Le début des années 1980 est marqué par une vague néolibérale avec des figures emblématiques : Margaret Tatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis. Le candidat républicain, ancien acteur de série B, se retrouvera à la tête de la nation la plus puissante du monde sans vraiment s’y être préparé. Utilisant ses talents d’acteur et ses “effets comm” plus que le travail de dossiers, le locataire de la Maison Blanche ne tardera pas à se laisser séduire par les thèses de l’école de Chicago, un groupe d’économistes, militant d’un libéralisme débridé. L’effondrement des services publics, le déclin des missions de l’État et la toute-puissance de la « loi du marché » comptent parmi les marqueurs de ce tournant idéologique.
Face à ce qu’on appelle encore l’URSS, Reagan adoptera une position très ferme et contribuera à relancer la guerre froide, non seulement par des déclarations provocatrices, mais aussi en relançant la course aux armements. Ce comportement influencera profondément la politique américaine et aura des conséquences mondiales. Considéré par ses adversaires comme un inculte, voire un idiot peu travailleur, il réussit néanmoins à mettre à genoux l’empire russe. Si les effets de ses choix néolibéraux se font encore aujourd’hui sentir, notamment auprès des classes moyennes, le président saura très vite utiliser ses talents d’acteur à son avantage, se montrant sympathique, préférant la plaisanterie aux enjeux politiques.
Jean-Yves Le Naour (scénariste prolifique et aussi historien) reflète ce président au bilan politique mitigé, à l’image atypique, sans concession, et sans doute un peu méconnu aujourd’hui. Si le personnage reste sympathique et plein d’humour, le scénariste pose la question agaçante : Reagan était-il un obscur crétin ou au contraire un homme politique redoutablement intelligent ? La lecture de l’album ne laisse guère de doute à ce sujet. Au-delà de son titre provocateur et de son traitement intransigeant, l’image de l’ancien président encore vénéré par certains libéraux est loin d’être immaculée.
Cédrick Le Bihanà qui l’on doit déjà un ouvrage politique du même éditeur (Dans l’ombrebasé sur le roman deEdward Philippe et Gilles Boyer), sert avec application et efficacité le propos de cet album plutôt verbeux, malgré l’aspect parfois clownesque du personnage. Le récit a cependant le mérite de mettre en perspective les choix économiques et politiques dont les effets se font encore sentir aujourd’hui à travers les propos d’un certain Donald Trump. Un album utile et ironiquement très actuel.
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