« Quand on lance des projets, on prend toujours un risque »

« Quand on lance des projets, on prend toujours un risque »
« Quand on lance des projets, on prend toujours un risque »

L’évêque de Fréjus-Toulon a donc démissionné à la demande du pape. Dans une nouvelle interview accordée à Famille Chrétienne, il revient sur les raisons de sa démission, mais aussi sur sa carrière épiscopale.

Voici des extraits de cette interview

Vous démissionnez après vingt-cinq ans comme évêque à la tête du diocèse de Fréjus-Toulon. Avez-vous été poussé là-dedans ?

J’ai remis ma charge pastorale suite à des discussions avec les congrégations romaines et le Pape. Il m’a encouragé à rester après la nomination d’un coadjuteur du diocèse, Mgr François Touvet, en novembre 2023. Un an plus tard, il me demande si je peux démissionner de mon poste d’évêque à la tête du diocèse de Fréjus-Toulon. Ma mission ne m’appartient pas, je la tiens du Pape, comme n’importe quel évêque. C’est lui qui me l’a confié, c’est lui qui m’a pris. J’ai donc adressé une lettre de démission au Saint-Siège, par courrier, le 31 décembre. J’ai annoncé cette démission au clergé le 7 janvier. Elle sera officielle lorsque le Pape l’acceptera formellement.

De quoi est-on accusé ?

Aucune nouvelle preuve à charge ne m’a été communiquée. Les motifs de ma démission sont les mêmes que ceux exprimés lors de la nomination du coadjuteur. On me reproche principalement des communautés trop accueillantes ou des vocations sacerdotales et religieuses, notamment issues du monde traditionnel, ainsi que des dysfonctionnements dans la gestion économique et financière du diocèse. Certes, j’ai lancé de nombreuses initiatives. La majorité d’entre eux ont porté des fruits et sont pérennes. Cependant, certains – je pense qu’environ 10 % – ont posé problème. Lorsque nous lançons des projets, nous prenons toujours un risque. J’ai parfois manqué de discernement ou de soutien. Cependant, lorsque des dysfonctionnements étaient identifiés, j’ai toujours pris les mesures canoniques et administratives nécessaires.

Dans quel état d’esprit étiez-vous lorsque vous avez présenté votre démission ?

J’étais prêt à poursuivre ma mission. Ce brusque changement de direction constitue donc une épreuve et un moment de remise en question sur moi-même. J’ai alors pu éprouver un sentiment d’incompréhension ou d’injustice par rapport à tout ce que nous avions déployé. Pour autant, je n’ai jamais voulu sombrer dans le découragement ou la rébellion.

Mgr Rey s’exprime également sur la question des communautés dites traditionnelles pour lesquelles on lui reproche de la complaisance :

La présence des communautés traditionnelles a-t-elle été la principale raison de votre démission ?

On m’a en effet reproché d’être trop proche du monde traditionnel. Elle constitue une nébuleuse, traversée par différents courants bien distincts les uns des autres. Certains cercles « traditionnels » se referment sur eux-mêmes et s’accrochent à la ritualité de manière non ajustée, ce qui s’écarte du Concile Vatican II. Une grande partie est plus ouverte.

La sphère traditionnelle doit être dans l’Église et non à l’écart. Dans mon diocèse, j’ai eu à cœur de faire en sorte qu’il ne stagne pas dans un monde parallèle. Son intégration est un véritable défi, mais ces groupes doivent s’inscrire dans une vision plus large de la mission et de la vie de l’Église.

(…)

Mgr Rey revient sur la situation inédite de longue coexistence avec un coadjuteur et son dossier épiscopal

Mgr Rey estime également que Rome considérait comme trop longue la période de coexistence entre l’évêque diocésain et le coadjuteur.

L’arrivée de Mgr François Touvet, nommé évêque coadjuteur du diocèse après une visite apostolique en février 2023, a-t-elle contribué à cette décision ?

Nos relations sont apaisées (…). Rome a peut-être estimé que cette période de trois ans était trop longue et que la collaboration avait des limites.

Mgr Rey reconnaît un « bilan contrasté ».

Quel bilan faites-vous de votre épiscopat ?

Comme toute évaluation, elle est contrastée. A mon honneur, j’ai essayé d’insuffler un élan missionnaire dans le diocèse, en continuité avec mes prédécesseurs, notamment Mgr Joseph Madec. Avec près de 250 prêtres actifs, répartis dans 150 communes, je ne visais pas seulement une couverture administrative, je souhaitais aussi initier une démarche missionnaire. Je pense notamment à la formation des prêtres en lien avec les laïcs, à la création de nouvelles paroisses, ainsi qu’à l’accueil de nouveaux charismes (…) Certaines communautés n’ont pas pu s’enraciner dans le Var et ont dû partir. D’autres sont restés et ont porté leurs fruits.

La suspension de l’ordination de dix futurs diacres et futurs prêtres, en juin 2022, était-elle déjà un moyen de pression de la part de Rome pour vous inciter à démissionner ?

Ce blocage de l’ordination de six futurs diacres et quatre futurs prêtres de Castille a suscité beaucoup d’incompréhension au sein du diocèse. Cette situation fut en effet vécue comme un moyen de pression de la part des autorités romaines (…). Selon les critiques de certains, je manquais de discernement ou de rigueur. Aujourd’hui, sur les dix appelés à l’ordre, neuf ont été ordonnés ces derniers mois.

Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

Je n’envisage pas de prendre ma retraite, c’est un mot que je ne connais pas, mais probablement une retraite spirituelle. Ce temps de relecture de mes vingt-cinq années d’épiscopat me permettra de gagner en hauteur et en profondeur. Mes priorités restent de soutenir des lieux d’incubation d’initiatives missionnaires selon cinq piliers prioritaires : le respect et la défense de la vie et de la famille, l’engagement des personnes vulnérables, les questions liées à l’éducation et à la culture, la présence chrétienne dans les médias et la communication et, enfin, la formation chrétienne et pastorale des responsables. Dans mon âme, en lien avec la Communauté de l’Emmanuel, j’ai toujours été au service de l’évangélisation. Je ne pourrai plus effectuer cette prestation dans le Var, mais je suis en négociations pour voir quelle mission peut me être confiée.

Comment voyez-vous l’avenir de l’Église en ?

Je reste optimiste tout en étant frappé par la déchristianisation qui s’opère en France. Je perçois aussi combien cette période d’affaiblissement institutionnel du christianisme, vécue par de nombreux abus, constitue un temps de purification. Les nouvelles générations assument leur identité chrétienne, leur foi et veulent être témoins de l’Évangile.

(…)

« Il manque souvent de dirigeants et de pasteurs prophètes »

Pour terminer nous noterons une observation très intéressante :

Qu’est-ce qui manque dans l’Église catholique aujourd’hui ?

Il y a souvent un manque de dirigeants et de pasteurs prophètes. On ne peut pas simplement maintenir le système existant, comme si les paroisses étaient en soins palliatifs ou réduites à une logique purement gestionnaire. L’Église a besoin de retrouver un nouveau souffle, de valoriser les expériences isolées et d’encourager les projets, en acceptant de prendre des risques. Les initiatives ne viennent pas toujours de la tête.

(…).

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Les serveurs WWE 2K23 s’arrêtent avant la sortie de WWE 2K25
NEXT Les forces armées ukrainiennes ont lancé une nouvelle offensive dans la région de Koursk