« Tais-toi et danse ! » » Les jeunes ballerines apprennent très tôt que pour atteindre l’excellence, elles doivent souffrir en silence. En tant qu’étudiante modèle, Francesca Masutti a gardé le silence pendant quatorze ans. Mais, fin janvier, un post Instagram publié par le collectif d’artistes La Crécelle a fait l’effet de “électrochoc” : “Une dizaine de danseurs anonymes ont témoigné des violences éducatives qu’ils ont subies durant leurs années de formation et je me suis reconnu dans chacune de leurs histoires”, » dit l’ancienne ballerine de 27 ans, qui ambitionne désormais de devenir professeur de yoga. « À ce moment-là, j’ai compris qu’il y avait un problème fondamental et que, pour le résoudre, il fallait parler. »
Un mois plus tard, Francesca Masutti publiait sa propre histoire sur les réseaux sociaux. Elle énumère les insultes et propos humiliants dont elle a été victime lors de sa formation au Conservatoire national supérieur de Musique et de danse (CNSMD) de Paris, de 2011 à 2016, puis à l’Opéra national du Rhin (ONR), entre 2017. .et 2019 : “Tu es nul”, “Tu n’es qu’une merde”, “Tu n’as rien à faire là-bas”…
La Turinoise, qui a quitté sa famille et l’Italie à 13 ans pour réaliser son rêve d’enfant, a été “cassé” par ces insultes verbales répétées. Après avoir arrêté de danser, elle a souffert d’une grave dépression. Cinq ans plus tard, la douleur a laissé place à la colère : « Il est urgent d’en finir avec les mauvais enseignants, qui confondent discipline et despotisme. Le talent ne peut naître dans un climat de conflit et de peur. »
“Il y avait des larmes tous les jours”
Dans le monde feutré de la danse classique, son témoignage a fait grand bruit : il a été partagé par plus de cent cinquante danseurs et anciens danseurs professionnels qui ont multiplié les messages de soutien. “Il est grand temps que l’impunité mette fin”, “Merci pour votre courage, ça donne envie de parler”. Plusieurs d’entre eux ont même décidé de dénoncer les violences subies durant leurs années sur scène.
Siloé Vanuxem, 25 ans, aujourd’hui étudiant en psychologie, est de ceux-là. Durant ses études au CNSMD de Paris, de 2011 à 2014, la jeune femme confirme avoir été témoin de scènes d’humiliation récurrentes : « Il y avait des larmes tous les jours. Cela faisait partie de notre quotidien, comme des ampoules aux pieds. » Elle a découvert ces comportements dans les coulisses de l’Université de Musique et des Arts de Munich, qu’elle a rejoint en 2014. « En 2016, une de mes profs passait ses cours à me traiter de « grosse », de « trisomie »… Un jour, elle m’a même jeté une chaise au visage parce que j’avais fait de mauvais pas. C’était une torture. » Burnout, puis dépression, ont mis fin à sa carrière de danseuse en 2017. « Aujourd’hui, imaginer entrer dans un studio me donne la nausée. »
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