“Nous sommes dans le flou”, soupire un professeur d’histoire algérien qui a requis l’anonymat, comme les témoins qui ont accepté de parler. Il y a quelques semaines, juste avant la rentrée scolaire du 19 septembre, l’établissement privé pour lequel elle travaille a reçu l’ordre des autorités algériennes de ne plus enseigner le programme de français aux élèves sous peine de sanctions. D’autres écoles à travers le pays sont dans la même situation. « Un coup de massuerésume un réalisateur. Nous ne savons pas quoi faire. »
Les vingt-deux écoles qui échangeaient avec l’ambassade de France via un label délivré par l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ont été particulièrement visées. Début août, ces établissements ont reçu un premier courrier, parfois transmis par huissier, informe une Source, la « exiger le retrait de ce label » sous peine de fermeture ou de poursuites pénales.
“Nous avons exécuté”, raconte un réalisateur qui ne comprend toujours pas comment, ni pourquoi, une telle décision a été prise. D’autant qu’en juillet, son groupe scolaire a reçu une visite “très ordinaire” une commission composée d’un représentant du wali (le préfet), de l’éducation nationale et d’un gendarme. Une inspection comme il en existe tant, notamment dans les villas transformées en écoles qui doivent répondre à certaines normes. « Tout était cordialassure ce directeur. Il n’y avait pas de climat d’inquisition. On m’a juste demandé si j’avais l’étiquette. A la fin de la visite, nous n’étions pas inquiets. Alors pourquoi une telle interdiction ? »
D’ici cette rentrée scolaire, certaines écoles privées – l’Algérie en compte 586, selon un chiffre avancé par le ministre de l’Éducation nationale, Abdelhakim Belabed, en 2021 – pourraient en effet proposer aux élèves de suivre le programme de français en plus de l’obligation. programme national en arabe. Un « double agenda » jamais autorisé par la loi mais toléré au grand jour “avec la complicité des autorités”, dit un réalisateur.
« Cela n’a plus d’importance pour les autorités »
En 2021, après les déclarations d’Emmanuel Macron sur « système politico-militaire » Algérien qui a provoqué une grave crise diplomatique entre Paris et Alger, les inspecteurs de l’Éducation nationale avaient déjà multiplié les contrôles inopinés dans les écoles privées pour s’assurer que le programme national était bien enseigné et pour les pousser à abandonner le programme français. Certains établissements avaient choisi de s’y conformer, d’autres avaient résolu de fermer ou de changer de statut, passant de l’enseignement à la formation, avec le risque que les élèves se retrouvent déscolarisés.
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Parallèlement, l’anglais commence à s’imposer au sein des institutions publiques dans le but de remplacer le français. La langue n’est cependant pas interdite : dans les écoles publiques et privées, elle continue d’être enseignée à raison de 5 heures par semaine.
L’interdiction soudaine du programme de français dans les établissements privés, si elle est un symptôme des tensions entre Paris et Alger, répond aussi à la volonté de mettre fin aux dérives commises par certaines écoles, qui privilégiaient les matières françaises au détriment de l’enseignement supérieur. programme algérien. Enseignement parfois assuré “exclusivement”reconnaît un professeur qui œuvre dans les secteurs public et privé. « Dans ces écoles, lors des contrôles, il fallait cacher les manuels de français, pas les mettre dans les cartables des enfants car ils pouvaient être fouillés »il confie. « Les étudiants ne passaient ni le Brevet ni le baccalauréat algérien, seulement les examens de français, cela n’importait pas les autorités »ajoute un enseignant.
« Le CNED était pour eux un visa »
Pour de nombreuses familles, le choc d’une telle annonce est sévère. Face à l’absence de communication officielle, les parents d’élèves ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’une simple rumeur. Aujourd’hui, ils sont impuissants. C’est le cas de Khelaf. Ce quadragénaire a dû quitter Alger pour s’installer à Tizi Ouzou, à 100 kilomètres de là, afin d’inscrire sa fille de 6 ans dans une école privée qui dispense le programme de français. « Cet été, toutes les écoles de la capitale m’ont envoyé faire une promenade. On m’a fait comprendre que les instructions reçues récemment leur interdisaient formellement de l’enseigner.il dit. A Tizi Ouzou, on m’a assuré au moment de l’inscription que cela passerait. L’école pensait pouvoir contourner l’instruction. » Or, le premier jour de l’année scolaire, l’établissement n’était pas en mesure de proposer le programme de français.
La décision des autorités algériennes suscite d’autant plus de ressentiment qu’elle coïncide avec une autre réforme, française cette fois, concernant le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Jusqu’à cette rentrée scolaire, les Algériens pouvaient s’inscrire et passer le baccalauréat français via le CNED, ce qui leur ouvrait la possibilité de s’inscrire directement sur la plateforme Parcoursup pour accéder à l’enseignement supérieur français. Quelque 3 000 étudiants algériens ont été touchés, soit le contingent le plus important au Monde. « Le CNED était pour eux un visa », dit un enseignant. Le nouveau système ne le permet plus.
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« Au final, la victime, c’est l’étudiant algérientonne un professeur. Beaucoup ne maîtrisent pas l’arabe car ils n’ont suivi que le programme français. Pour les primaires, c’est récupérable. Mais les collégiens ou lycéens ne pourront pas suivre le cursus national. » Pour continuer à étudier le programme de français, des cours sont désormais organisés au domicile des parents ou lorsqu’il n’y a pas de cours. Nous envoyons également des extraits de manuels de français aux téléphones par mesure de précaution. Tout se fait en secret. Nous mentionnons également “idéologie” Et « hypocrisie » dirigeants du ” système “, qui, chaque année scolaire, multiplient les demandes pour inscrire leurs enfants au lycée international français Alexandre-Dumas, à Alger.
Dans cet établissement qui compte 2 183 étudiants, dont 1 008 Français dont 855 binationaux, la pression est excessive : jusqu’à 56 demandes de place pour certaines classes. Pour faire face à cette explosion, la France a, selon nos informations, proposé aux autorités algériennes d’ouvrir un deuxième lycée français à Alger. Pour l’instant, les discussions n’ont pas abouti.
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