Pourquoi Yves Rocher est-il si pressé de vendre sa marque Petit Bateau ?

© Illustration Capital – Freepik

– Le groupe Rocher, propriétaire d’Yves Rocher, a annoncé son projet de céder la marque Petit Bateau en 2025.

Attaché à son Rocher depuis 1988, Petit Bateau doit voguer vers de nouveaux horizons. C’est ce qu’a annoncé cette semaine son propriétaire, le groupe Rocher (2,2 milliards de chiffre d’affaires). Si l’annonce a pu surprendre, elle était en réalité prévisible. En grande difficulté depuis le Covid, le groupe familial breton, qui a lancé un important plan de réorganisation en mai 2023, doit sauver ce qui peut encore l’être, à commencer par sa marque phare Yves Rocher, qui fait face à une concurrence de toutes parts.

Après avoir réalisé de nombreuses économies en fermant ses filiales en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, mais aussi en vendant son usine de fabrication de parfums à Ploërmel, ou encore en réduisant les effectifs du siège social et en renégociant drastiquement le loyer de ses locaux parisiens, le groupe Rocher souhaite désormais de concentrer son énergie et ses investissements sur son cœur de métier, la cosmétique. Un investissement de 100 millions d’euros est annoncé pour repartir du bon pied. Étalé sur quatre ans, il servira les quatre marques de soins de la maison : Yves Rocher, Arbonne, Sabon et Dr Pierre Ricaud. Vendre la marque de mode pour enfants Petit Bateau permettra d’affecter tout l’argent aux cosmétiques, plutôt que de maintenir à flot une marque, certes patrimoniale et très appréciée des Français, mais qui peine depuis des années à équilibrer ses comptes.

Un marché dévasté par la baisse de la natalité

Le marché du textile est un secteur particulièrement touché. Fortement concurrencés par les marques de fast fashion, les réseaux qui ont mis la clé sous la porte ne sont plus nombreux (Kookaï, Camaïeu, etc.). D’abord préservée grâce à la niche qu’elle occupe, au sein de laquelle le poids des cadeaux de naissance a permis de maintenir des prix de vente des vêtements élevés, la marque a ensuite été rattrapée par l’essor des ventes de textiles d’occasion, et la baisse de la natalité. En 2023, le chiffre d’affaires de Petit Bateau était tombé à 244 millions d’euros. Sur cinq exercices consécutifs, entre 2019 et 2023, la marque n’a réussi à générer du bénéfice qu’une seule fois, en 2022, avec un résultat opérationnel courant d’environ 2 millions d’euros. Les autres années, c’était au groupe Rocher de combler le trou, avec une ardoise cumulée de près de 40 millions d’euros sur cette même période.

Toutefois, selon la direction du groupe breton, Petit Bateau va un peu mieux. Qualifiant sa pépite de «marque exceptionnelle dans le monde de l’enfant, chère au cœur de toutes les générations», indique-t-il que 2024 a été une année de retournement. “Toutes les filiales de Petit Bateau, distribution et e-commerce, connaissent une croissance de leur chiffre d’affaires, avec notamment une croissance à deux chiffres sur ses marchés français et italien. Petit Bateau a ainsi gagné des parts de marché sur l’année, et reconquis de nouveaux clients», rassure le groupe dans le communiqué annonçant le projet de vente.

Des vêtements conçus pour durer, tissage Made in France à Troyes

Avec un réseau de 370 points de vente, dont 200 à l’international, notamment au Japon et en Grande-Bretagne, Petit Bateau produit environ 28 millions de pièces par an, dont ses célèbres bodys et marinières pour bébés, ou encore ses pyjamas et cabans très résistants. C’est l’un des points forts de la marque, dont les vêtements sont connus (et reconnus) pour durer longtemps, au point de parfois se transmettre d’une génération à l’autre. Une solidité qui parle à beaucoup, à l’heure de une mode quasi jetable, où les vêtements sont commercialisés à des prix terriblement bas, mais ne durent pas.

« A quoi ça sert d’imaginer des vêtements si on ne peut rien faire dedans ? Le slogan de Petit Bateau depuis des années.

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© Petit Bateau

– Loin des phénomènes de mode, Petit Bateau mise sur des modèles et des imprimés intemporels et de qualité faits pour durer.

L’acheteur potentiel ne trouvera pas seulement cette promesse de qualité dans le panier de la mariée. L’entreprise possède également sa propre usine de fabrication, dans le fief de la maille, à Troyes. Un chantier où le ministre de l’Industrie Roland Lescure s’est rendu en mai 2023 pour accompagner les initiatives de progrès et voir les nouvelles machines, plus économes en eau et en énergie, installées grâce au financement du Plan France Relance. A quelques encablures, à Buchères, l’entreprise dispose également d’un grand centre logistique et d’un magasin d’usine.

Une vente prévue « d’ici fin 2025 »

Pour l’instant, aucun candidat au rachat ne s’est fait connaître ni n’a été divulgué. Le groupe espère néanmoins finaliser la vente cette année. “L’enjeu est de trouver des repreneurs qui offrent de nouvelles perspectives de croissance. Si nous y parvenons d’ici fin 2025, ce serait formidable», a confié Jean-David Schwartz, le directeur général exécutif du groupe, dans un entretien au Figaro concomitant à l’annonce.

Gageons que le 19 mars prochain, date de la Saint-Joseph, les salariés feront une petite prière particulière, en déposant le bouquet rituel au pied de la statue de ce saint, qui trône dans l’usine de Troyes, placée depuis sa création. sous sa protection. Ils en profiteront pour laisser un mot sur le repreneur, en espérant un acteur solide, prêt à retrousser ses manches et à investir pour offrir un long avenir à cette grande marque.