Dans son récit autobiographique Le ciel ouvert publié en février dernier, Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018, raconte sa passion pour un cœur déjà pris. Celui qui est aujourd’hui le compagnon de Charlotte Casiraghi, comme l’a révélé Paris-Match cette semaine, il semble avoir trouvé l’équilibre.
« Un romancier n’est pas quelqu’un qui pense, c’est quelqu’un qui expérimente. Et qui trouve les mots pour le dire. Depuis dix ans, Nicolas Mathieu, fidèle à sa conception de l’écrivain, fait osciller sa plume entre colère sociale et mélancolie sans jamais oublier de faire de l’amour l’enjeu principal de ses romans. Décortiqueant les détails alors que Roland Barthes analysait les gestes et les comportements amoureux, il aime citer le sémiologue français comme lorsqu’il explique pourquoi il est fan des lettres d’amour : « On écrit toujours pour être aimé d’un tel même si on sait que cela cela n’arrivera pas», confiait-il le 6 mars dans La Grande Librairie sur France 3. Un fatalisme assumé qui n’empêche pas cette Lorraine de croire encore en la charmante princesse, et surtout de lui écrire, notamment dans son dernier opus, Le ciel ouvert, publié en février chez Actes Sud.
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Né en 1978 dans la banlieue d’Epinal (Vosges), Nicolas Mathieu a grandi entre une mère comptable et un père électromécanicien. Fréquenté une école privée catholique, il se rend vite compte qu’il ne partage pas les mêmes origines sociales que ses camarades de classe. Lorsqu’il lui demande pourquoi il ne va pas skier comme ses amis, sa mère répond : « Nous ne sommes pas américains. ». Le petit Nicolas découvre la notion de classe sociale à l’école et, parallèlement, à l’écriture. La lecture suivra. A 20 ans, le gamin vosgien dévore Annie Ernaux, Colette et Pierre Bourdieu entre deux aventures de Sherlock Holmes ou du commissaire Maigret. Populaire et mystérieux, comme lui. S’il réalise un master en arts du spectacle à Metz, il est parfaitement conscient que ce n’est pas avec ce diplôme qu’il pourra gagner sa vie. L’écrivain en herbe aiguise sa plume en collaborant pour des sites internet et en donnant des cours de soutien académique.
Peu sûr de lui mais passionné d’écriture, il tente son premier roman à 22 ans mais le laisse dans un tiroir. En 2014, il a publié Guerre avec les animaux (Actes Sud) et tout Mathieu est déjà là : les usines, le démantèlement, Epinal et Nancy. Il a remporté, entre autres, le prix Erckmann-Chatrian et le prix Transfuge du meilleur espoir polaire. Entrée réussie pour le gamin de l’Est qui n’en demandait pas tant. La consécration arrive en 2018 avec Leurs enfants après eux et ce prix Goncourt inattendu : cette fresque vosgienne dénonce la désindustrialisation et les horizons brisés de la jeunesse du Grand-Est dans les années 1990. Ce regard tendre mais politique et social sur son adolescence touche les lecteurs. Nicolas Mathieu passe des Vosges à Saint-Germain des Prés en une fraction de seconde, son roman est traduit en vingt langues : mais que faire de ce nouveau statut ?
Devenu l’écrivain du peuple, « le Goncourt » se retrouve sollicité par les politiques, interpellé par les lecteurs qui se reconnaissent dans son modeste parcours et attendent ses opinions et ses actions. Nicolas Mathieu assume et prend parfois position, comme lors de la réforme des retraites contre laquelle il a signé une tribune. Pour lui, l’intime et le politique sont liés et son œuvre ne peut s’éloigner de ses convictions. Il publie Connemara en 2022, un roman d’amour polyphonique et social sur fond de temps qui passe et de rêves inachevés. Entre deux ouvrages, l’écrivain continue de se livrer sur Instagram pour le plus grand plaisir de ses 134 000 abonnés, avec parfois Guest-star son fils Oscar, 11 ans et ses interrogations sur le monde, déjà légendaire.
Aujourd’hui dans Le ciel ouvert, il troque son talent de portraitiste contre l’introspection. Nicolas Mathieu rassemble dans un recueil presque poétique, quelques dizaines de textes écrits sur son compte Instagram pendant cinq ans. Un journal numérique qui évoque par petites touches, des drames et des prodiges quotidiens révélant des fragments d’un discours amoureux, mais aussi paternel et amical. « On peut le lire comme autant de lettres adressées à mon fils, à mon père, à une femme que j’ai aimée. Il raconte le temps qui passe, la passion amoureuse dont l’intensité nous est presque intolérable… Chacun des textes est une tentative de formuler poétiquement ce qui me traverse”, confie-t-il à Là Croix. S’adressant, entre autres, à une femme désirée mais indisponible, il s’attire, avec ces microfictions, la sympathie et la compassion de ses abonnés, et désormais de ses lecteurs, qui se reconnaissent dans ses bribes de vie. Pour autant, pas question pour l’écrivain de vivre uniquement de ses écrits, comme il l’a confié à Ali Baddou sur France Inter : « La vie est supérieure à la littérature. Je viens d’un monde où les gens n’avaient pas forcément de mots. Aujourd’hui, il est bien décidé à vivre et à aimer au grand jour, quitte à faire la Une des magazines.
Le ciel ouvertde Nicolas Mathieu, éditions Actes Sud, 128 pages, 18,50 euros.
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