Avec « The Room Next Door », Pedro Almodóvar dresse deux très beaux portraits de femmes

Avec « The Room Next Door », Pedro Almodóvar dresse deux très beaux portraits de femmes
Avec « The Room Next Door », Pedro Almodóvar dresse deux très beaux portraits de femmes

Le thème de la mort traverse votre filmographie. Cette fois, l’approche est encore plus frontale. Avez-vous senti, à 75 ans, que c’était le bon moment pour aller dans cette direction ?

Ce n’est pas calculé. Je me lance parce qu’une idée m’inspire ou qu’un roman me touche profondément. Par exemple, pour ce film, un chapitre d’un livre de Sigrid Nunez m’a profondément marqué. Dans ce passage, Martha, le personnage interprété par Tilda Swinton, explique à Ingrid (Julianne Moore) qu’elle veut choisir comment mettre fin à ses jours et souhaite être soutenue. Cela m’a poussé à explorer des thèmes comme la mortalité et l’amitié. Je suppose que le passage du temps influence également mon écriture et, par conséquent, mes thèmes d’aujourd’hui sont plus sérieux que ceux que j’abordais auparavant.

Est-ce qu’éviter d’être trop sombre sur un tel sujet était une de vos préoccupations ?

Absolument. Le sujet est lourd, mais je ne voulais pas d’un film sordide. Mon objectif était de rester fidèle à la personnalité du personnage de Tilda Swinton, une femme vive, baroque et pleine d’énergie. Je voulais parler de la mort comme d’un acte vital, d’une décision qui fait partie de la vie. C’est pourquoi j’ai opté pour des couleurs vives et éclatantes.

Parmi les thèmes abordés, il y a aussi la littérature. Vous évoquez par exemple le cercle de Bloomsbury. Peut-on faire un parallèle entre la relation entre Dora Carrington et Lytton Strachey avec celle de Martha et Ingrid ?

Le lien se fait naturellement. Dans les deux cas, il s’agit de relations marquées par des choix de vie radicaux, notamment le suicide. Virginia Woolf et Dora Carrington ont décidé de leur propre mort, tandis que Lytton Strachey est décédé d’un cancer. Dans mon film, cette discussion autour de Woolf et Carrington sert avant tout à ouvrir une réflexion sur la mort de Martha.

« The Room Next Door » est votre premier long métrage en anglais. Est-ce que cela a changé votre approche ?

Pas vraiment. Le tournage en anglais n’a pas changé les émotions exprimées. J’aurais fait le même film en espagnol. Mes courts métrages en anglais m’ont essentiellement apporté une liberté, une fraîcheur, qui m’a rappelé mes débuts. Cela dit, « The Room Next Door » n’est pas spécifiquement américain. Cela pourrait avoir lieu dans n’importe quel pays où l’euthanasie est illégale.

Avez-vous évoqué cette question de l’euthanasie avec vos deux actrices ?

Oui, nous en avons longuement parlé. Tilda et Julianne partagent mon point de vue : l’euthanasie devrait être un droit fondamental. Les individus devraient pouvoir décider non seulement de leur vie, mais aussi de leur mort, surtout lorsque la vie n’apporte que souffrance. Malheureusement, dans de nombreux pays, ce droit reste encore tabou. Même en Espagne, où l’euthanasie est légale, des obstacles subsistent, notamment du fait de l’opposition de la droite catholique. Cette résistance est souvent dogmatique et égoïste.

En quelques séquences, votre film aborde également d’autres sujets contemporains comme #MeToo ou l’écologie. Est-ce une façon de prendre position ?

Ces thèmes reflètent ma vision du monde. Par exemple, la scène avec le professeur de sport est une critique des excès du politiquement correct. Quant à l’écologie, le personnage de John Turturro exprime des préoccupations devenues réalité depuis le tournage. Le changement climatique est une urgence. En Espagne, fin octobre, nous avons connu un Dana, une chute de froid catastrophique provoquée par la hausse des températures en Méditerranée. Ce type de phénomène montre que nous sommes déjà dans une crise climatique.

Parallèlement à vos réalisations, vous publiez fréquemment des livres. L’écriture vous apporte-t-elle quelque chose que le cinéma ne vous apporte pas ?

La littérature et le cinéma sont complémentaires. J’aime les deux, même si je pense que je suis un meilleur cinéaste qu’écrivain ! L’écriture me permet cependant de me concentrer sur des nuances et des détails que le cinéma ne peut pas toujours explorer.

Vous avez également évoqué vouloir tourner en . Est-ce un projet concret ?

C’est un désir de longue date. J’ai des amis dans le cinéma français et j’aime profondément ce pays. J’avais même envisagé il y a des années d’adapter un des romans de Pierre Lemaître de la saga Verhoeven, mais les droits étaient déjà pris. L’envie remonte encore plus loin, lorsque j’étais jury au Festival de Cannes en 1992 et que Gérard Depardieu le présidait. J’avais envisagé un film avec lui et Juliette Binoche, qui venait de terminer “Le Hussard sur le toit”. Cela ne s’est pas produit, mais je n’ai pas abandonné l’idée de tourner en France.

Vous venez de recevoir le Lion d’Or à Venise. Les prix sont-ils importants pour vous ?

C’est toujours une joie de les recevoir, mais ils ne définissent pas une carrière. Cela aurait été différent dans les années 1980, où un prix aurait grandement aidé ma société de production ! Aujourd’hui, ils sont avant tout une reconnaissance du travail collectif et s’adressent à l’ensemble de l’équipe.

Révision des tarifs

Histoire

Les amies de longue date Ingrid (Julianne Moore) et Martha (Tilda Swinton) ont commencé leur carrière dans le même magazine. Quand Ingrid devient une romancière à succès et Martha une journaliste de guerre, leurs chemins divergent. Mais des années plus tard, leurs chemins se croisent à nouveau dans des circonstances troublantes…

Notre avis

Le maître espagnol revient avec un nouveau mélodrame… qui est aussi son premier long métrage tourné en anglais. Un peu moins à l’aise que lorsqu’il réalise dans sa langue maternelle, où il maîtrise mieux le non-dit, sa « Chambre d’à côté » n’en reste pas moins une réflexion pertinente sur le droit de mourir dignement.
Comme souvent, Pedro Almodóvar livre deux très beaux portraits de femmes, ici incarnés par Tilda Swinton, qui incarne la patiente, rongée par le cancer, et son amie incarnée par Julianne Moore. Une écrivaine qui a peur de la mort, mais qui acceptera de rester dans la fameuse chambre d’à côté, consciente que la porte de la chambre où dort son amie, toujours ouverte, sera fermée le jour où elle décidera de mettre fin à ses jours.
La mise en scène, modeste et délicate, sait faire ressortir l’émotion comme il se doit sans jamais forcer le point. A 75 ans, on sent que le cinéaste s’intéresse plus que jamais à la Faucheuse, avec une envie de l’apprivoiser, de le contrôler et de garder le contrôle de sa vie. Bien qu’imparfait : l’ensemble est un peu maniéré et certains choix comme un flash-back sur un personnage secondaire sont inutiles, le drame atteint son objectif et compte quelques moments fulgurants, comme ce plan final, à la fois simple et virtuose.

> De Pedro Almodóvar (Espagne/États-Unis). Avec Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro… Drame. 1h47.

 
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