Ce 6 janvier, l’Église célèbre l’Épihanie. En France et dans le rite romain antique (calendrier 1962), la fête est célébrée le dimanche 12 janvier 2025.
La fête de l’Epiphanie est la continuation du mystère de Noël ; mais il se présente, sur le cycle chrétien, avec une grandeur qui lui est propre. Son nom, qui signifie Manifestation, indique clairement qu’il est destiné à honorer l’apparition d’un Dieu parmi les hommes !
Cette journée, en effet, a été consacrée pendant plusieurs siècles à célébrer la naissance du Sauveur ; et lorsque, vers l’an 376, les décrets du Saint-Siège obligeaient toutes les Églises à célébrer désormais, avec Rome, le mystère de la Nativité le 25 décembre, le 6 janvier ne fut pas entièrement privé de son ancienne gloire. Le nom d’Épiphanie est resté avec le souvenir glorieux du Baptême de Jésus-Christ, dont la tradition anniversaire fixe ce jour.
L’Église grecque donne à cette Fête le nom vénérable et mystérieux de Théophanie, si célèbre dans l’Antiquité pour signifier une Apparition divine. On retrouve ce nom chez Eusèbe, chez saint Grégoire de Nazianze, chez saint Isidore de Péluse ; c’est le titre propre de la Fête dans les livres liturgiques de l’Église grecque.
Les Orientaux appellent encore cette solennité les Saintes Lumières, à cause du baptême qui était autrefois conféré ce jour-là, en mémoire du baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain. Nous savons que le baptême est appelé dans l’illumination du Père, et que ceux qui l’ont reçu sont éclairés.
Enfin, en France, on appelle familièrement cette fête la Fête des Rois, en mémoire des Mages, dont la venue à Bethléem est aujourd’hui particulièrement célébrée.
L’Épiphanie partage avec les fêtes de Noël, de Pâques, de l’Ascension et de la Pentecôte, l’honneur d’être décrite comme un jour très saint, dans le Canon de la Messe ; et elle est classée parmi les fêtes cardinales, c’est-à-dire parmi les solennités sur lesquelles repose l’économie de l’Année liturgique. Une série de six dimanches lui emprunte son nom, puisque d’autres successions dominicales sont présentées sous le titre de dimanches après Pâques, dimanches après Pentecôte.
A la suite de la Convention passée en 1801 entre Pie VII et le gouvernement français, le légat Caprara procéda à une réduction des fêtes, et la piété des fidèles vit, à regret, un grand nombre d’entre elles supprimées. Il y eut des solennités qui ne furent pas supprimées, mais dont la célébration fut reportée au dimanche suivant. L’Epiphanie est une de celles qui subirent ce sort ; et chaque fois que le 6 janvier n’est pas un dimanche, nos Églises voient le faste qui accompagne un si grand jour dans tout l’univers catholique reporté au dimanche suivant. Espérons que des jours meilleurs brilleront enfin sur notre Église, et qu’un avenir plus heureux nous rendra les joies dont la sage condescendance du Saint-Siège nous a un temps sevrés.
Ce jour de l’Épiphanie du Seigneur est donc véritablement un grand jour ; et la joie dans laquelle nous a plongé la Nativité du divin Enfant doit s’épanouir à nouveau dans cette solennité. En effet, ce deuxième rayonnement de la fête de Noël nous montre la gloire du Verbe incarné dans une nouvelle splendeur ; et sans nous faire perdre de vue les charmes ineffables du divin Enfant, il manifeste dans toute la splendeur de sa divinité le Sauveur qui nous est apparu dans son amour. Ce ne sont plus seulement les bergers qui sont appelés par les Anges à reconnaître la PAROLE FAITE CHAIR, c’est le genre humain, c’est la nature entière que la voix de Dieu lui-même invite à l’adorer et à l’écouter.
Or, dans les mystères de sa divine Epiphanie, trois rayons du Soleil de justice descendent jusqu’à nous. Ce sixième jour de janvier, sur le cycle de la Rome païenne, était assigné à la célébration du triple triomphe d’Auguste, auteur et pacificateur de l’Empire ; mais lorsque notre paisible Roi, dont l’empire est sans limites et éternel, eut décidé, par le sang de ses martyrs, la victoire de son Église, cette Église jugea, dans la sagesse du ciel qui l’assiste, qu’un triple triomphe de l’Empereur immortel devait remplacer, sur le Cycle régénéré, les trois triomphes du fils adoptif de César.
Le 6 janvier a donc restitué au 25 décembre le souvenir de la Naissance du Fils de Dieu ; mais, en retour, trois manifestations de la gloire du Christ se sont réunies dans une même Épiphanie : le mystère des Mages, venus d’Orient sous la conduite de l’Étoile, pour honorer la royauté divine de l’Enfant de Bethléem ; le mystère du Baptême du Christ, proclamé Fils de Dieu, dans les eaux du Jourdain, par la voix même du Père céleste ; enfin le mystère de la puissance divine de ce même Christ, transformant l’eau en vin, lors de la fête symbolique des Noces de Cana. La journée dédiée à la mémoire de ces trois prodiges est-elle en même temps l’anniversaire de leur accomplissement ? Cette question est débattue parmi les chercheurs. Dans ce livre, où notre but n’est autre que de promouvoir la piété des fidèles, nous n’entrerons pas dans ces discussions purement critiques ; nous nous contenterons de dire que l’adoration des Mages a eu lieu ce jour même, selon le grave sentiment de Baronius, de Suarez, de Théophile Raynaud, d’Honoré de Sainte-Marie, du cardinal Gotti, de Sandini, et d’un une infinité d’autres, à l’opinion desquels se joint expressément le suffrage éclairé de Benoît XIV. Le Baptême du Christ, le 6 janvier, est un fait reconnu par les critiques les plus exigeants, par Tillemont lui-même, et qui n’a été contesté que par une imperceptible minorité d’écrivains. Quant au miracle des Noces de Cana, la certitude du jour précis de son accomplissement est moins grande, bien qu’il soit impossible de démontrer que ce prodige n’a pas eu lieu le 6 janvier. Mais cela suffit aux enfants de l’Église. que leur Mère a fixé le souvenir de ces trois manifestations dans la fête d’aujourd’hui, pour que leurs cœurs applaudissent aux triomphes du divin Fils de Marie.
Dom Prosper Guéranger