Les différents projets d’antennes relais peinent à rentrer dans trois grands classeurs. Ces dernières, à peine ouvertes par Edmond Mari, le maire de Châteauneuf-Villevieille, régurgitent des dossiers en cascade : visuels de pylônes plus ou moins imposants, doléances de riverains, recours en justice… Tout ce qu’il faut pour constituer un dossier épineux dans lequel la mairie est empêtré depuis plus de deux ans.
Si le conseiller ne conteste pas “nécessité” pour améliorer la desserte du réseau mobile de la ville – où vivent 971 habitants – il a toujours refusé « avec de nombreuses propositions fantaisistes » avancé par Free . Contacté, l’opérateur n’a pas pu répondre à nos demandes. Depuis, Free a déposé un recours auprès du tribunal administratif de Nice, la résistance du maire est réduite à néant. Pour cause, la justice a ordonné à l’élu, à titre provisoire, de délivrer une attestation de non-opposition. Dans l’attente d’un jugement au fond dont la date n’a pas encore été fixée, le géant des télécoms aura carte blanche pour ériger un poteau de 16m50 de haut sur un terrain privé. Au grand désarroi du maire et de certains habitants.
“J’ai rejeté leur deuxième proposition”
« En septembre 2023, une consultation publique s’est prononcée contre le projet, les 35 avis recueillis étant tous défavorables. Le pylône devait initialement faire 27 mètres, j’ai refusé la déclaration préalable de travaux”retrace le premier magistrat. Et même si Free a revu sa copie en abaissant près de dix mètres pour la structure, l’élu n’en démord pas : « Du coup, c’est réduit de moitié, comme par magie. Pourquoi ne l’ai-je pas proposé avant ? Ils pensaient que j’étais un idiot alors j’ai rejeté leur deuxième proposition.
Depuis, le “négociations” sont cassés. Le dernier email du maire a été rejeté. Exit « le dernier espoir » avoir un pylône « enveloppé dans un faux arbre ».
1. Xavier Niel, fondateur de Free, est actionnaire à 100% du Groupe Nice-Matin.
Poteau de 40 mètres sous le château, antenne sur le clocher : plusieurs projets déposés
Avant de vouloir déployer son antenne relais dans le jardin d’un particulier, l’opérateur téléphonique Free a soumis quelques projets à la mairie, en vue d’une implantation sur le domaine communal. «Mais c’était tellement gros que c’en est devenu insultant», raconte l’édile Edmond Mari. Fouillant dans ses dossiers, comme à la recherche de preuves accablantes qui pourraient justifier sa colère, il dresse le portrait de propositions « inacceptables, irréalistes ».
En 2022, la première demande prévoyait un pylône s’élevant à 40 mètres au-dessus du col de Châteauneuf. « Ce qui colle parfaitement aux ruines de Castel Nuovo », ironise l’élu en référence au château du VIIe siècle qui domine la vallée depuis une colline surplombant le col.
« Comment quelqu’un a-t-il pu me proposer ça ? »
S’ensuit une deuxième proposition, « encore plus surprenante (…) Free m’a proposé d’installer ses antennes sur l’église, de les accrocher au clocher. Sauf que le bâtiment est classé sur la liste des monuments historiques [depuis 1928]. L’Architecte des Bâtiments de France (ABF) n’aurait jamais laissé cela se produire. Je ne comprends même pas comment on a pu me proposer ça», plaisante le maire, désillusionné.
“The law leaves mayors powerless”, according to Les Républicains des Alpes-Maritimes senator, Patricia Demas
Les litiges entre communes et opérateurs téléphoniques autour d’un projet d’installation d’antenne relais sont légions. Et dans la plupart des cas, la justice donne raison aux élus. « Il n’y a pas de consensus. Souvent, au final, les télécoms vont en justice», regrette la sénatrice Les Républicains des Alpes-Maritimes, Patricia Demas. Présidente de la commission de couverture numérique de la Métropole Nice Côte d’Azur et ancienne maire de Gilette, elle connaît « le dossier » de Châteauneuf-Villevieille, sur le point de voir surgir une antenne de 16,5 m non désirée par une partie des habitants et par le maire.
Estimant que « la loi laisse les maires impuissants », l’élu a déposé trois amendements dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, présenté au Sénat en juin et à la rentrée 2024.
Modifier la loi avec une « deuxième opinion obligatoire »
«Je propose d’élargir les pouvoirs de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la distribution de la presse)», explique-t-elle. « L’autorité pourrait agir comme un juge de paix, en fournissant un avis indépendant. Avec notamment une seconde expertise obligatoire, une étude technique capable de juger si les proportions ou l’emplacement de l’antenne sont justifiés ou non. »
Pas assez de ressources
Bien que cette mesure ait réussi à convaincre la majorité des sénateurs, un des amendements a été rejeté. « Il prévoyait une augmentation du financement de l’ARCEP, sans lequel l’extension de ses compétences ne pourrait être effective. De l’équipement du gendarme, nous ne donnons que le képi», déplore le sénateur. Avant d’assurer qu’elle fera campagne pour intégrer la mesure dans le projet de loi de finances 2025.