Midi Libre donne la parole cette semaine aux comédiens de la troupe emblématique qui fête ses 50 ans avec le livre « Le Splendid par le Splendid, on a tellement ri » (Le Cherche Midi), vendu au profit de la Fondation pour la Recherche médicale (FRM). Entretien aujourd’hui avec Josiane Balasko.
Comment est né ce livre dédié aux 50 ans du Splendid que vous avez écrit ensemble en faveur de la Fondation pour la Recherche Médicale ?
Au départ, c’était une initiative de Thierry (Lhermitte), il m’en a parlé et je lui ai dit que ce serait bien que les droits reviennent à une association, mais Thierry est activement impliqué dans la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), c’est comme ça que c’est né, tout le monde était d’accord.
Thierry nous a alors demandé de retrouver quelques vieilles photos inédites et Jean-Pierre Lavoignat, journaliste cinéma que nous connaissons pratiquement depuis nos débuts, s’est chargé de remonter le tout.
Il avait un métier : il récupérait les photos, il venait nous voir les uns après les autres quand nous pouvions être disponibles, puis nous faisait commenter les photos qu’il nous présentait. Nous lui avons dit ce que cela signifiait pour nous…
Comment avez-vous vécu ce retour dans le temps ?
Ce qui était intéressant, c’est qu’une fois le livre terminé, on pouvait lire les commentaires. Et c’est émouvant de savoir ce que chacun pensait de l’autre. Au final, cela prouve que nous nous entendions bien et formions une équipe harmonieuse…
Nous avons encore passé notre jeunesse ensemble, nous avons beaucoup travaillé, nous avons écrit, nous avons joué, pour nous c’était du plaisir.
Et puis on a pu faire ce qu’on voulait, des films qui marchaient, du théâtre, et même, si on arrêtait d’écrire ensemble, personne n’était en colère, tout le monde restait, pouvait développer sa personnalité et écrire son histoire.
Dans quelles circonstances avez-vous rejoint la troupe ?
J’ai rejoint le groupe en 1973, 1974 si je me souviens bien. Au départ c’est Valérie Mairesse qui travaillait au Splendid, elle était aussi la « copine » de Thierry à l’époque, après leur séparation elle était de plus en plus appelée par le cinéma, alors elle est partie.
Et lorsque la troupe a loué le bail de la rue des Lombards, à Paris, en empruntant de l’argent à tout le monde, pour en faire un café-théâtre, il leur manquait une fille en plus de Marie-Anne Chazel pour jouer la pièce qu’elle venait d’écrire.
Collection personnelle
Comme nous nous connaissions par Martin Lamotte, nous avions des amis communs et ils savaient à peu près ce que je faisais, j’ai dû faire un spectacle ou deux, Thierry est venu me voir et m’a dit : « Voudrais-tu faire partie de la troupe ? ? Nous écrivons tous ensemble.
J’ai dit : « Écoutez, je ne sais pas si je peux, mais je suis d’accord ! » Et c’est comme ça que ça a commencé.
A l’époque, mon compagnon était Bruno Moynot qui, bien entendu, a également rejoint l’équipe, car Bruno est un bricoleur hors pair et, dans un théâtre, on a toujours besoin de lui. Il joue alors des rôles marquants.
Vient ensuite ce tournant dans l’histoire de Splendid, la pièce et le film sur Les Bronzés, inspirés de vos séjours au Club Méditerranée.
J’ai dû y aller une fois avec eux, mais ils y sont allés plus souvent que moi. Le Club Med a invité un comédien ou une troupe de jeunes qui ont fait des sketchs et ils ont passé des vacances gratuites en Turquie ou au Maroc. C’est ainsi qu’ils ont pu fréquenter le club plus assidûment que moi, rencontrer les chefs de village, et observer, car il y a beaucoup d’observation chez les premiers Bronzés.
Aujourd’hui ça a changé, mais à l’époque, le Club Méditerranée était un club de rencontres, ce n’était pas Meetic mais presque (rires), on allait se détendre, tous en djellaba, donc il y avait un côté un peu égalitaire et on avait le temps d’avoir une histoire…
Vous poussez encore plus loin alors que vos personnages des Bronzés partent au ski…
Le premier film a fonctionné même si nous étions tous inconnus. Nous étions donc contents, mais nous ne voulions pas faire de suite. Le producteur nous l’a demandé et nous l’avons finalement fait.
Nous avons écrit cette histoire à partir de personnages riches, nous avions envie de parler d’autre chose dans ce deuxième film, mais nous avons gardé ce dénominateur commun des gens en vacances. Alors cette fois c’était l’hiver, dans la neige et, encore une fois, je n’y connaissais rien… C’était la première fois que je devais mettre les pieds dans les skis, alors qu’eux, Thierry, Christian ou Gérard sont de bons skieurs.
Ce tournage a-t-il été un peu plus éprouvant pour vous ?
Il y avait des moments qui étaient un peu durs, pas seulement pour moi, car il faisait froid et on passait des journées dans la neige, ce n’était pas très agréable, mais en même temps on avait à peine la trentaine, on était content de travailler , d’être là ensemble, de faire un film avec Patrice Leconte qu’on avait écrit, donc le plaisir était plus fort que les problèmes ou la fatigue.
Le Père Noël sera alors l’un des points forts de votre collaboration, quels souvenirs gardez-vous de lui ?
Les deux premiers films, sans être d’énormes succès, avaient quand même marché, on ne perdait pas d’argent, donc le producteur nous a dit qu’on pouvait faire un autre film.
Au départ, nous avons tous créé cette pièce du Père Noël ensemble, sauf Michel (Blanc), car il avait décidé qu’il voulait écrire seul. Il avait commencé à faire les choses tout seul. Je n’ai pas joué dans la version scénique, car j’avais une autre pièce en même temps, mais j’ai participé à l’écriture.
A l’époque, il y avait des grosses publicités pour SOS amitiés, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais c’était l’association qui répondait aux gens qui avaient du mal à vivre. On est parti d’une situation où des gens très très sympas, Thierry (Lhermitte) et Anémone se sont retrouvés obligés de faire des choses horribles (Rires).
Anémone a pris le rôle de Thérèse qui était pour moi au début et elle l’a bien fait, car elle est fantastique. C’était aussi une façon de se moquer de cette gentillesse qui, parfois, peut tourner au mal. Nous avons aussi créé de vrais méchants, comme le Père Noël. Il y a la pauvre Zezette, une cas sociale, et Katia, une travestie, rejetée par sa famille.
Mais tous ces gens étaient plutôt sympas, on les aimait bien. Ce sont des sortes d’épaves qui finissent dans un centre SOS de détresse-amitié.
Votre personnage de Madame Musquin a été créé pour le film…
Oui, lorsque nous avons adapté le film, Patrice Leconte avait envie de faire autre chose et j’ai alors fait venir Jean-Marie Poiré, que je leur ai présenté (c’est là qu’a commencé sa foisonnante collaboration avec Christian Clavier, qui se poursuivra notamment avec Les Visiteurs, NDLR), j’avais déjà travaillé avec lui et ça a tout de suite fonctionné avec l’équipe.
A cette époque, nous avons créé un autre personnage, cette Marie-Ange Musquin, une personne extrêmement rigide, la personne la plus rigide à qui des problèmes sont arrivés cette nuit-là. Ça m’a amusé de faire ce personnage enfermé, qui passe son Noël dans la cage d’ascenseur.
Peut-on voir aussi dans ce film, à travers certains détails, un clin d’œil à votre culture d’origine ?
Oui, on a tout utilisé… J’ai utilisé mes origines yougoslaves, croates, on en a profité pour inventer le patronyme de Preskovitch, qui était le voisin du dessus, très gentil mais un peu collant (Rires) et qui a amené Kloug et le « spotsis » de Osjek, qui est la ville où mon père est né.
Dans le film, cela devient douteux, ce qui signifie « petit cul » en serbo-croate. On a sorti le grand jeu et ça nous a fait rire d’incarner ce personnage venu d’un pays improbable.
Ces rôles sont devenus cultes, comment analysez-vous ce lien unique que vous avez noué avec les Français à travers ces films ?
Je ne sais pas, on a fait des films qui ont marché, ce n’étaient pas des flops, mais ils n’étaient pas énormes non plus, à l’époque certains faisaient des millions d’entrées, comme Les Charlots, donc je crois que ça s’est fait petit à petit, c’était l’invention de la cassette, les rediffusions à la télévision, qui ont fait beaucoup de progrès.
Avec la vidéo, on pouvait les revoir d’un coup et, de fil en aiguille, le Père Noël apparaissait régulièrement chaque Noël à la télé ou presque, c’est comme ça, je pense, qu’on est entré dans l’album de famille français et, de génération en génération, et on je ne pouvais pas m’en douter.
Les Bronzes 3 a connu un énorme succès, avec plus de dix millions d’entrées, même s’il a été critiqué.
Nous n’avons jamais eu de succès critiques, mais des succès populaires. Mais ensuite les mêmes critiques qui n’aimaient pas ça ont regardé les films dans leur vidéothèque (rires), 10 ans plus tard, 20 ans après, donc ça n’a pas d’importance.
Bonjour le cinéma
Vos répliques sont devenues cultes et ont résonné jusqu’aux obsèques de votre ami Michel Blanc.
Oui, ce salaud nous a quittés sur un malentendu, on l’a entendu dix fois, mais c’est vrai et c’était terrible, c’est une très très mauvaise blague qu’il nous a fait. Ce qui nous a touché, c’est de voir le nombre de personnes qui attendaient devant l’église. Même maintenant, les gens nous disent « nous sommes désolés, mes condoléances », pour eux c’est la famille.
Tous ces gens connaissaient Jean-Claude Dusse et, même si ce personnage, parfois, courait un peu sur les fèves, il était le cousin de la famille. Michel avait un génie pour les formules, c’était un grand auteur.
Michel partait toujours le premier. Il nous a fait partir les premiers, après un terrible et stupide accident, on se dit qu’il faut se voir plus souvent, maintenant, pour éviter de finir au cimetière.
Avez-vous d’autres projets ensemble ?
Ce n’est pas facile à trouver, pour le moment nous n’avons pas de projet ensemble, mais pourquoi pas ?