CCette fois, la victoire ne lui échappera pas. Après une défaite de dernière minute en 2020, Charlie Dalin a remporté mardi 14 janvier le Vendée Globe 2024 bouclé en 65 jours. Il pulvérise ainsi le précédent record détenu par Armel Le Cléac’h (74 jours en 2016).
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Le Havrais de 40 ans avait mis toutes les chances de son côté pour boucler « l’Everest de la voile » en menant une bonne partie de la course. Mais l’architecte naval savait qu’il lui faudrait rester fort jusqu’au bout : il y a deux ans, sur la Route du rhum, il s’était fait doubler à l’arrivée par Charles Caudrelier.
Parfaitement à l’aise dans son Imoca (Macif santé prévoyance) et bien aidé par la météo, Charlie Dalin a livré une bataille acharnée avec Yoann Richomme jusqu’à la fin de la course. Le skipper de Paprec-Arkéa a pris la tête de la course fin décembre, avant de se faire doubler par Charlie Dalin. A l’arrivée, seulement 140 milles nautiques séparent les deux premiers.
La prise de risque de Charlie Dalin porte ses fruits
« Je suis très content que ce soit lui qui gagne », réagit le skipper Maxime Sorel (V et B – Monbana – Mayenne), contraint à l’abandon après s’être cassé la cheville. C’est lui qui prenait le plus de risques en anticipant les dépressions, même celles un peu complexes, quand Yohann se retirait parfois. »
Car c’est aux îles Kerguelen, dans les vagues tumultueuses de l’océan Indien, que les leaders ont fait la différence en naviguant plus au sud que leurs concurrents : « Charlie a choisi de rester au sud sur l’énorme dépression, là où les autres privilégiaient la sécurité au nord. et a donc voyagé beaucoup plus loin. C’était audacieux, même si cela a été révisé à l’entraînement. Il n’aurait pas dû y avoir de problème de quille ou de safran et ça s’est bien passé pour eux », résume Hubert Lemonnier, le directeur de course.
« Normalement, dans l’Atlantique, on va d’est en ouest, et les dépressions se déplacent vers nous, c’est donc la zone où le vent et la mer changent énormément », explique Maxime Sorel. En devançant les dépressions, Charlie Dalin et Sébastien Simon (groupe Dubreuil) ont donc profité de conditions optimales, même si le second a ensuite souffert d’un foil endommagé : « Derrière le front dépressionnaire, la mer a déjà soufflé et reste agitée. , alors que si on reste devant, on bénéficie d’une mer plate avec du vent que l’on prend sous un angle optimal. »
Ces navires de 18 mètres, équipés de foils (appendices placés sur les côtés de la coque pour faire voler le navire à une certaine vitesse), restaient encore à se familiariser. Sur ce point, Charlie Dalin avait une longueur d’avance, ayant déjà réalisé un Vendée Globe sur l’Apivia Imoca.
Il a ainsi pu mettre à profit son expérience pour travailler avec l’équipe Mer concept, l’équipe de François Gabart, lui-même vainqueur du Vendée Globe en 2012. « Il a eu un retour d’expérience très précis. C’est un bateau plus léger, avec une coque plus étroite que le précédent Imoca, afin d’avoir un meilleur passage en mer », explique Véronique Soulé, une des architectes qui ont travaillé sur le projet. L’espace de vie a également été déplacé de l’avant vers l’arrière du cockpit central, de manière à protéger au maximum le skipper de l’impact des vagues.
Grâce aux foils, une vitesse « multipliée par 4 »
Il n’y a cependant pas eu de discussion sur l’option des foils. Depuis le Vendée Globe 2016, où ils ont fait leur apparition, leur design et leur solidité n’ont cessé de s’améliorer. « En quarante ans, les voiliers de compétition ont quadruplé leur vitesse. C’est le seul domaine où de tels progrès ont été réalisés. Pas de Formule 1, aucun avion ne va quatre fois plus vite aujourd’hui qu’il y a 40 ans », affirme Loïck Peyron, deuxième de la première édition du Vendée Globe et président du conseil stratégique du groupe CDK.
« Lors de la dernière édition, les bateaux n’avaient pas assez de volume de vent et prenaient l’eau car les coques étaient trop basses. Cette fois, les foils ont été dimensionnés de manière cohérente. Nous avons atteint un certain niveau de maturité », ajoute Guillaume Combescure, directeur technique de la Macif.
Jean Le Cam toujours sans fleurets
Malgré quelques vieux loups de mer, comme Jean Le Cam qui continue de privilégier les dérives droites, la majorité des skippers du Vendée Globe (25 sur 40) se sont convertis au foil. Mieux encore, sur le top 20 actuel des concurrents, 18 sont équipés de ces appendices : « La dernière fois, Jean Le Cam a fait une belle Vendée sans les foils, mais le gain de vitesse avec eux devient prohibitif. Il y a encore 3 à 5 nœuds d’écart au portant », constate Luc Talbournet, président d’Avel Robotics, dont la société a réalisé les appendices carbone de la moitié des Imocas du Vendée Globe.
Il a quand même fallu apprendre à naviguer sur ces nouveaux hydravions : « Ça change beaucoup de choses dans l’approche, raconte Maxime Sorel. Lorsque le bateau s’élève au-dessus de l’eau, il accélère très fort, mais lorsque la mer est imparfaite, le bateau saute et retombe. C’est un peu comme si huit tonnes descendaient simultanément sur deux étages. »
François Gabart, qui a connu l’époque des Imocas sans foils, ne peut que confirmer : « La gestion des bateaux est très différente, avant on chargeait davantage les bateaux pour avoir de la stabilité et de la puissance. Si désormais on peut se permettre d’avoir des bateaux un peu plus légers, ce ne sont pas les mêmes réglages de quille et de voile. »
« L’avenir du foil, c’est le transport de passagers »
Longtemps contestés pour leur manque de solidité, les foils se sont imposés dans les régates, comme en témoignent les bolides de l’America’s Cup sur lesquels ils sont devenus populaires en 2013. Si les foils ont rendu les bateaux Imoca plus rapides (jusqu’à 30 nœuds environ), ils ont également augmenté la budgets : jusqu’à 500 000 euros par paire d’appendices pour 6 à 12 mois de construction. Un coût à prendre en compte pour les équipes qui doivent intégrer le risque de casse. Longtemps deuxième du Vendée Globe, Sébastien Simon en a fait les frais en décembre.
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Mais il ne s’agit pas seulement de course. Aujourd’hui, les chantiers navals de Brittany Sailing Valley considèrent le Vendée Globe comme un laboratoire d’innovations pour la plaisance ou la marine marchande, car réduire la traînée passe par réduire la consommation de carburant : « L’avenir du foil, c’est le transport de passagers, il reviendra avec les technologies que nous se développent sur nos voiliers », assure Loïck Peyron.
L’architecte Véronique Soulé travaille également sur un projet de navire de 100 tonnes équipé de foils pour la Norvège. En attendant que cette révolution se concrétise, le foil n’a pas fini de faire rêver le monde de la course au large. « Mon rêve serait de faire un tour avec Charlie Dalin sur son bateau à foils, confie Jean Le Cam.