« EN LÉGÈRE RETARD » – Crimes sordides, détails glauques, pathos obscènes… Avec « Appels à témoins », M6 exploite la souffrance des gens et Julien Courbet cultive l’indécence.
By Samuel Gontier
Publié le 27 décembre 2024 à 15h00
«LLes familles sont à nos côtés, elles ont beaucoup de courage, salue Julien Courbet. Esther, tu es la mère de Slymane, bienvenue. Cela ne doit pas être facile pour vous. » Slymane est décédé dans son appartement, victime d’un incendie criminel. Dans Appel à témoins, sur M6, les téléspectateurs sont invités à donner des informations sur des crimes non résolus – comme par le passé dans Témoin numéro 1, sur TF1, avec Jacques Pradel. “Merci de ne pas encombrer le standard de bêtises, enjoint l’animateur. En revanche, ne vous fixez pas de limites, vous avez le droit à l’erreur. » Pour dénoncer des innocents louches. « Appelez, laissez nos spécialistes régler le problème. » Ils sont bénévoles pour l’association Assistance et Recherche de Personnes Disparues. Et non des policiers, comme en 2021, lorsque M6 avait lancé le programme avec le soutien des ministères de l’Intérieur et de la Justice. “Ils avaient des souhaits très précis que nous traitions de certaines de leurs histoires, pas nécessairement celles de la télévision”, a déclaré le producteur au site Puremédias.
La mort de Slymane est télévisuelle. Images amateurs de l’incendie, reconstitution aux flammes synthétiques dans les décombres calcinés… Julien Courbet croquis : « Ce dossier est complètement fou », « cette histoire est folle », « le nombre de pistes est fou », « les rebondissements sont fous ». Promettant de « faites tout pour essayer de vous apaiser, vous et votre famille », il rappelle à Esther : « Ce qui est terrible dans cette histoire, c’est que Slymane a décidé de venir vivre tout près de chez vous. »
Légèrement en retard
Informations en continu, journaux télévisés, magazines, télé-réalité… Non sans un certain héroïsme, notre journaliste Samuel Gontier scrute pendant des heures le petit écran pour le passer au crible de son œil critique.
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L’hôte applaudit : « Je vais faire preuve de beaucoup de prudence mais il y a déjà des appels. Il se passe des choses dans la salle d’appel. » La « salle d’appel » est le nom moderne du standard. Son porte-parole annonce : « Nous disposons de plusieurs rapports concernant l’évasion de Louka. Nous avons Perpignan, nous avons Toulouse… » Louka, un adolescent placé en famille d’accueil, prend le large et sa sœur lance un appel à témoins. « Louka, si tu nous vois, sache que nous sommes morts d’inquiétude. » Photo entièrement affichée, description physique détaillée… Espérons que Louka ait le goût de la gloire.
Julien Courbet revient à « Ce qui a mis le feu à l’immeuble de Slymane, c’est un aérosol comme celui sur la table. On met un briquet, on appuie sur l’aérosol, ça fait une torche. – Absolument “, valide Bernard Marc, médecin légiste. “Ça bouge toujours” dit l’hôte. Un email est arrivé : «Je sais qui a tué ce jeune homme, a-t-il avoué à un de mes amis. » « Prenons cela avec des pincettes mais j’ai l’impression que les langues se délient. Au bout d’un moment, vous vous soulagez en parlant. » Et nous sommes satisfaits de M6. « Ça se passe, mesdames et messieurs, en direct ! Un appel est arrivé, je vais vous demander de le prendre avec des pincettes. » L’auteur de l’e-mail est en ligne. Selon elle, un homme s’est battu avec Slymane “Pour une question d’argent. — Et puis, ce monsieur aurait mis le feu ? – Oui bien sûr. — Merci du fond du cœur, madame, je pense que vous devez vous sentir beaucoup mieux. »
Le cas suivant est raconté par la romancière Irène Frain. « Ma sœur Denise a été sauvagement agressée par un cambrioleur ultra-violent qui l’a attaquée à coups de marteau. J’ai besoin que tu le trouves. » Reconstruction, zoom sur un marteau au sol. “C’est un marteau qui a deux pointes, bifide, décrit le mari d’Irène Frain. On imagine bien le mal que cela pourrait faire. » Sur le plateau, Julien Courbet insiste : « Le criminel était armé, écoutez bien !, d’un marteau. Ce marteau est là. » Gros plan d’un nouveau marteau. “Quand la pointe du marteau est divisée en deux, cela s’appelle… — Bifide, dit l’avocat. — Est-ce que ça fait encore plus mal ? — Oui, les lésions seront importantes. » Moins qu’avec une hache.
“Nous avons une photo du suspect, trompette Julien Courbet. Pourquoi le brouiller ? Nous sommes obligés. On y voit le suspect, il portait une cagoule. » Une capuche floue ? Pas pour longtemps. “Pouvons-nous avoir un gros plan?” C’est horrible de voir ça, désolé, Mme Frain. » Le squelette d’un crâne orne la capuche. « Je vais vous demander de vous adresser à la caméra et de lancer votre appel à témoins. — Cet homme est sans aucun doute un psychopathe. Un psychopathe recommence. Un psychopathe a le goût de l’ultraviolence. Il est peut-être en train de sévir, il a peut-être réprimé. » Il est peut-être caché dans votre salon.
“Cette histoire est folle” poursuit Julien Courbet. Une autre femme a survécu à une attaque similaire. Elle confia à sa fille : « Il m’a cogné la tête contre un fauteuil dont les bords étaient en bois. » Reconstitution, zoom sur les accoudoirs tragiques. Julien Courbet se tourne vers la fille de la victime. « Vous avez ces images en tête, elles ne s’effacent jamais. – Non. Quand j’ai vu ma mère aux urgences, je ne l’ai pas reconnue. — Elle était enflée ? » Chaque détail compte pourvu qu’il soit sordide.
«Ça bouge beaucoup. » Une femme a appelé, « La capuche lui faisait penser à quelqu’un. Ce témoignage est incroyable. Même région, même masque. C’est une piste très, très sérieuse. A prendre avec des pincettes. « Concernant Slymane, nous avons eu un témoignage crucial… Pour vérifier, le capital ne veut pas dire que c’est vrai mais c’est quelque chose de concret. » Peut-être une fabrication concrète.