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Un tueur en cavale à Boucherville

Un Québécois condamné à 20 ans de prison pour meurtre au Pérou se cache à Boucherville depuis qu’il a fui l’Amérique du Sud, a-t-on appris La presse.


Publié à 01:19

Mise à jour à 5h00

La police de Longueuil et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) savent que Philippe Truchon est en fuite au Québec depuis plusieurs semaines, selon une Source policière canadienne, mais elles ne peuvent rien faire tant qu’une demande d’extradition n’a pas été envoyée par le Pérou et traitée par Ottawa.

La sœur de Jonathan Raymond, le Québécois tué par Truchon d’une balle dans la tête en juillet 2017, parle d’un « sentiment horrible ». « On se retrouve avec un meurtrier qui n’a pas purgé sa peine et qui se cache au Canada, que notre famille risque de croiser à tout moment dans les rues de Boucherville. Je n’arrive pas à dormir la nuit », confie Catherine Raymond.

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JONATHAN RAYMOND

Jonathan Raymond, victime du meurtre commis en 2017 par Philippe Truchon.

Nous avons appelé toutes les autorités pour qu’il fasse quelque chose et qu’il finisse sa peine, mais la police dit qu’elle ne peut rien faire. Il n’y a pas de justice. Le tueur s’en sort avec le sourire.

Catherine Raymond, la sœur de la victime

L’affaire a fait la une des journaux en 2017, lorsque le corps de Jonathan Raymond a été retrouvé en décomposition dans la jungle péruvienne, après plus de deux mois de recherches épuisantes pour retrouver sa famille.

Philippe Truchon, colocataire et ami de longue date de la victime, a fini par avouer avoir tiré sur Jonathan Raymond en état de légitime défense avec un fusil lors d’une dispute à leur domicile. La justice péruvienne a écarté sa version, concluant plutôt, sur la base d’un rapport médico-légal, que Truchon avait tiré à bout portant dans la nuque de sa victime, alors que Jonathan Raymond se trouvait dans une position vulnérable. Truchon a commis cet «homicide qualifié» par «appât du gain» pour voler des terres agricoles appartenant à son ami, avec qui il avait commencé à cultiver du cacao, a conclu le tribunal de San Martín.

Nathan Deslandes, un autre Québécois qui vivait avec eux, a également été reconnu coupable de meurtre pour avoir notamment collaboré à faire disparaître le corps et les traces de sang.

Condamné à 20 ans de prison, Truchon a profité d’une libération conditionnelle pendant le processus d’appel de sa peine pour s’enfuir au Pérou, alors qu’il lui restait 16 ans de prison à purger, a rapporté le journal. La presse en été 2023.

« J’ai commis l’irréparable », a-t-il admis dans une interview téléphonique avec La presse. Mais je ne mérite pas 20 ans de prison. [dans] « Un système pénitentiaire dans un pays bananier. »

De retour au Canada cet été

Selon nos informations provenant d’une Source policière et d’une personne qui le connaît, Philippe Truchon serait revenu au Canada à l’été 2024, par des moyens qui demeurent flous, puisque son passeport a été saisi au Pérou.

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PHOTO PRISE DE LA PAGE FACEBOOK DE PHILIPPE TRUCHON

Philippe Truchon

La personne qui le connaît, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles, affirme que le meurtrier de 37 ans loge chez un membre de son entourage à Boucherville. Cette semaine, La presse a constaté la présence d’un colis qui lui était adressé sous le porche de l’entrée de la maison en question.

La justice péruvienne a émis un mandat d’arrêt national contre lui, et Interpol aurait émis une « notice rouge » indiquant qu’il est recherché par ce pays, selon une Source policière canadienne qui a requis l’anonymat car elle n’est pas autorisée à parler publiquement de l’affaire.

Le Service de police de l’agglomération de Longueuil, informé de sa présence sur son territoire, a transféré le dossier à la GRC, qui est en train de l’évaluer, rapporte cette Source.

Bien qu’un traité d’extradition existe entre la République du Pérou et le gouvernement du Canada, on ne sait pas si l’ambassade du Pérou a fait une demande officielle d’extradition à Ottawa.

Cette procédure, qui relève directement du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Justice, est par nature strictement confidentielle jusqu’à sa saisine des tribunaux.

« Il s’agit d’un dossier qui appartient au Pérou », a simplement indiqué la porte-parole de la GRC, Kim Chamberland. Les notices rouges d’Interpol « ne sont pas juridiquement contraignantes au Canada », a ajouté la police.

De son côté, Affaires mondiales Canada reconnaît être « au courant de deux Canadiens qui font l’objet de poursuites judiciaires au Pérou », mais refuse d’en dire plus « pour des raisons de confidentialité ».

« La famille ne va pas laisser faire ça et nous n’allons pas baisser les bras, insiste Catherine Raymond. Nous voulons que Philippe Truchon paie pour le crime qu’il a commis, que ce soit au Canada ou au Pérou. »

Selon l’avocat criminaliste Steven Slimovitch, qui a déjà traité des dossiers d’extradition, il est tout à fait possible que le Pérou ait décidé de ne pas présenter de demande d’extradition. Dans un tel cas, les autorités canadiennes n’auraient aucun motif légal d’arrêter Truchon, même s’il était entré au pays sans passeport.

« Un citoyen canadien a toujours le droit d’entrer au Canada, même sans passeport », souligne-t-il.

Et même s’il s’agit d’un meurtre avoué, le fait qu’il ait été commis au Pérou échappe complètement à la juridiction des forces policières canadiennes. « Le principe est qu’on n’interfère pas dans les affaires judiciaires d’un autre pays, car on ne veut pas qu’il interfère dans les nôtres », résume-t-il. Le gouvernement canadien pourrait néanmoins décider de faire pression sur le Pérou pour qu’il entame des procédures d’extradition, ajoute M.et Slimovitch.

« Pour la justice péruvienne, il est probablement plus facile de le laisser partir », estime l’avocat pénaliste. « Mais l’homme devra vivre. » [avec] « Et puis, il ne lui sera pas facile de trouver un travail si tout le monde pense qu’il est un connard. Personne ne va le laisser tranquille », estime M.et Slimovitch, comparant sa situation à celle d’un criminel de guerre en fuite.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La presse

 
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