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L’ancien gouverneur de la Banque du Liban, loué puis maudit – 03/09/2024 à 16:03

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Photo d’archives de l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, posant lors d’une séance photo en studio à Beyrouth le 20 décembre 2021 (AFP/Joseph EID)

Architecte du redressement du Liban après la guerre avant d’être accusé d’être l’un des principaux responsables de son effondrement économique, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a été arrêté mardi à Beyrouth.

C’est la première fois qu’il comparaît devant un tribunal depuis l’expiration de son mandat, le 31 juillet 2023. M. Salamé, 74 ans, s’était fait discret et n’était apparu en public que fin 2023 pour les funérailles d’un de ses frères.

Il est soupçonné de détournement massif de fonds publics libanais et de s’être constitué un riche portefeuille immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe, avec l’aide de ses proches.

Mais il nie tout malversation financière et se présente comme un « bouc émissaire » commode pour la classe politique à laquelle il était étroitement lié.

M. Salamé a été arrêté après avoir été interrogé par le procureur général « sur des soupçons de détournement de fonds de la BDL dépassant 40 millions de dollars » (environ 36 millions d’euros), selon une Source judiciaire.

L’ancien chef de la BDL fait également l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis qu’il n’a pas répondu à une convocation d’un juge français en mai 2023. Et le Liban refuse d’extrader ses ressortissants.

La justice française a procédé à 12 saisies de ses biens immobiliers et bancaires, d’une valeur de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Son frère Raja a également été mis en examen début août en France dans le cadre d’enquêtes menées à Paris sur des soupçons d’avoirs libanais mal acquis.

La justice allemande a de son côté annulé en juin dernier un mandat d’arrêt contre M. Salamé, sans toutefois terminer l’enquête à son encontre.

– Des années prospères –

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Photo d’archives de l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, posant lors d’une interview avec l’AFP à Beyrouth le 20 décembre 2021 (AFP / JOSEPH EID)

Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni lui ont imposé des sanctions économiques pour corruption, Washington affirmant que ses « actions corrompues et illégales ont contribué à l’effondrement de l’État de droit au Liban ».

Riad Salamé, qui détient l’un des records de longévité à la tête d’une banque centrale (1993-2023), a pourtant été applaudi pour avoir été l’architecte d’une politique financière qui a permis au Liban de rebondir après 15 ans de guerre civile (1975-1990).

Mais avec la descente aux enfers du pays depuis fin 2019, beaucoup le tiennent, ainsi que les dirigeants politiques, pour responsables de l’échec économique du Liban.

Le gouverneur se défend et répète qu’il a amassé sa fortune alors qu’il travaillait à la banque d’investissement américaine Merril Lynch, où il gérait le portefeuille d’actifs du milliardaire Rafic Hariri, qui a fait fortune en Arabie saoudite.

Devenu Premier ministre en 1992, Rafic Hariri – assassiné en 2005 – a installé Riad Salamé à la tête de la Banque centrale, un poste réservé à la communauté chrétienne maronite en vertu du partage confessionnel du pouvoir au Liban.

Il fixe alors le taux de change de la livre libanaise par rapport au dollar. Commencent alors les années fastes pour le Liban, qui attire les capitaux, notamment grâce à des taux d’intérêt très élevés.

Riad Salamé cumule les lauriers : il a été nommé meilleur gouverneur de banque centrale du monde par Euromoney en 2006 et par Banker Magazine en 2009.

– « Fuite en avant » –

Mais avec la guerre qui a éclaté en Syrie en 2011, les « signaux rouges » s’accumulent pour l’économie libanaise, explique l’économiste Nicolas Chikhani.

Au lieu de restructurer l’économie et d’abandonner sa politique qui commence à coûter cher au Liban, M. Salamé choisit « la fuite en avant », explique-t-il.

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Photo d’archives de l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, posant lors d’une interview avec l’AFP à Beyrouth le 20 décembre 2021 (AFP / JOSEPH EID)

En 2016, il s’est lancé dans des schémas financiers comparés à une « pyramide de Ponzi », et fin 2019, l’effondrement a commencé qui a fait perdre à la livre libanaise plus de 98% de sa valeur.

Alors que les épargnants n’avaient plus accès à leur argent dans les banques, il a aidé des dirigeants politiques à transférer leurs capitaux à l’étranger en octobre 2019, juste avant l’effondrement, « pour un total de neuf milliards de dollars », selon un spécialiste des marchés financiers.

Il explique que M. Salamé avait des ambitions présidentielles : « Il n’a rien refusé à la classe politique » et « a protégé les banques, dont les principaux actionnaires sont des politiques ».

 
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