la cuisine et le dressing des violeurs, la boîte à poison, les photos de famille

La maison de « l’impensable », où pendant près de dix ans Dominique Pelicot, un retraité de soixante-douze ans, a ouvert la porte à une armée d’inconnus pour violer son épouse Gisèle, droguée et inconsciente, est à dix minutes à pied de la mairie de Mazan, 5 mille âmes au coeur de la Provence. Le gendre de la victime, Pierre, qui, interrogé sur le fait que personne dans la famille n’a jamais soupçonné les trop nombreux troubles physiques et mentaux de Gisèle, les attribuant à l’âge ou à une éventuelle apparition de la maladie d’Alzheimer, a répondu, désarmé et désarmant : “C’était impensable.”

Sur l’allée arborée qui mène de la rue principale de la commune au numéro 544 du Chemin du Bigourd, les habitants, emmitouflés dans de lourdes vestes, promènent leurs chiens, tout comme Dominique et Gisèle le faisaient avec leur pitbull Lancôme jusqu’à l’été 2020. Le stade s’élargit au détour d’un virage serré : c’est ici devant, sur le chemin de terre où se garent les mères pour saluer leurs enfants avant le match de football, que le mari et père exemplaire a demandé à ses complices – au moins 80 dont 51 identifiés et attendant le verdict du tribunal – de laisser la voiture et de continuer à pied pour que les voisins n’entendent aucun bruit anormal dans la tranquille nuit provinciale. Puis, encore cinq minutes, un pas après l’autre sur le trottoir, et, identique aux autres, c’est la maison de « l’impensable », le facteur vert, le patio ocre avec la table et les chaises en plastique, l’épaisse haie qui descend vers l’arrière pour encadrer le portail automatique pour la voiturele garage à outils qui cachait la boîte à chaussures pleine de paquets de Viagra et de Temesta, le puissant sédatif à base de benzodiazépine commandé et réarrangé par l’homme grâce aux recettes d’une ancienne dépression.

le cas

Procès Pélicot, le verdict aujourd’hui : voilà pourquoi la va changer

Danilo Ceccarelli

19 décembre 2024


Au-delà des volets fermés se trouve la cuisine, le laboratoire de glace à la framboise « correcte » que Monsieur Pélicot apportait amoureusement à sa femme pour l’étourdir et la préparer aux visites, la même cuisine où les violeurs étaient invités à se déshabiller et à se laver les mains en silence. Derrière l’une de ces fenêtres se trouvent également la chambre double, l’armoire, la commode surmontée de photos de l’heureuse famille, les deux tables de chevet au bord du lit, la scène banale que les journalistes et le public voyaient comme toile de fond la représentation de l’impensable lors des interminables vidéos diffusées à la demande de Gisèle lors du procès. Le lit recouvert d’une serviette blanche et la chaise avec le pyjama dessus que Dominique a pris à sa femme avant de l’offrir nue à ses bourreaux et le lui remettait après l’horreur pour qu’elle se réveille comme si de rien n’était. « Un fils insu », à son insu, était le nom du chat dans lequel les complices échangeaient images, commentaires et conseils sur les dérives à venir.



« Dans une si petite ville tout le monde se connaît, laissez-nous tranquilles » répètent-ils dans les cafés et magasins de Mazan. Au Café du Siècle, chez le détaillant de vélos Cycles Arroundj, à la Boulangerie Maison Agresti, à l’Auto Ecole : il n’y a personne ici qui veut parler des Pélicots, la peur, renouvelée à chaque audience (même si le procès dure lieu à Avignon, à une quarantaine de kilomètres), c’est que le stigmate reste attaché à l’ensemble de la communauté, localité identifiée au mal, comme en Italie dans le cas de Cogne, Novi Ligure. Tellement trouver la maison de l’impensable est une tâche difficile, on dit qu’elle a été louée, puis abandonnée, puis qui sait, cela ressemble au mystère de Fatima jusqu’à ce qu’un agriculteur s’arme du tracteur et montre derrière lui : « Ils étaient là, deux gens gentils et normaux, ils vivaient juste là, mais ça suffit, la vie continue et nous sommes fatigués d’être regardés comme des animaux dans un zoo.

Scandale Pélicot : en 120 secondes le procès qui a choqué la France

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Dominique Pélicot et Gisèle, qui jusqu’au jugement ont choisi de s’identifier au seul nom de son mari pour que la honte retombe sur lui et sur les autres, ils ont déménagé à Mazan en 2014, alors que leurs trois enfants ont quitté la maison, la vie est devenue plus paisible et après cinquante ans de mariage, cette petite ville semblait être le lieu de retraite idéal pour deux qui s’étaient rencontrés et étaient tombés amoureux. à bord d’une 2CV, la mythique voiture Citroën dont plusieurs exemplaires sont encore visibles ici. “J’étais certaine que je vieillirais avec ce monsieur là-bas”, a déclaré Gisèle lors de la dernière audience, en désignant son ex-femme aux juges. Elle en était si sûre que lorsqu’à l’automne 2020 il lui a avoué avoir été interpellé par la police alors qu’il regardait sous les jupes des clients de l’hypermarché Lecrerc à Carpentras, à 15 minutes de route de chez lui, elle, convoqué au commissariat, l’a défendu en minimisant sa « faiblesse » comme l’effet maladif des abus sexuels qu’il a subis dans son enfance, une conviction solide comme le roc jusqu’à la vision du matériel obscène trouvé par les agents sur ordinateur et sur téléphone portable : 156 fichiers, des milliers de photos, plus de 200 vidéos pornographiques dont elle était l’unique protagoniste, un corps vivant mais sans vie, des gros plans morbides d’organes génitaux, des jambes et des bras disjoints, comme faits de chiffons.

Tout s’effondre ce jour-là il y a quatre ans et à l’exception de la force affirmée de Gisèle, petite femme indifférente à 68 devenue aujourd’hui l’icône du nouveau féminisme, il ne reste plus rien, pas même au chemin du Bigourd numéro 544, où les enfants ont vidé la maison, laissant les murs en guise de souvenir. Les juges exprimeront leur avis, puis ce sera le silence. Pour Dominique, 20 ans ont été requis, pour les 51 autres prévenus une peine allant de 18 à 4 ans, selon le degré de participation, du plus « léger » de celui ayant répondu à l’invitation du site Coco.fr à une seule fois. « se limitant » à toucher Gisèle au rythme maximum d’une personne séropositive revenue six fois, toujours sans préservatif. Une fois le verdict prononcé, l’obscurité sera encore plus noire. Dehors et dedans.

 
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