« The Wire », en défense de Nicolas Milik
News Day FR

« The Wire », en défense de Nicolas Milik

Le fil ***

by Daniel Auteuil

Film français, 1h 55

Il a fallu la demande pressante d'Annie, son ex-femme, pour qu'il accepte de rencontrer l'accusé. L'avocat Jean Monier refuse toute affaire criminelle depuis quinze ans, après avoir innocenté un meurtrier qui a récidivé à sa sortie. Un soir où la police demande Annie, déjà épuisée par sa journée, comme avocat commis d'office, il accepte de la remplacer juste pour le premier entretien de garde à vue. Mais sa rencontre avec Nicolas Milik change la donne.

« Ni un coupable crédible, ni un innocent évident »

Ce modeste quadragénaire père de cinq enfants, arrêté pour l'homicide volontaire de sa femme, avoue qu'ils se sont disputés le soir où elle a été retrouvée égorgée. Une fois de plus, elle avait bu. Une fois de plus, elle avait fait une bêtise. dormir son vin sur son banc ” pas loin de chez lui. Mais il n'aurait jamais fait de mal à sa mère ” petit ». « Je veux récupérer ma femme et mes enfants, je deviens fou ici “, explique-t-il à Jean Monier, touché par son désarroi et sa sincérité. Au petit matin, l'avocat relate à Annie son échange avec Milik : «Il n'a aucun casier judiciaire, aucun antécédent. Il n'est ni un coupable crédible, ni un innocent évident. Il était nerveux, perdu, plus inquiet pour ses enfants que pour lui-même.» L'avocat décide de prendre en charge sa défense.

Comme Monier, qui ne voulait plus plaider devant les tribunaux, Daniel Auteuil ne pensait plus réaliser, et c'est l'affaire Milik qui le décida à repasser derrière la caméra. Ou plus précisément, le blog tenu par le regretté avocat lillois Jean-Yves Moyart, sous le nom de Maître Mô, auteur deDans l'embuscade. Chroniques de la justice pénale ordinaire (1). Parmi tous les cas évoqués, le cinéaste a choisi le plus surprenant, avec la volonté de s'associer à un homme par essence privé de parole. C'est l'humain qui anime Daniel Auteuil, de la solitude de l'avocat et de sa quête de vérité au fonctionnement d'une justice chargée de crimes ordinaires, avec une subjectivité fascinante.

Autant qu'un procès qu'il filme magistralement, Daniel Auteuil s'attache à une obsession, celle de Jean Monier pour Nicolas Milik. Pour son innocence aussi, qu'il s'attache à démontrer avec une énergie fébrile. Aucun mobile ne résiste à l'examen, selon lui. Brandie par le procureur général, la seule preuve contre lui ne tient qu'à un fil : la défunte avait sous un ongle un morceau du fil de la tenue bleue portée par son mari. Les différentes parties dessinent des scénarios contradictoires, les témoins éclairent l'affaire de leurs vérités. Autant d'histoires savamment mises en scène dans des flashbacks qui dialoguent avec le présent de la salle d'audience.

Transposition en Camargue

Plutôt que de garder le Nord comme décor, Daniel Auteuil a préféré situer son film dans une Camargue hivernale, crépusculaire, aux ciels plombés, dans une mise en scène à l'atmosphère intense. Des plans brefs et récurrents montrent la voiture de l'avocat sillonnant ces paysages, comme à la recherche du bon chemin. D'autres semblent établir un parallèle entre la situation de Milik (à moins qu'il ne s'agisse de Monier) et les taureaux devant les arènes et les coups de banderille des toreros. La tension commence devant la salle d'audience, avec l'arrestation de Milik au milieu d'un déjeuner avec ses enfants. Elle se poursuit dans la maison de Monier, une sombre demeure bourgeoise, étouffée de tentures de velours et de vieilles toiles.

Film comique, Le fil impressionne aussi par son casting impeccable. Faussement impérial, Daniel Auteuil incarne cet avocat qui met toute sa force de conviction et sa fragilité d'homme en quête de reconstruction dans cette affaire. Parfait, Grégory Gadebois convainc en accusé interloqué par l'accusation, en père modèle et en colosse enfantin. À contre-emploi après Un petit quelque chose en plusAlice Belaïdi impose d'emblée une détermination sans faille dans le rôle de la procureure générale qui ne renonce pas à la culpabilité de Milik. D'autres acteurs donnent leur intensité à des rôles secondaires, comme Sidse Babett Knudsen (l'ex-femme de Monier), Aurore Auteuil (la sœur du défunt) et Gaëtan Roussel, un musicien qui se révèle marquant dans cette première apparition au cinéma.

(1) Ed. La Table ronde, 2011, 256 p., €21.30.

—–

Daniel Auteuil, un artiste aux multiples talents

Au début des années 1970Daniel Auteuil a fait ses premiers pas au théâtre en jouant dans plusieurs pièces, dont Tôt le matin, Apprends-moi Céline et Chapeau basqui lui valut le prix Gérard-Philipe en 1979. Il ne quitta plus la scène et s'illustra, en 2008, dans le rôle d'Arnolphe (L'école des femmes) au Théâtre de l'Odéon.

En 1986après plusieurs rôles comiques sur grand écran, dont celui de lycéen dans Les sous-doués (1980), Claude Berri lui offre son premier rôle dramatique, Ugolin, dans les réadaptations de Jean de Florette et Manon des sources de Marcel Pagnol. Il lui vaut le César du meilleur acteur, récompense qu'il reçoit à nouveau en 2000 avec La fille sur le pont par Patrice Leconte.

Au début des années 2010il passe derrière la caméra pour réaliser son premier film, La fille du puisatierd'après le roman de Marcel Pagnol.

17 septembre 2021il sort son premier album, produit par Gaëtan Roussel. Quelques mois plus tard, il présente son premier single, Si tu m'avais connudont il a écrit les paroles.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :