Ce mercredi 8 janvier 2025 sort en salles L’hiver à Sokchoun premier film touchant sur la quête d’identité mettant en scène Roschdy Zem dans la peau d’un célèbre couturier français plongé au cœur d’une romance impossible. Face à Bella Kim, brillante actrice sud-coréenne qui joue ici son premier rôle, l’acteur césar continue de séduire par son charisme naturel et sa capacité inépuisable à se renouveler à l’écran. Rencontre avec l’un des acteurs les plus fascinants du cinéma français.
Roschdy Zem, caméléon et acteur exigeant
Depuis l’une de ses premières incursions notables à l’écran en je n’embrasse pas (1991) d’André Téchinél’acteur Roschdy Zem (59 ans) s’est imposé comme un visage incontournable du cinéma français. Capable d’incarner avec une rare intensité des patrons rongés par la haine ainsi que des pères de famille empreints de tendresse, l’acteur imperturbable a depuis prouvé à plusieurs reprises qu’il excelle toujours en s’immergeant dans des rôles où la complexité humaine apparaît comme un élément central.
On se souvient particulièrement de ses performances physiques en Roubaix, une lumière (2019), brillant long métrageArnaud Desplechin dans lequel il incarne un commissaire de police hanté par une affaire de meurtre. Un rôle qui lui offre (enfin) le César du meilleur acteur en 2020, couronnant une étonnante carrière déjà rythmée par de nombreuses nominations.
Plus Roschdy Zem ne se limite pas à son simple statut d’acteur populaire. En tant que réalisateur, il a laissé sa marque avec Le mien (2022), un drame poignant dans lequel il incarne un présentateur télé confronté aux reproches de ses proches, livrant une réflexion intime sur les liens familiaux.
Ce mercredi 8 janvier 2025, l’acteur aux mille visages revient avec une performance unique dans L’hiver à Sokcho de Apprendre Kamuraun long métrage émouvant sur la quête d’identité et la recherche de ses racines, adapté du roman d’Elisa Shua Dusapin. Roschdy Zem Il incarne un célèbre designer français en quête d’inspiration qui va rencontrer une jeune femme confrontée à la mélancolie glaciale d’une petite station balnéaire sud-coréenne… Rencontre.
L’entretien avec Roschdy Zem, star du film L’hiver à Sokcho
Nombre : Quels éléments vous ont poussé à rejoindre le casting du film L’hiver à Sokcho ?
Roschdy Zem : J’ai été séduit à la fois par le scénario et par le personnage un peu bourru, à l’instinct animal, que j’incarne. Quand j’ai rencontré Apprendre Kamura (le réalisateur), j’ai aimé sa douceur, sa vision poétique et sa proposition audacieuse d’ajouter des scènes d’animation au sein du film. Tous ces éléments ont rendu le projet très onirique. J’ai trouvé intéressant de traiter avec un peu de douceur.
Dans L’hiver à Sokcho, vous incarnez un célèbre designer. Comment avez-vous réussi à vous plonger dans la peau de ce personnage taciturne ?
Ce rôle apparaît comme la projection du fantasme de tous les artistes. On aimerait avoir ce côté sombre, ce luxe de ne pas se soucier d’être aimé ou non. Mais de manière générale, nous sommes trop fragiles pour pouvoir y faire face. Le personnage de Yan Kerrand (que j’incarne) ne se pose pas ces questions et il parvient à ne pas se soucier du regard des autres. Je pense que dans la vie on avance tous avec des filtres pour essayer de séduire, d’être accepté, aimé et intégré.
Partagez-vous des similitudes avec ce personnage ?
J’aimerais bien, mais je ne pense pas en avoir le courage. Pour avoir un comportement qui ne se prête pas à la séduction ou à quoi que ce soit qui s’en rapproche, il faut être assez confiant et je ne suis pas sûr d’avoir cette force. Comme beaucoup d’acteurs, j’ai besoin d’être aimé et je vis à travers le regard bienveillant des autres. Être détesté par quelqu’un est quelque chose qui m’est très désagréable, même si on finit parfois par l’accepter. Pour conclure, je ne sais pas quelles similitudes j’ai avec Kerrand, mais je perçois surtout nos différences.
“Comme beaucoup d’acteurs, j’ai besoin d’être aimé et je vis à travers le regard bienveillant des autres..» Roschdy Zem.
Comment ça s’est passé de tourner aux côtés de Bella Kim qui fait ses premiers pas au cinéma avec ce long-métrage ?
J’ai senti dès le début que Bella Kim avait une immense intelligence et était un très bon auditeur. Ce n’est pas donné à tout le monde et cela permet de faire d’immenses progrès quand on est acteur. Elle manque aussi d’arrogance et c’est quelque chose qui me touche beaucoup. On me pose souvent des questions sur les conseils que je donne aux jeunes comédiens. A vrai dire, j’évite de leur donner des conseils car généralement, au début, ils formulent des propositions dénuées de toute forme de technique mais qui paraissent authentiques et sincères. Je suis aussi très sensible à cela et j’aime quand le jeu d’un acteur est maladroit mais sincère. C’est toujours intéressant d’assister à la naissance d’un acteur ou d’une actrice.
L’hiver à Sokcho aborde les thèmes du déracinement et de la quête de son identité…
-Bien sûr, ce sont des thèmes que j’ai essayé d’évoquer à travers mes films. Le déracinement est un sujet passionnant dont nous avons beaucoup parlé avec Apprendre Kamura qui est franco-japonais. Dans le film, elle est abordée à travers le personnage de Bella qui ne se sent pas vraiment chez elle dans ce pays où elle grandit. Comme beaucoup de personnes, elle se rend compte qu’il manque de nombreuses pièces à sa vie et cela crée une forme de frustration qui l’empêche de s’épanouir.
Vous êtes également passé de l’autre côté de la caméra à plusieurs reprises. Comment s’est déroulée cette transition d’acteur à réalisateur ?
Cette transition s’est faite tout naturellement. J’ai toujours aimé raconter et écrire des histoires et il y a quelques années, j’ai été aidé par un producteur qui souhaitait en produire une. C’est devenu mon premier film intitulé Mauvaise foi (2006). Ce fut une belle expérience qui a été ponctuée par un succès au cinéma et le plaisir de réaliser est né de cette expérience. J’essaie de faire durer mais je dois arriver à trouver des thèmes très intéressants. Comme j’ai la chance d’être acteur, je n’ai pas besoin de trouver un sujet chaque année et j’ai pris l’habitude de laisser les sujets venir à moi. Mais ces derniers temps, c’est compliqué. Je suis un peu le personnage de Kerrand dans L’hiver à SokchoJ’ai besoin d’inspiration…
“J’ai l’impression d’exister et de vivre à travers le désir des autres.» Roschdy Zem
Récemment, nous vous avons adoré dans un rôle plus comique dans le film L’Innocent (2022) de Louis Garrel. Faire rire les gens est aussi quelque chose qui vous tient à cœur ?
Quand nous avons rencontré Louis GarrelJe n’avais pas conscience de l’aspect comique de ce film. Je crois aussi que le meilleur rire est celui qu’on ne pense pas provoquer car il me semble qu’il n’y a rien de plus dangereux que de vouloir faire rire les gens de manière totalement volontaire. Les vrais génies sont ceux qui arrivent à provoquer le rire en faisant croire que c’est à leurs dépens.
Dans ce long-métrage, vous incarnez une forme de masculinité très virile et presque dépassée…
J’ai grandi dans un milieu où il y avait beaucoup de casseurs et, surtout, des casseurs qui étaient en fin de carrière. En les observant, j’ai vu qu’ils avaient ce côté suranné, à la fois touchant et pathétique. Peut-être que ces observations m’ont amené à jouer mon personnage de cette façon.
Y a-t-il un personnage que vous n’avez jamais joué auparavant et que vous rêveriez de jouer à l’écran ?
Je n’ai pas d’envie secrète car si j’en avais une, je l’écrirais. Dernièrement, j’ai incarné Yves Montand (dans le film Moi qui t’aimais prévu pour octobre 2025) et j’ai pris un plaisir incroyable à m’imprégner de ce personnage. Cependant, je n’aurais jamais pensé à le faire si cette proposition n’était pas née de la pensée d’un réalisateur. C’est difficile parce que j’ai l’impression d’exister et de vivre à travers le désir des autres. Dès que quelqu’un me pose la question du prochain personnage que j’aimerais incarner, j’hésite un peu.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées en vous préparant au rôle d’Yves Montand ?
Les défis sont innombrables car on sent qu’une comparaison naturelle est faite avec un homme qui a réellement existé. Cependant, l’idée est toujours de proposer une nouvelle proposition du personnage d’Yves Montand. Un peu à l’image de ce qui avait été fait Cate Blanchett avec Bob Dylandans le film Je ne suis pas là (2007) Todd Haynes. L’approche de Diane Kurys (la réalisatrice du film) m’a intéressé car elle voulait raconter l’histoire de ce couple (qu’il formait avec l’actrice Simone Signoret) qui était parfois très violent. C’est quelque chose qui parle à tout le monde : «Qu’est-ce que ça fait de vieillir ensemble tout en s’aimant et en ayant des points de désaccord». Evidemment, on va souffrir d’une comparaison mais je suis assez à l’aise avec ça car je crois que l’idée de base n’était pas de viser la performance. Il s’agissait plutôt d’explorer comment cet amour était possible alors même qu’ils devenaient des références dans leur travail et grâce à leur engagement politique et social.
Quels sont vos projets pour 2025 ?
Dernièrement, j’ai beaucoup travaillé. je me suis tourné L’hiver à Sokchomais aussi un long métrage avec Martin Bourboulon qui est appelé 13 jours, 13 nuits. Enfin, il y a eu le biopic d’Yves Montand, Moi qui t’aimais. Avant cela, j’ai passé six mois au théâtre pour une adaptation du film Une journée spéciale (1997) d’Ettore Scola. Aujourd’hui, j’ai besoin de souffler. Cependant, en mars, je commence le tournage d’un nouveau projet en Italie, donc la suite ne sera que de courte durée…
L’hiver à Sokcho de Koya Kamura, avec Roschdy Zem et Bella Kim, en salles le 8 janvier 2025.