De loin, il ressemble à une pépinière de quartier, avec sa police joyeuse et ses soleils découpés sur les fenêtres. Dans la vitrine en bois, des livres tels que Mort réenchantepar Youki Vatttier (Actes Sud, 2018), ou un numéro du magazine italien lifestyle Couleurs À la mort datant de 1998, attirez l’attention. À l’intérieur, des canapés orange et vert, une guitare et des M&M pour le confort.
Article de notre «résistance rurale» N ° 67, disponible sur les kiosques à journaux, dans les librairies et dans notre magasin.
Dans un coin, sur un autel, il y a une statue indienne, un livre sur les Rolling Stones, une vierge, des cailloux, un vinyle de Charles Aznavour et un poulet en terre cuite. Bienvenue à la Rennes Funeral Cooperative, qui, depuis 2020, accompagne 450 familles lors des funérailles d’un être cher. Dans la réserve du magasin, les urnes en bambou et les feuilles colorées. Ici, nous ne vendons pas de gerbes ou de couronnes: nous offrons aux familles la possibilité d’aller glaner des fleurs dans les champs.
Toujours pour leur attention, une carte de navigation multicolore indique les étapes du dernier voyage, et à l’étage, où les modèles de cercueils sont alignés, nous découvrons le «Thanatomaton». Ce cercueil «funky-funeal» a érigé verticalement, conçu comme un photomaton, a attiré des foules pendant le «Festival de la mort». Organisé par la coopérative Rennes pour la première fois en septembre 2024, l’événement a réuni 3 000 personnes qui sont venues « remettre la mort au cœur de la ville »Dans une atmosphère joyeuse.
Le secteur funéraire, écrasé par le secteur privé
Comme les dix coopératives funéraires existant en France, celle de Rennes est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), et est basée sur deux principes: ne pas faire de marges et donner aux gens le pouvoir de décision sur la mort. Hérités du Québec, où ils existent depuis plus de cinquante ans, les coopératives françaises ont ainsi l’intention de s’opposer aux logiques capitalistes omniprésent dans le système funéraire. En France, ce marché vaut près de trois milliards d’euros et se porte bien. En fait, 640 000 personnes meurent annuellement et les projections insee prédisent 770 000 décès en 2070, soit 25% de plus qu’aujourd’hui.1. Deux groupes, FuneCap (marque Roc’eclerc) et OGF (propriétaire de Pompes Funèbres Général, PFG), partagent 40% du marché. Les petits joueurs privés tiennent le reste et le secteur public gère environ 6%. Les coopératives représentent une petite partie.
Le premier a été créé à Nantes en 2016. Il compte maintenant 1 100 membres et plus de 600 familles ont été soutenues. ” En tant que petit opérateur, nous allons vraiment bien, même si les grands partagent le gâteau», Explique son fondateur, Sabine Le Gonidec, qui a ouvert une deuxième agence dans le Cité des Ducs à la fin de 2024.
« Les directeurs funéraires assument une mission de service public », Rappelle Aurélie Didier-Laurent, directrice de la Nancy Funeral Cooperative, La Batelière, ouverte depuis 2023. Cependant, la population est mal consciente de leurs droits, ce qui génère des coûts supplémentaires dans la route traditionnelle. À l’inverse, dans une coopérative où le profit n’est pas au cœur du modèle économique, les employés assurent la transparence complète des services facultatifs qui sont souvent très coûteux ailleurs – comme les soins de conservation, l’amorti ou le salon funéraire – et ne facturent pas seulement un prix fixe pour le service, sans faire de marge sur l’équipement. À cela doit être ajouté le transport du corps, la crémation ou l’enterrement et la concession au cimetière, le cas échéant, qui sont des obligations légales.
Inventer les rites personnalisés
Cette philosophie de service fait appel aux personnes avec « Valeurs catholiques de gauche», Souligne Gragory Nieuviarts, co-fondateur de la Rennes Funeral Cooperative. ” Même si nous sommes laïques, la coopérative attire des personnes qui ont porté ces valeurs lorsqu’elles étaient jeunes.»Il a 75% de cérémonies civiles (par rapport à un tiers à l’échelle nationale) et 80% de crémations (contre 44%).
Autres valeurs attractives pour ces membres animés, très vif du bouche à oreille: soulever le voile sur le tabou de la mort en organisant des conférences ou des «cafés mortels» par exemple et en inventant des rites personnalisés. La coopérative Rennes n’hésite pas à briser les codes, comme investir dans une salle de concert ou un chapiteau pour célébrer les funérailles. ” Pour la mort de leur fille de 45 ans, les parents ont fait apporter le cercueil chez eux et ont organisé des temps de veille avec toute la famille,dit Grégory Nieuviarts.Quand il était temps de le mettre dans le cercueil, la mère nous a aidés à le transporter et à le déposer. Elle voulait être sous la garde de sa fille, afin que cet acte n’appartienne pas aux hommes en noir.“
«En France, le rite est mécanique. Il n’y a pas de véritable travail singulier sur la vie de chaque personne, et les Français en sont satisfaits parce qu’ils n’en savent rien. “
À Bordeaux, Edileuza Gallet a fondé la Syprès Funeral Cooperative en 2019, après une formation dans le rite laïque, qui appréhende le défunt à travers des gestes symboliques liés à leurs goûts. “En France, le rite est mécanique. Il n’y a pas de véritable travail singulier sur la vie de chaque personne, et les Français en sont satisfaits parce qu’ils n’en savent rien.», MAINTENANT celui qui a imaginé une cérémonie au cimetière avec des éléments de ballon et des chanteurs gospel pour une danseuse de 32 ans. “Si le rite n’est pas là, nous restons coincés avec les morts. Covid a accéléré le mouvement car les rites funéraires ont été perturbés et les cérémonies ont empêché. Cela nous a permis de vivre des connaissances collectives dans notre corps: nous avons besoin du rite», Met l’accent sur Gallet.
La coopérative funéraire Bordeaux (350 membres et 200 familles soutenues) met l’accent sur l’écologie: les soins de conservation utilisant du formol, qui est extrêmement toxique, est fortement découragé. Seulement 5 à 10% des familles l’utilisent lorsque le taux national est d’environ 45%. Tous les produits sont éco-certifiés; Les urnes, les cercueils et les plantes sont locaux.
-Insécurité financière
Au Québec, certaines coopératives réunissent jusqu’à 40 000 membres et atteignent presque un monopole dans certains territoires. “Ils ont été construits avec le soutien d’une banque mutuelle. En France, nous sommes beaucoup plus précaires», Remarques Olivier Gallet, co-fondatrice de la coopérative Bordeaux. La fragilité est également le point de collision de ce système français, qui repose uniquement sur la bonne volonté locale et l’enthousiasme des membres. Selon Nantes, la pionnière Sabine Le Gonidec, «La création d’une coopérative coûte plus cher qu’un salon funéraire traditionnel, car même si le risque est porté collectivement, et donc un emploi salarié plus bas est obligatoire, il y a donc plus de coûts pour entrer sur un marché. Sachant que nous devons être disponibles 365 jours par an, 24 heures par jour. C’est un marathon et vous devez avoir l’énergie de durer au fil du temps.“
L’année 2024 a également été marquée par le choix controversé des coopératives de Lille et Tulle, qui a rejoint une coopérative d’achat réunissant les commerçants, le choix des funérailles, en raison de difficultés financières. “Le choix funéraire est certainement un groupe indépendant, mais les bénéficiaires sont les membres de l’entreprise, pas les familles endeuillées.», Regrette aurélie Didier-Laurent. Les deux coopératives «dissidents» ont donc dû abandonner la Fédération nationale des coopératives funéraires, créée en 2022, qui a du mal à trouver des ressources et une ligne commune. “Nous devons maintenant élaborer des spécifications pour définir ce qu’est une coopérative funéraire.», Indique Sabine le Gonidec.
Sécurité sociale pour la mort
Les forces pourraient également provenir d’autres initiatives, comme cette idée originale, inspirée des pensées de l’économiste et sociologue Bernard Friot: Sécurité sociale pour la mort. Cette proposition, imaginée en 2022 par les professeurs d’histoire Alban Beaudouin et Jean-Loup de Saint-Phalle2 et maintenant soutenu par un collectif, séduit dans des cercles alternatifs.
Une conférence tenue à travers la France, une plate-forme enLibérationUn rassemblement à Père-Lachaise, un livre à publier3 : Les actions se multiplient pour présenter cette formule. “Les problèmes funéraires seraient financés par une contribution, mis en place sur le salaire brut, pour financer les funérailles de toutes les personnes qui meurent,explains Alban Beaudouin.Cet argent serait géré par des fonds, composé d’agents funéraires et de citoyens dessinés au hasard, qui décideraient collectivement des services à rembourser ou non, et les critères pour les entreprises contractuelles. Pour bénéficier du remboursement des frais funéraires par la sécurité sociale, les entreprises doivent être à but non lucratif et avoir une gestion coopérative.”
Une aubaine pour les coopératives? N’explique pas nécessairement Sabine Le Gonidec: «Si nous avons une énorme demande demain, nous ne savons pas si nous pouvons y faire face.»Les inventeurs de la sécurité de la mort sociale le savent:«Il n’y a pas assez de coopératives funéraires en France pour enterrer tout le monde, l’objectif serait donc de créer un nouveau marché de coopératives et d’entreprises qui relèveraient de l’accord sur la sécurité sociale de la mort.»En retour, le salaire des agents des entreprises approuvées, dont les niveaux seraient également décidés collectivement par les collèges, ne seraient plus payés par l’entreprise mais par le Fonds de sécurité sociale. L’idée est lancée.
1 et 1 Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, Laurent Toumon, «La population française devrait continuer à vieillir dans un demi-siècle»,Population et sociétésINED, 2022.
2 Alban Beaudouin, Jean-Loup de Saint-Phalle, Richard Monvoisin, “For social security of death”,Le monde diplomatiqueNovembre 2024.
3 et 3Alban Beaudouin, Jean-Loup de Saint Phalle,Le coût de la morteditions of Le Détour, March 2025.
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