En garde à vue, en juillet 2018, Aymeri Semeria, 57 ans, guide de rivière du Touët-sur-Var, unanimement apprécié dans la région, a tout avoué aux gendarmes. «J’ai agi seul. C’est une affaire triste et simple., a-t-il confié. Thierry Abdelaziz, son fournisseur marseillais de cocaïne, aurait semblé menaçant dans l’après-midi du 27 janvier 2018. Il aurait exigé le remboursement d’une dette de 100 000 euros. Aymeri Semeria avait peur. Il est allé chercher un fusil dans son salon, et a tiré une balle dans la tête du trafiquant qui buvait du thé dans la cuisine. Il jeta ensuite le cadavre sur une rive du Var. Les restes seront découverts le 11 février par un promeneur.
Après des investigations approfondies, les enquêteurs de la section de recherche ont pu respirer tranquillement. Les aveux étaient détaillés. Clair comme de l’eau de roche. Et puis Aymeri Semeria a changé d’avis. Et tout est devenu très compliqué.
« Vous vous comportez comme un coupable »
Dans cette nouvelle version, un mystérieux commando aurait fait irruption dans sa maison. Quatre inconnus masqués auraient réglé le compte auprès du dealer. Ils auraient alors ordonné à Aymeri Semeria d’effacer les traces, de se débarrasser de la victime ainsi que de l’arme.
L’accusé a immédiatement repris sa vie paisible au contact de la nature, ne laissant rien paraître devant ses nombreux amis, se gardant bien d’aller voir la gendarmerie. La présidente, Catherine Bonnici, résume ce revirement en ces termes : « Vous vous présentez comme une victime, mais vous vous comportez comme un agresseur. »
Pour compliquer encore davantage cette affaire, les investigations menées auprès de la victime révèlent une double vie parfaitement cloisonnée. Un compagnon à Marseille, un autre à Montpellier. Deux femmes très amoureuses d’un homme insaisissable, grand voyageur en raison de ses activités illégales. Il a fallu sa mort tragique pour que ses frères et sœurs découvrent l’existence de ses deux enfants et ses très gros comptes bancaires.
Visiblement, Me Denis Fayolle, conseil des sœurs et de la mère du défunt, ne croit pas à l’histoire du commando masqué. L’avocat pénaliste joue sur la corde sensible de l’accusé : « Un homme peut-il avoir plusieurs qualités et puis, un jour, commettre l’irréparable ?
L’accusé acquiesce.
“La meilleure défense est la vérité”
« Parlez-vous de ce commando parce que vous avez peur de perdre l’affection de votre peuple ? “C’est parce que c’est la véritérétorque l’accusé. Si j’avais fait cet acte, je le dirais.. « Pour eux mais aussi pour vous, il vous reste demain », lui rappelle l’avocat.
« La meilleure défense est la vérité, et la vérité ne dévie pas », ajoute Me Fabien Perez, au nom des deux enfants de la victime. L’avocat accuse l’accusé de “fausse réalité”, rester “spectateur” du procès. Il reste persuadé que l’accusé a joué un rôle prépondérant dans cette histoire criminelle. Il insiste: « Un garçon de 13 ans et une fille de 18 ans attendent des réponses. »
L’avocate générale, Meggie Choutia, écarte elle aussi sans état d’âme l’hypothèse d’un gang armé qui aurait contraint l’accusé à agir. La magistrate se dit « préoccupé par le sang-froid total de l’accusé »et nécessite vingt ans de prison pénale car les preuves sont accablantes. « J’aurais aimé qu’il prenne ses responsabilités. Il a fait le choix de soutenir une version socialement acceptable.»
Les plaidoiries de la défense sont prévues vendredi matin. Les avocats d’Aymeri Semeria veulent démontrer que ses aveux sont truffés d’incohérences. Le verdict est attendu dans l’après-midi.
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