Décédé à l’âge de 96 ans, le fondateur du Front national a accompagné la vie politique française pendant 62 ans.
Icône de l’extrême droite, anti-modèle depuis plusieurs générations, cet as de la communication politique a marqué la Ve République par la constance de son opposition virulente au pouvoir en place.
Ses provocations et son talent oratoire en font aussi un précurseur du populisme moderne.
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Jean-Marie Le Pen, figure de l’extrême droite française, est mort
L’extrême droite est orpheline. Jean-Marie Le Pen, l’une des principales figures de la Ve République, est décédé ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, après avoir contribué, pendant plus d’un demi-siècle, à une vie politique qu’il connaissait parfaitement.
Tribun érudit et cultivé, as de la communication politique, il a aussi marqué les dernières décennies par ses multiples condamnations pour apologie de crimes de guerre, propos négationnistes, racistes et antisémites et injures publiques. UN « a avoué une stratégie de provocation car il pense que la polémique est positive pour le mouvement »résumait sa fille, Marine, en 2015 au moment de leur rupture sur fond de « diabolisation ».
Député et militaire sous la IVe République
Quartier de la Nation – le bateau de son père, pêcheur, explose sur une mine en 1942, le natif de La Trinité-sur-Mer débute sa vie politique sous la Quatrième République. Après avoir milité durant ses études au sein de la « Corpo » de la faculté de droit, Jean-Marie Le Pen, proche de l’Action française, sert comme sous-lieutenant pendant la guerre d’Indochine, en 1954-1955. De retour en France, il est élu député à 27 ans, avec le soutien du mouvement poujadiste, lors des élections législatives de 1956. Il interrompt son mandat, la même année, pour rejoindre le 1er régiment étranger de parachutistes auquel il participe activement. dans la guerre d’Algérie. Il est réélu entre 1958 et 1962, devenant un ardent défenseur des partisans de l’Algérie française.
L’inventeur de la marque « FN »
Après avoir mené la campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat d’extrême droite lors de l’élection présidentielle de 1965, Jean-Marie Le Pen est appelé par les dirigeants du mouvement néofasciste Ordre Nouveau à prendre la tête, en 1972, du nouveau parti national. Front, dont il tiendra les rênes d’une main de fer jusqu’en 2011, malgré les nombreuses scissions ou tentatives de « putsch » au sein de l’extrême droite.
Les débuts du FN ont été marqués par une certaine violence, Jean-Marie Le Pen et sa famille ayant échappé à un attentat à son domicile parisien en novembre 1976, puis son numéro 2, François Duprat, ayant été tué dans un attentat au FN. voiture piégée en mars 1978. Le fondateur du FN parvient malgré tout à rassembler les composantes majeures de l’extrême droite française et, mieux encore, à faire entrer dans le paysage politique cette famille politique détestée depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ascension par provocation
Après les scores confidentiels des années 1970, Jean-Marie Le Pen permet à son parti de remporter ses premiers succès électoraux grâce aux listes d’union de droite lors des élections municipales de 1983. Dès lors, le président du FN n’aura de cesse d’exiger une plus grande visibilité pour son parti. Son passage à l’émission « L’Heure de vérité », le 13 février 1984, marque le début de la vie médiatique de « Menhir », qui révèle ses talents d’orateur et de provocateur, avec sa fameuse « minute de silence » pour les victimes »de la dictature communiste ». Une simple apparition télé qui en annonce bien d’autres, et qui va pousser des milliers de personnes à adhérer au FN.
La percée continue du parti d’extrême droite (élections européennes de 1984, élections législatives et régionales de 1986, élections présidentielles de 1988, etc.) est donc ponctuée par les nombreuses provocations verbales de Jean-Marie Le Pen (“détail de l’histoire”remarques sur « sydiaque » en 1987, « Crématorium Durafour » en 1988…), ce qui lui vaut de nombreuses condamnations judiciaires. Parallèlement, Jean-Marie Le Pen affine un discours politique fondé sur « préférence nationale »le rejet de l’immigration, “la sécurité, première des libertés” et le rejet de l’Europe de Maastricht. Des positions qui vont progressivement dépasser le cadre strict du FN, ce que certains ont appelé « la pénisation des esprits »un signe de l’influence du leader populiste sur la vie politique.
L’ascension politique de Jean-Marie Le Pen culmine en 2002, lorsqu’il parvient à atteindre le second tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac, avec 16,9 % des voix. Il ne dépassera pas ce « plafond de verre » jusqu’à son retrait de la présidence du FN en 2011, et la normalisation lancée par Marine Le Pen.
Le leader déchu
Soucieux de continuer d’exister après l’accession de Marine Le Pen à la tête du FN, dont il estime être le gardien même s’il n’en est plus le président d’honneur depuis 2018, Jean-Marie Le Pen va multiplier les interventions publiques. Il n’hésitera pas à contredire sa fille, ou à renouveler ses provocations verbales lorsqu’elle est engagée dans un processus de «diabolisation» du parti.
Les propos réitérés en 2015 sur les chambres à gaz, l’occupation allemande et Philippe Pétain marquent la rupture définitive avec Marine Le Pen, qui a engagé une procédure disciplinaire à son encontre. Une longue guérilla légale qui se poursuivra jusqu’au bout. Raillé par le nouvel état-major du FN, même s’il contribue au financement de la campagne de sa fille en 2017, Jean-Marie Le Pen tend la main à ses derniers fidèles pour fonder ses « comités Jeanne ». Il aura vécu assez longtemps pour voir « son » parti rebaptisé « Rassemblement national », avec la volonté assumée d’effacer les années père Le Pen. « Un assassinat politique »dit-il à ce moment-là. Quand il parlait du FN, il parlait aussi de lui-même.