Il y a 10 ans, douze personnes, dont cinq caricaturistes, étaient tuées lors d’un attentat islamiste visant la rédaction de Charlie Hebdo à Paris. Cet acte a provoqué une vague d’émotion et de nombreuses manifestations à travers le pays. Une décennie plus tard, l’hebdomadaire est-il toujours populaire et rassemble-t-il les Français ? Exemple à Besançon (Doubs).
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Le 7 janvier 2015, la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo est la cible d’un attentat terroriste. Douze personnes sont tuées, dont deux policiers. Plusieurs dessinateurs ont perdu la vie comme Honoré, Cabu, Charb, Tignous et Wolinski. D’autres attentats suivront, comme un policier tué à Montrouge, ou encore la prise d’otage à l’Hyper Casher le 9 janvier qui a coûté la vie à quatre personnes.
Ces attentats ont provoqué une vague de soutien sans précédent dans toute la France, unie autour de «l’esprit Charlie« . Des manifestations ont été organisées dans une multitude de villes les 10 et 11 janvier 2015. Après ces attentats terroristes, les abonnements ont afflué à Charlie Hebdo atteignant 240 000 abonnés. L’émission suite aux attentats a été distribuée à 8 millions d’exemplaires, selon l’AFP.
Dix ans plus tard, à l’aube du triste anniversaire des attentats, les ventes ne sont plus à la même ampleur dans les buralistes. Un numéro spécial de 32 pages a été publié pour l’occasion, avec un dessin de Riss sur fond jaune. “Il y a deux, trois personnes qui l’ont pris ce matin», raconte un buraliste du centre-ville de Besançon. Les ventes de l’hebdomadaire restent timides »,Ce sont des habitués qui viennent l’acheter», soit une dizaine par semaine en moyenne.
Même constat à quelques mètres de là, dans un deuxième bureau de tabac. Pas de vente de Charlie Hebdo dans la matinée. Les habitués de l’hebdomadaire ne sont qu’une poignée, le buraliste ne vend qu’une dizaine d’exemplaires par semaine. Charlie Hebdo compte aujourd’hui 30 000 abonnés et se vend à environ 20 000 exemplaires en kiosque, selon l’AFP.
Ces deux établissements ont choisi de ne pas mettre la Une de Charlie Hebdo sur leurs vitrines. “On a une grande affiche, mais on ne la met pas en avant, je ne prendrais pas de risque», confie un directeur d’établissement du centre-ville. Le deuxième magasin de presse affirme ne mettre aucun titre de journal dans sa vitrine.
La situation est légèrement différente à la Maison du Livre et de la Presse, rue principale. Un livre sur Charlie Hebdo sorti pendant les fêtes de fin d’année est bien présent en vitrine. Les attentats n’ont pas influencé la présence de l’hebdomadaire dans l’entreprise, assure un salarié. “Nous en vendons toujours une vingtaine», explique-t-elle. “Les gens n’ont pas oublié Charlie Hebdo», précise-t-elle. En plus des habitués, une nouvelle clientèle propose l’édition commémorative. “Pour le numéro spécial, du monde est là», précise le gérant du magasin.
Une affirmation qui se vérifie au fil de nos déambulations dans les rues de Bisontine. “C’est irréel, c’est comme si c’était hier. Je me souviens où j’étais quand j’ai découvert», explique un gérant de buraliste. Certains avaient même participé à la grande manifestation dans les rues de Besançon comme Frédéric. Il chérit les numéros de Charlie Hebdo des années 90. “Je suis ouvert, j’en achète par principe. C’est important pour moi psychologiquement. Mais j’ai l’impression qu’on se censure aujourd’hui», déplore-t-il.
Frank était également dans la rue en 2015 pour soutenir l’esprit Charlie. Ce professeur d’histoire se souvient de la place du 8 septembre, pleine de monde. “Cela a eu un grand impact sur nous. C’était impressionnant, le nombre de personnes, mais aussi l’ambiance, il y avait beaucoup de sérieux sur les visages, un sentiment d’harmonie nationale, de choc et de prise de conscience.», se souvient Frank Monneur, professeur d’histoire au lycée.
Une décennie plus tard, la situation semble différente. “Je pense que ces jours-ci, les souvenirs reviennent. Dans l’ensemble, j’ai l’impression que les gens ont oublié. L’esprit Charlie existe-t-il toujours ? Pour une partie de la population, oui, mais pas pour tout le monde», ajoute l’enseignant.
Parmi ses collègues, le professeur a également constaté une autocensure sur certains sujets. Lui-même prend plus de temps pour définir clairement les mots utilisés dans ses cours.
La terreur a gagné du terrain à partir du moment où il y a une sorte d’autocensure, ce qui fait qu’on a perdu une certaine liberté d’expression.
Frank Monneur, professeur d’histoire au lycée
Un hommage aux victimes des attentats sera rendu mardi 7 janvier à 12h15 sur l’esplanade des Droits de l’Homme à Besançon. “Parce que nous sommes toujours Charlienous devons, sans relâche, poursuivre la lutte pour la tolérance, la paix et la liberté», précise la mairie de Besançon, dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.
Les citoyens sont invités à venir déposer un objet symbolique tel qu’un texte, une fleur, un crayon, etc.