L’alerte de l’AFP est tombée mardi peu avant 13 heures : Jean-Marie Le Pen est décédé à l’âge de 96 ans. L’annonce de la disparition du leader d’extrême droite, fondateur du Front national, a déclenché un flot de réactions. De Jordan Bardella au Premier ministre François Bayrou, de François-Xavier Bellamy à Jean-Luc Mélenchon, les dirigeants politiques ont diffusé leurs tweets, avec des tonalités très différentes selon leur couleur politique. Philippe Poutou a ainsi rendu hommage au défunt père de Marine Le Pen : « Les vœux, c’est fou, ça marche ! L’année 2025 ne commence pas trop mal avec cette bonne nouvelle. »
Et la joie de l’ancien candidat du NPA aux deux dernières élections présidentielles n’est pas un cas isolé. Sur [que l’on peut traduire par « enfin »]. Tous ont monopolisé les tendances du jour sur les réseaux.
“Alors, il y a du soleil dehors ?” Non vraiment, quelle bonne journée”, “Aujourd’hui c’est la fête nationale on supprime le 14 juillet”, pouvait-on aussi lire. Mais alors, si se réjouir de la mort de quelqu’un est « heureusement » possible, il faut s’interroger sur « ce genre d’impulsion qui nous pousse à partager cette réjouissance en ligne », estime Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur à l’Université de Nantes en sciences de l’information et de la communication.
Un « effet concurrence »
Pourquoi un tel affichage sur les réseaux sociaux ? « Les plateformes rendent ce genre de messages super visibles, poursuit l’enseignant. Ils savent que cela entraînera une dynamique virale presque automatique car elle est émotionnelle et instantanée. Ils encourageront également la documentation commémorative. Et donnez à chacun la possibilité de montrer son point de vue en public. « C’est l’occasion de contextualiser une partie de son histoire, de renforcer son sentiment d’appartenance à un collectif. »
Contre-hommages, gifs humoristiques, litanies de condamnations judiciaires ont donc rythmé la journée de mardi en ligne. Avec, en sous-titre, l’idée que se taire serait une faiblesse. « On observe un effet de concurrence intentionnelle sur les réseaux. Si nous avons combattu Jean-Marie Le Pen et que nous ne parlons pas, nous intériorisons le fait de laisser parler les opposants », analyse Olivier Ertzscheid.
« Des mots habituellement contenus dans le jeu social »
L’affrontement de mardi entre les heureux du jour et les partisans du « Menhir » s’est déroulé avec une intensité propre aux interactions sur les réseaux sociaux… et au sujet de la mort. «Quand on parle d’une personne décédée, on peut passer d’une émotion à une autre et parfois réagir de manière excessive», précise l’expert. Il évoque « l’effet d’habitation » des réseaux sociaux, ce – faux – sentiment d’abri qui libère la parole, notamment sur la mort. « Ces propos seront généralement contenus par le jeu social. Les schémas habituels de communication avec un tiers sont éclatés. » Autrement dit : les personnes qui ont écrit sur les tribunes leur joie après la mort de Jean-Marie Le Pen auraient-elles été aussi nombreuses à la crier en public en pleine rue ? Des rassemblements ont eu lieu mardi soir dans certaines grandes villes de France. “Il est mort, il est mort !” », scandaient des manifestants venus boire du champagne et lancer des fumigènes à Paris, place de la République.
En tout cas, trouver acceptable de se réjouir de la disparition d’une personne n’est pas une exception française. Au Royaume-Uni, une étude YouGov publiée par Le gardien en 2021 a montré que plus de la moitié des Britanniques estimaient qu’il était possible d’applaudir la mort d’une personne.