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Antoine Compagnon, “Literature pays!” (Editions des Équateurs)

Pourquoi lire ? En 1990, le philosophe Alain Etchegoyen publie Lettres majuscules (Éditions François Bourin). Il expliquait que les études littéraires pouvaient devenir un atout dans un monde de plus en plus complexe, y compris dans les métiers scientifiques. Trente-quatre ans plus tard, Antoine Compagnon reprend le flambeau dans un essai au titre provocateur : La littérature paie ! Pas pour les auteurs, bien sûr, quand on sait que seuls 15 % d’entre eux gagnent plus de 9 000 euros par an. Non, les heureux bénéficiaires de la littérature sont les lecteurs.

L’académicien et professeur honoraire au Collège de France s’interroge sur cette notion de rentabilité littéraire difficilement quantifiable. Il rappelle qu’il faut autant de temps aujourd’hui que dans l’Antiquité pour apprendre à lire, écrire un livre et le lire. Le gain n’est donc pas à chercher dans la rapidité. Il souligne également que« Un écrivain est essentiellement un lecteur » et cela« Un livre est fait de livres et de lectures ». Peut-être que le fruit caché de la littérature est qu’elle se nourrit d’elle-même et que le lecteur d’un jour peut devenir l’écrivain de demain.

Une chose est sûre : la « les gens occupés qui arrêtent de lire » perdent leur clairvoyance, leur empathie et leur compréhension. La littérature agit comme prévention mais aussi comme thérapie et il n’est pas nécessaire de la lire pour en voir les effets. La récitation du « chant d’Ulysse » par La Divine Comédie de Dante par Primo Levi et Jean, le « Pikolo » d’Auschwitz, rapporté dans Si c’est un hommepermet de renouer avec les notions de vertu et de connaissance. La force de la littérature est là, au-delà du support, gravée dans la mémoire.

Le récit n’a pas perdu de sa puissance à l’ère où la lecture s’est quelque peu déplacée du papier vers l’écran. Le spécialiste de Montaigne réunit tous les sujets qui gravitent autour du livre : la prédominance de la « littérature industrielle » déjà dénoncée par Sainte-Beuve en 1839, l’émergence du traitement de texte et désormais de l’intelligence artificielle qui génère du contenu. Pour tous ces thèmes, il reste optimiste et son livre saura rassurer écrivains, éditeurs, libraires et lecteurs.

Dans sa défense de la littérature dans un monde moderne, il fait également appel à la sérendipité de la lecture, qui vous fait trouver ce que vous ne cherchiez pas, ce dont vous ne saviez même pas avoir besoin et dont vous ne pouvez plus vous passer. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la phrase de Baudelaire : « La poésie est l’un des arts les plus rentables. » La littérature n’est pas toute la vie, mais sans elle il manquerait une dimension, comme une saveur dans la gastronomie. Dans les années 1970, Pierre Dumayet proposait un programme qui aurait sans doute du mal à convaincre un producteur aujourd’hui. Il demandait par exemple aux paysannes normandes de lire Flaubert avec un crayon à la main et de souligner les passages forts de Madame BovaryIl l’a appelé « Lire c’est vivre ».

Antoine Compagnon
La littérature paie !
Éditions équatoriennes
Tirage : 5 000 exemplaires.
Prix ​​: 18 € ; 192 p.
Numéro de série : 9782382847510

 
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