Pour la troisième année consécutive, une boulangerie de Reims propose un tirage au sort pour gagner un lingot d’or de cinq grammes, soit 450 €. Avec la flambée du prix de l’or, la crise immobilière, l’inflation et les instabilités à l’étranger, les Français retrouvent une « culture de l’or » qu’ils avaient peu à peu perdue, notamment chez les jeunes. Décryptage.
Les essentiels du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve la meilleure actualité régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en contact avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse email pour vous envoyer la newsletter « Les incontournables du jour : notre sélection exclusive ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien présent en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Aux heures de pointe, on fait souvent la queue devant cette célèbre boulangerie du centre de Reims, à deux pas de la cathédrale. Mais en fin de matinée, la foule est majoritairement derrière les fourneaux. Les crêpes fraîchement préparées rencontrent les baguettes tout juste sorties du four derrière les croissants, dans l’immense four à bois de la boulangerie… Le Four à Bois.
Pour le manager, Julien Van Vynckt, l’épiphanie est la période clé de l’année à ne pas manquer : «L’année dernière, nous avons vendu 2 300 gâteaux et nous espérons faire mieux cette année..
Pour convaincre ceux qui hésitent à repartir avec un gâteau sous le bras, une affiche promet une chance de gagner un lingot d’or suite au tirage au sort de tout gâteau acheté.
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le lingot n’est pas directement dans la crêpe comme un haricot »,trop dangereux” assure le Comptoir d’or national qui organise l’événement dans 80 boulangeries partout en France. En effet, la valeur du gâteau passerait à 450 €, ce qui pourrait susciter l’envie.
Côté boulangerie, ce système permet de booster les ventes : «depuis que nous y participons, cela a augmenté nos ventes de gâteaux, et c’est toujours sympa d’avoir une mise pour nos clients, certains viennent juste pour tenter de gagner le lingot.
Parmi le millier de participants l’année dernière, c’est une habituée qui est repartie avec cette pièce de 23 millimètres d’or, une cliente d’une cinquantaine d’années. Pour l’occasion, une remise de prix est organisée avec coupes et champagne et guest star : le maire de Reims Arnaud Robinet pourrait y participer.
Cet événement permet également à la boulangerie de continuer à exister même si elle est située au cœur des travaux sur la route du sacre. L’arrêt de la circulation et les nombreux barrages de chantier ont réduit son chiffre d’affaires de 25 %, explique le dirigeant. Conséquence : il a dû se séparer d’une partie de son staff en ne renouvelant pas de contrat et en n’embauchant pas d’apprenti.
Ce petit morceau d’or, plus petit qu’un timbre, n’est pas anodin. Sa valeur varie en fonction des aléas diplomatiques, économiques, voire sanitaires. Au moment du confinement en 2020, sa valeur avait grimpé en flèche.
La guerre en Ukraine, en Israël et l’inflation ont contribué à poursuivre cette hausse : ce lingot de 5 grammes valait 40 % de moins en janvier 2023, soit environ 270 €.
C’est justement pour sensibiliser le public aux enjeux de l’or que le Compteur National de l’Or organise régulièrement cette opération de commercialisation. “Les Français ont perdu la culture de l’or. Avant, on offrait un Louis d’or en or lors d’une première communion, plus maintenant.” explique Valentine Abdelkrim, responsable de l’agence de Reims.
Mais cette habitude semble revenir. Si d’habitude les acheteurs étaient des gens fortunés qui achetaient de grands bars, »nous avons de plus en plus de jeunes qui viennent investir dans des produits plus petits, car ils se rendent compte que l’immobilier n’est plus aussi attractif et que les placements financiers sont incertains.».
Parmi ces produits plus petits, on retrouve le lingot de 10 grammes à 900 €, la Croix Suisse à 486 €, le Demi Souverain à 300 €. Tous suivent le prix de l’or dont le cours dépend de trois marchés : celui de New York qui met à jour son cours toutes les 2 minutes, de Londres toutes les deux heures et de France, chaque jour.
nous ne sommes pas sûrs que l’euro vaudra encore quelque chose en cas de guerre
Valentine Abdelkrim, Le Compteur d’or national
Le lingot (un kilogramme) a vu sa valeur plus que doubler par rapport à la période d’avant covid, passant de 37 000 € en mai 2019 à plus de 80 000 € aujourd’hui. C’est une valeur dite « refuge » en période d’instabilité. Pour Valentine Abdelkrim : «c’est rassurant d’avoir de l’or physiquement en cas de guerre ou de catastrophe, on n’est pas sûr que l’euro vaille encore quelque chose en cas de guerre.»
Les acheteurs de la Marne ont tendance à garder leur or chez eux voire à l’enterrer au fond du jardin.
Valentine Abdelkrim, Le Compteur d’or national
Les acheteurs ont également la possibilité de confier leur lingot à un transporteur de fonds qui en assure la sécurité. Mais le professionnel de l’or constate que dans la Marne une pratique ancienne perdure : «Les acheteurs de la Marne ont tendance à garder leur or chez eux, voire à l’enterrer au fond du jardin.une habitude qu’elle explique par le fait qu’il s’agit d’un département conservateur proche de la terre.
Faut-il acheter de l’or maintenant ou attendre que son prix baisse à nouveau ? Selon Valentine Abdelkrim du Comptoir national de l’or, «il n’y a pas de bon moment, Nous ne pouvons pas prédire les événements dans le monde..
Elle prend l’exemple des acheteurs qui se posaient la même question en 2024 et qui le regrettent aujourd’hui, compte tenu de la hausse continue du prix de l’or. Mais des indices peuvent indiquer une éventuelle poursuite de la hausse : “Nous constatons que la Russie et la Chine constituent des réserves d’or.” L’élection de Donald Trump n’a eu aucun impact sur le prix de l’or, »mais ses premières mesures pourraient être un facteur d’augmentation.»
Les cryptomonnaies peuvent-elles être une bonne alternative ? Selon le spécialiste, “Cela n’a rien à voir, c’est une valeur très instable contrairement à l’or qui a une stabilité comparable à celle d’un livret d’épargne.”