François Gorin s’est inspiré de la vidéo du concert des 30 ans de carrière de Bob, notamment de la chanson « Mes dernières pages » qu’il interprète avec des amis, chanteurs-musiciens de renom. Un essai-récit terriblement intelligent et édifiant.
Un tour de force ; voici ce que dit l’écrivain et critique rock François Gorin (Rock et Folk, Matin parisien, télérama). Extrait de l’enregistrement de la chanson éponyme « Mes dernières pages » – créé en juin 1964 par le maître, joué sur scène le 16 octobre 1992 au Madison Square Garden de New York pour célébrer ses 30 ans de carrière en compagnie de ses amis Neil Young, Tom Petty, Éric Clapton, George Harrison et Roger McGuinn – , il retrace et analyse la carrière de Bob Dylan. Un tour de force, oui car, d’un côté, on croyait que tout avait été dit et écrit sur Robert Zimmerman ; de l’autre, le style d’essai-récit de François Gorin ne lasse jamais mais surprend et informe toujours.
Critique rock de haut niveau
La construction du livre est habile. La citation et le commentaire de ladite chanson reviennent comme un leitmotiv, comme un refrain. Non sans malice et gourmandise, François Gorin nous confie tout le plaisir qu’il a à regarder sans cesse ce moment exceptionnel, cet instant de pure magie folk-rock’n’roll. Nous avons le droit de ne pas lui en vouloir. De la magie pure, oui ; Cependant, comme il le concède non sans panache et franchise, ce n’est en aucun cas le meilleur morceau de Bob, même si la mélodie accrocheuse et le dynamisme séduisent.
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Oui, il se passe quelque chose entre ces six monstres qui, à tour de rôle, chantent un couplet. Dans l’ordre : McGuinn, Petty, Young, Clapton, Dylan et Harrison en vestes violettes et chemises à col rayé (mais où a-t-il trouvé ça ?). Et ces deux solos sont époustouflants de sensation : celui d’Eric Clapon, calme, ensoleillé, sur sa Stratocaster, puis celui, fougueux, presque punk, de Neil Young sur sa Gibson Les Paul noire. Et puis, les chorales ! Ah ! les chœurs. Ces harmonies simples et claires comme des larmes de joie. Nous en demandons davantage.
Le livre de François Gorin est passionnant et beau car il ne se le raconte jamais. L’auteur raconte, justement, ce qu’il ressent face à un Dylan si complexe, multiforme, et, laissons tomber le mot, carrément génial. Il a l’honnêteté de ne pas l’épargner parfois ; Gorin gratte si nécessaire ; se moque-t-il. Mine de rien, il réalise ce que l’on croyait impossible : la réconciliation entre les mondes hippie et punk, et ceux du folk et du rock. Il nous donne ici quelques critiques rock de haut niveau à lire. Qu’il en soit remercié.
Mes dernières pages, Dylan et eux de François Gorin ; éd. le boulon ; 174 p.