Tu n’es pas stupide. Oui, vos parents avaient un enfant préféré. Pire encore, parmi vos propres enfants, il y en a un que vous chérissez plus que les autres.
Qui le dit ? Des chercheurs qui se sont sérieusement penchés sur la question du favoritisme parental et dont l’étude vient d’être publiée par l’American Psychological Association dans sa revue Bulletin psychologique.
Conclusion des chercheurs : un type d’enfant est généralement plus apprécié. Lequel est-ce ? Laine ? Le plus jeune ? Celui du milieu ?
Dans un premier temps, les Américains Alexander Jensen et McKell Jorgensen-Wells, auteurs de l’étude publiée dans le Bulletin psychologiquea plutôt émis l’hypothèse que les mères ont tendance à favoriser les filles et les pères ont tendance à privilégier les garçons.
Ils se sont lancés dans une méta-analyse de 30 articles de revues scientifiques déjà publiés sur le sujet. Ils ont également examiné diverses thèses et examiné 14 bases de données. Au total, 19 469 participants ont été pris en compte. Les chercheurs ont analysé l’impact que peuvent avoir le rang de naissance, le sexe, le tempérament et les traits de personnalité de l’enfant.
Au final, les chercheurs ont conclu que les favoris sont le plus souvent les filles, ainsi que les enfants consciencieux (responsables, organisés). Dans une moindre mesure, les plus jeunes enfants seraient également moins appréciés de leurs parents.
Tout indique donc, notent les chercheurs, que les parents ont une préférence pour les enfants plus faciles à « gérer ».
Un grand tabou
Tout un épisode de La couronnela série sur la famille royale britannique, se concentre sur ce thème du favori familial lorsque le personnage incarnant la première ministre anglaise Margaret Thatcher confie sans gêne à Elizabeth II que son préféré est son fils.
Choquée de l’entendre, la reine se voit rétorquer par son mari, Philip, dont tout le monde sait bien qu’elle a aussi un favori, Andrew (devenu depuis en disgrâce en raison de ses liens avec le prédateur sexuel Jeffrey Epstein et, plus récemment, un espion chinois présumé).
Dans les deux cas, les deux prétendus enfants préférés de la Reine et du Premier ministre se sont montrés particulièrement exubérants.
L’auteur principal de l’étude, Alexander Jensen, ne cache pas qu’il aurait lui-même cru que le favoritisme parental fonctionnerait davantage à l’avantage des enfants particulièrement exubérants et divertissants. « Les Américains, par exemple, semblent accorder une valeur particulière aux personnes extraverties, mais au sein des familles, cela pourrait être moins important », note-t-il.
Pourtant, l’idée selon laquelle les fils et les jeunes enfants sont les moins aimés dans une famille semble contre-intuitive. La sociologue Francine Descarries indique d’abord à quel point cette étude ne peut être valable, au mieux, que pour quelques pays. Car dans la majorité des sociétés, rappelle-t-elle, ce sont les bébés garçons qui sont espérés et valorisés.
Pour les États-Unis et pour nous, le fait que les filles soient préférées, si tel est réellement le cas, renvoie sans doute selon lui à la socialisation des enfants. Les petites filles, souligne-t-elle, sont encore éduquées en leur faisant développer l’inquiétude, tandis que les garçons sont davantage conduits « vers l’action, vers l’agir ». “Elle a tendance à s’atténuer avec la plus grande prise de conscience de l’éducation sexospécifique”, mais elle est encore loin d’être parfaite, note M.moi Descarries.
Alors oui, peut-être que les filles élevées pour être gentilles, voire dociles, facilitent la vie des parents et cela explique peut-être cela, d’ailleurs, dans nos sociétés.
Un enjeu pour la santé mentale
Mais à quoi bon faire des recherches sur ce sujet, sinon créer du bavardage dans les chaumières ? Les chercheurs soulignent que, comme plusieurs études l’ont déjà démontré, le traitement différencié entre les enfants a son impact. « Des études ont déjà établi que les enfants moins appréciés se développent moins bien, qu’ils ont une moins bonne santé mentale. »
Ils soulignent également que deux études ont conclu que les enfants les moins favorisés ont des comportements plus problématiques, ainsi que des relations familiales plus difficiles.
A noter que les chercheurs notent que leur étude ne leur a pas permis de voir si les modèles observés évoluaient, autrement dit si les favoris restaient les mêmes au sein de la fratrie depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte.
Sommes d’argent supplémentaires accordées à l’un ou l’autre, autorisations spéciales, plus grande indulgence face à un même comportement répréhensible : les parents ont des raisons de réfléchir à leurs actes et à leurs effets.
Les frères et sœurs adultes peuvent également y trouver matière à réflexion. “La prochaine fois que vous vous demanderez si votre frère ou votre sœur est l’enfant préféré, rappelez-vous qu’il y a probablement bien plus en jeu qu’une simple préférence pour un enfant plus âgé ou plus jeune”, explique Alexander Jensen. Cela peut être lié à la responsabilité, au tempérament ou simplement à la facilité ou à la difficulté de s’entendre avec vous. »