahaie, rappelle leur souffrance, leur besoin de soutien psychologique depuis le drame, leur séparation. « Ils ne veulent pas accabler les accusés, mais ils cherchent à comprendre ce cynisme, cette mise en scène abjecte », déclare-t-il. Défendant les Blandin, William Pineau ne leur impute pas directement la responsabilité du meurtre froid et déterminé commis par Jérôme Gaillard, mais il dénonce leur manque total de moralité et d’humanité. « Dès qu’ils ont su, ils n’ont rien fait pour dissuader le meurtrier, rien pour intervenir », souligne-t-il.

Au moment des réquisitions, le procureur Hubert Lesaffre a refusé de transformer ce procès en un « substitut » de la cour d’assises. « Ces deux hommes doivent être jugés pour ce qu’ils ont fait, pas plus, affirme-t-il. Dès le moment où Jérôme Gaillard a été enregistré, ils ont eu l’intention d’utiliser cette preuve contre lui. » De l’autre côté de la barre, l’avocat de Giorgi Zeragia, François Ory, appelle à ne pas se tromper sur les coupables. « Ce procès ne doit pas être un lot de consolation, un dernier recours, déclare-t-il. Pour lui, le seul responsable reste Jérôme Gaillard. Il a tout avoué à la police, à condition que mon client soit condamné. C’était un menteur pathologique, un manipulateur. Je demande l’acquittement pour les faits qui sont reprochés à mon client, notamment pour ne pas avoir empêché un crime. »

Le tribunal a partiellement accédé à sa demande, requalifiant la tentative d’extorsion en tentative de chantage. Giorgi Zeragia a été condamné à quatre ans de prison. Sévériani Topuria a été condamné à un an et Zaza Pernadize, en son absence, à deux ans de prison. A l’issue du jugement, William Pineau, l’avocat de la famille, a exprimé son soulagement. « Mes clients n’attendaient pas grand-chose de ce procès. Pour eux, c’est la fin d’une très longue procédure, et ils espèrent que ce sera l’étape finale. Leur priorité est désormais de se concentrer sur l’éducation de leurs petits-enfants. Malgré la douleur qu’ils vivent au quotidien, ils ont souhaité exprimer leur souffrance avec dignité. »

 
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