«Je pensais que mon mari était mort. » La voix de l’épouse du plaignant se brise. Le couple a attaqué l’Établissement Public des Stations d’Altitude (Epsa), en tant que personne morale, après un accident lors d’un saut sur une structure gonflable le 23 juillet 2021, aux Eaux-Bonnes, à la station de Gourette.
Peu avant midi ce jour-là, l’activité a tourné au drame. Alors que le père s’apprête à tomber dans le matelas, celui-ci se soulève verticalement sous l’effet d’un coup de vent. L’homme rebondit, est projeté contre un mur et perd connaissance. Gravement blessé, il souffre de multiples fractures au bras, au coude, au visage, au tibia et au talon. 190 jours d’ITT lui ont été prescrits.
Deux ans et demi plus tard, ce jeudi 14 décembre 2023, il demande la condamnation de l’Epsa pour blessures involontaires. Il n’avait pas l’impression de faire une activité à risque ce jour-là. Il « n’a pas agi intelligemment ». « C’est comme si quelqu’un m’emmenait dans un jardin public et qu’un piano me tombait sur la tête », dit-il.
Attaché par l’arrière
Pour y voir plus clair, le tribunal de Pau a donc examiné les conditions d’implantation de la structure achetée en 2017. Le matelas, couplé à un escalier, était lesté par deux blocs de béton à l’arrière. Pas assez pour Me Stéphanie Nauges, l’avocate de la partie civile. « Les œillets de l’airbag ne sont pas là pour rien », insiste-t-elle, faisant écho au procureur. Le ministère public estime qu’il existe une « faute manifeste engageant la responsabilité pénale de l’Epsa », il a requis 15 000 euros d’amende dont une partie avec sursis.
Le représentant de l’Epsa, directeur opérationnel de Gourette, pointe une notice imprécise. Il assure que le coup de vent n’était pas prévisible. Aucune alerte particulière n’a été émise ce jour-là et une surveillance est effectuée en permanence, plus haut, dans les téléphériques. « La soudaineté est la pire chose que l’on puisse subir. » Le coup de vent fait partie de l’essence de la montagne, rétorque le procureur Richard Pineau.
La détente plaidée
La défense a plaidé pour l’acquittement. « L’Epsa n’a jamais pensé que le matelas puisse être surélevé », précise M. Olivier Thevenot. « Aucun DTU (document technique unifié), réglementaire ou norme administrative exigé Epsa » pour lester le matelas à l’avant.
Le tribunal a cependant retenu la négligence des opérateurs, estimant que les conditions de sécurisation étaient insuffisantes compte tenu du risque de soulèvement du matelas. Il a condamné la structure publique à une amende de 5 000 euros, compte tenu également des « mesures correctives » mises en place par la suite. L’Epsa devra également verser 70 000 euros d’avance à la victime, en attendant l’audience sur les intérêts civils.
L’été suivant, Epsa réutilise son matelas. D’autres points d’ancrage ont encore été réalisés. Et les équipes ont reçu des « consignes claires » : ne plus ouvrir l’activité s’il y a plus de 5 km/h de vent. À la fin de la saison, le matelas s’est déchiré lors du rangement, mettant fin au hobby.
Le plaignant, quant à lui, a suivi un long parcours de soins. L’émotion lui serre encore la gorge ce jeudi. Il n’a pu rentrer chez lui que sept mois et demi après l’accident. Depuis, sa vie a été complètement bouleversée et ses projets de musicien professionnel se sont complètement arrêtés.
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