est-ce la faute des énergies renouvelables ?

Qui a jamais vu un boulanger non pas brader le pain qu’il fabrique chaque jour, mais payer pour qu’on le lui prenne ? Cette situation absurde est devenue courante sur le marché de l’électricité, où l’on voit de plus en plus de producteurs vendre leurs kilowattheures à un prix négatif. Un phénomène qui s’est amplifié en Europe ces deux dernières années et qui est devenu inquiétant.

En , indique une analyse de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) publiée fin novembre, le nombre d’heures pendant lesquelles le prix de marché de l’électricité était inférieur à zéro a atteint 147 heures en 2023, puis 235 heures sur le seul premier semestre 2024. , donc jusqu’en 2022, elle n’avait jamais dépassé 102 heures. « Nous devrions connaître les 400 heures en 2024 »indique Michel Gioria, délégué général de France Renouvelables. Une année de 8 760 heures, cela représente 4,5 % du temps. Même si le prix moyen annuel du marché reste très positif et globalement rémunérateur, le sujet est désormais : « loin d’être anecdotique ».

Cette situation est liée au fonctionnement du marché européen de l’électricité. « Le prix de marché correspond au coût marginal de la dernière centrale appelée par le réseau », rappelle l’économiste de l’énergie Jacques Percebois, professeur émérite à l’université de Montpellier. Lorsque la consommation électrique augmente, ce sont les centrales électriques capables de fournir un kWh supplémentaire au meilleur prix qui sont sollicitées en premier, à commencer par les installations solaires et éoliennes dont le coût marginal est nul (le vent et le soleil sont gratuits). À l’inverse, lorsque la demande diminue, les capacités de production au coût marginal le plus élevé, les centrales au charbon et au gaz, sont les premières à disparaître.

L’alimentation électrique doit être adaptée à tout moment et jusqu’à nouvel ordre. t sur la demande (manque de capacité de stockage), des prix de marché négatifs apparaissent pendant les périodes de la journée où l’offre est surabondante par rapport à la demande mais où les opérateurs, après avoir réduit leur production, préfèrent pouvoir continuer à injecter un peu d’électricité sur le réseau même si vous devez payer pour cela. En fait, il leur coûterait encore plus cher d’arrêter complètement leur installation et de la redémarrer plus tard. C’est notamment le cas des centrales nucléaires.

Provoque des multiples

Ces moments où l’offre sature la demande sont essentiellement les premiers après-midis du printemps et de l’été où les panneaux photovoltaïques produisent leur électricité à pleine capacité (alors que c’est le soir et l’hiver qu’on a envie de pousser son radiateur). Une situation encore plus marquée le week-end où une bonne partie de la France ralentit.

« Il existe une corrélation entre les prix négatifs et la production solaire. Mais cela ne veut pas dire que les prix négatifs sont dus au solaire ! » s’exclame Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER), dénonçant l’exploitation de ce problème par les ennemis des énergies renouvelables, alors qu’il faut en chercher les causes ailleurs. Ils sont multiples.

La principale explication, soulignent tous les observateurs, est le déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité décarbonée.

« La décarbonation de notre économie passe par l’électrification des usages. Nous avons développé l’offre en énergies renouvelables, mais le problème est que la demande n’augmente pas au rythme attendu. On le voit dans les transports ou dans l’industrie”notes Jacques Percebois.

Au contraire, souligne Alexandre Roesch, “d’après le bilan de RTE [le réseau de transport d’électricité] pour 2023, les moyennes mensuelles de la demande d’électricité pour 2022-2023 sont inférieures de 5 % à 9 % par rapport aux mois correspondants en 2014-2019. Dans le même temps, les capacités renouvelables ont augmenté et la production nucléaire, qui avait chuté en 2022 en raison du problème de corrosion sous contrainte, a retrouvé des niveaux proches des niveaux historiques.

Ce n’est pas la faute du solaire, mais d’une sortie des fossiles qui ne va pas assez vite

En clair, ce n’est pas la faute du solaire, mais d’une sortie des fossiles qui ne va pas assez vite. La cause en est l’insuffisance des investissements publics et privés dans des biens tels que les voitures électriques ou les hauts fourneaux fonctionnant à l’hydrogène vert, dans un contexte de croissance atone et de fortes contraintes budgétaires.

Modification des heures creuses

“Il faut absolument que la consommation électrique reparte à la hausse, c’est le premier sujet, Michel Gioria insiste également. Plus cette reprise n’interviendra pas avant 2027 ou 2028. » En effet, les marchés à terme de l’électricité anticipent actuellement une baisse des prix au cours des trois prochaines années – ils devraient tomber autour de 65 €/MWh contre 97 €/MWh en moyenne en 2023, ce qui n’est pas très bon signe du point de vue de l’électricité. la transition.

En attendant que le déclin des énergies fossiles s’accélère et que la consommation d’électricité décarbonée décolle, la sortie des prix négatifs nécessite un meilleur ajustement au quotidien de l’offre et de la demande. Ce que la progression des énergies variables – mais indispensables pour accélérer la transition – que sont le solaire et l’éolien, le rend en tout cas nécessaire.

Il sera plus facile à l’avenir de modifier la courbe de la demande en encourageant une consommation accrue lorsque l’électricité est abondante (et bon marché) grâce aux batteries et aux « réseaux intelligents ». Concernant le court terme, la discussion entre les acteurs porte sur une évolution de la fourchette tarifaire aux heures creuses, puisqu’avec l’essor du solaire, ce n’est plus seulement la nuit que la demande est faible par rapport aux capacités, mais aussi dans le début d’après-midi. Un changement qui pourrait devenir effectif dès l’été 2025.

Pour l’administration, la multiplication des horaires négatifs alourdit de plusieurs millions d’euros le coût du soutien public aux énergies renouvelables

Ce dispositif sera-t-il efficace ? En tout cas, cela ne nous permettra pas d’affronter les temps négatifs qui réapparaîtront au printemps prochain. A l’heure actuelle, le seul levier actionnable serait de réduire la production solaire et éolienne dans ces épisodes (sachant que les moyens thermiques ont déjà été effacés et que les centrales nucléaires ont déjà réduit leurs injections dans le réseau). Et plus précisément d’obliger les installations soumises à un régime d’obligation d’achat, dont la production est payée à un prix fixe quel que soit le prix du marché, à cesser de produire en échange d’une compensation à hauteur de leur prix d’achat garanti.

Selon les protagonistes, les négociations entre opérateurs et autorités avancent dans le bon sens. Et c’est logique, car personne n’a intérêt à ce que la situation perdure. Pour l’administration, la multiplication des horaires négatifs renchérit le coût du soutien public aux énergies renouvelables, même si l’on ne parle ici que de quelques dizaines de millions d’euros. Pour les investisseurs, même s’ils bénéficient d’un accompagnement, cela remet en cause l’équilibre économique des projets et crée de l’incertitude. Et pour tout le monde, cela ternit l’image des énergies renouvelables et donne du pied à leurs adversaires, même si c’est sur la base d’arguments fallacieux.

Le risque, craignent certains acteurs, serait cependant de concentrer toute l’attention sur les mesures nécessaires pour mieux ajuster l’offre et la demande à l’heure actuelle. ttandis que les prix négatifs de l’électricité sont fondamentalement l’expression d’un sous-investissement dans la décarbonisation de la demande énergétique. On ne guérira pas la maladie en éliminant seulement le symptôme.

 
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