Ce n’est pas juste Jeu de calmarK-pop et Bong Joon-ho : la Corée du Sud se fait depuis plusieurs années une place dans l’industrie mondiale de l’édition avec le webtoon. Le terme couvre à l’origine un manhwaterme coréen désignant la bande dessinée, publiée en ligne, mais il s’applique désormais aux œuvres graphiques originaires de Corée du Sud, voire d’ailleurs, qui reprennent certains codes.
De plus, le terme webtoon, bien qu’il désigne le plus souvent des œuvres lues en ligne, sur l’écran d’un smartphone ou d’une tablette, a été adopté lorsque les histoires sont publiées sous un format imprimé…
Une industrie d’un milliard
En décembre 2024, le ministère de la Culture et l’agence gouvernementale chargée du secteur culturel ont publié un rapport sur les résultats économiques du webtoon, pour l’année 2023. Sur cette période, l’industrie sud-coréenne valait 2,189 billions de won, soit environ € 1,4 milliards. L’augmentation d’une année sur l’autre reste spectaculaire, puisqu’elle est estimée à 360 milliards de won, soit environ 240 millions d’euros.
Selon les données avancées par les organismes gouvernementaux, la croissance ne ralentirait pas, bien au contraire : de 2021 à 2022, les ventes ont augmenté de 16,8%, contre 19,7% entre 2022 et 2023…
Les plateformes de lecture en ligne dédiées aux webtoons représentent à elles seules quelque 1.400 milliards de wons, soit environ 935 millions d’euros, soit une hausse de 25% par rapport à l’année précédente.
Comme le Japon, la Corée du Sud peut compter sur le 9ème art pour développer son rayonnement culturel à travers le monde. Par ailleurs, l’archipel est le premier client parmi les pays importateurs de webtoons sud-coréens : il est suivi par l’Amérique du Nord, la Chine, l’Asie du Sud-Est et enfin l’Europe.
Naver imbattable ?
Au sein de l’imposante étude gouvernementale (uniquement disponible en coréen), on découvre des statistiques assez détaillées. Celles-ci permettent notamment de confirmer la position de poids lourd dans le secteur du Webtoon, une application appartenant à la multinationale Naver, parfois surnommée «Google coréen».
Ainsi, 87,1% des lecteurs interrogés dans le cadre du rapport le citent parmi leurs méthodes de lecture préférées, loin devant KakaoPage (37,6%), Series (qui appartient également à Naver, 27,6%) ou encore Kakao Webtoon (20,8%). A noter la place surprenante occupée par Instagram (20,9%), propriété du groupe américain Meta…
-Des auteurs en difficulté ?
À qui profite le webtoon ? L’étude gouvernementale propose également un aperçu des contrats signés par les auteurs, ce qui est assez rare. En 2023, le revenu annuel médian des artistes atteindrait 38 millions de won, soit environ 25 000 €, ce qui le place peu ou prou dans le périmètre du salaire annuel médian en Corée du Sud (environ 26 000 €). Environ la moitié des 800 auteurs interrogés déclarent gagner entre 30 et 50 millions de won par an (de 25 000 à 33 000 euros).
Le ministère de la Culture constate qu’un changement est observé dans la nature des contrats signés par les auteurs, entre 2022 et 2023 : les contrats de travail sont ainsi plus fréquents, par rapport au contrat de commande ou au contrat d’édition plus classiques.
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Les auteurs travaillent en moyenne 5,9 jours par semaine, un chiffre stable, même si le pourcentage d’entre eux qui ne lèvent jamais le pied de la semaine a baissé : un quart des auteurs (26,9%), sont néanmoins hébergés dans cette enseigne… Par ailleurs, le quotidien le temps de travail a atteint 10,6 heures, soit une augmentation de 0,6 heure.
L’étude est accessible à cette adresse.
Photographie : webtooniste Lee Jong-beom, en 2023 (image, République de Corée, CC BY-SA 2.0)
Par Antoine Oury
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