Chaque dribble est une évasion ; chaque objectif, une promesse. La trajectoire du ballon ne doit suivre que celle de leur destin. Et pourtant…
Presque tous les clubs peuvent en témoigner : les rêves de ces gamins pour qui le football ne doit être que ludique, sont inexorablement plombés par le poids des attentes placées en eux. Ils s’effondrent face aux espoirs souvent démesurés de leur entourage, à ce fantasme de réussite plus financière que sportive…
La pression exercée par les parents, pour de nombreux observateurs, est devenue insupportable. Il s’agit du fameux « Projet Mbappé », au cœur d’une actualité bien moins scintillante que celle de la star du Real Madrid. Et dont on retrouve désormais les miasmes dans la rubrique actualité. Comme encore très récemment, à Coulommiers (Seine-et-Marne), deux éducateurs ont vu leur voiture incendiée, apparemment par des papas en colère, mécontents de ne pas voir leur progéniture au cœur du jeu, au cœur de tout…
L’esprit cher à Bob Rémond
Loin d’être un épiphénomène, ce véritable fléau touche tous les horizons, corrompt les esprits, rend parfois fou. Y compris à Cavigal où pourtant les paroles de Bob Rémond continuent de résonner fort, bien après la mort du grand homme. « Ici, on inculque des valeurs, avant de former les footballeurs » nous le brandissons fièrement, comme un étendard.
Les agents sont-ils également coupables ?
Et Diego Noto, président d’omnisports, est le premier à regretter ce glissement dans l’approche psychologique du sport. D’autant qu’il craint que la perversité du moment ne soit éventuellement irréversible. « Chez nous, on continue de se battre, pour préserver un certain état d’esprit, pour être en quelque sorte à la hauteur de l’héritage laissé par Bob Rémond. Par exemple, en donnant la priorité à l’école. Jusque-là, cela a été plutôt réussi pour nous, puisque nous avons développé des talents qui ont ensuite pu percer au plus haut niveau. Mais ce syndrome qui consiste à ne voir le football qu’à travers le prisme de l’argent pollue tout. même à l’entraînement, se montrent ultra-agressifs. D’un point de vue sociétal, c’est une catastrophe… Maintenant, je pense aussi que les agents de joueurs ont une grande responsabilité à leur égard, les jeunes, avant même d’avoir 13 ou 14 ans, ne sont que des produits, pour lesquels ils font pendre des montagnes et des merveilles… »
L’avis de John Mammoliti, président de la section football, n’est pas plus rose. « Le « projet Mbappé » est un véritable cancer. Le football n’est plus ce qu’il était, c’est devenu un véritable business. Désormais, on ne nous confie plus un enfant pour qu’il s’épanouisse, pour qu’il puisse assouvir sa passion, mais pour qu’il puisse réussir, y compris par le recours à la contrainte. Mais on sait bien que sur une génération, seulement 1% rejoindront un centre de formation. Et pas plus de 1 % de ces 1 % deviendront professionnels par la suite. Mais tout le monde est persuadé d’avoir une pépite chez soi… »
Nouveau statut pour les éducateurs ?
Pour autant, pas question pour lui d’abandonner. En guise de pare-feu, elle a donc mis en place des solutions internes avec ses responsables techniques.
« Il est important, dès le début de la saison, d’établir des règles avec les parents. Une réunion d’information leur est également destinée, une charte est lue et signée. Nous établissons également un bilan de mi-saison avec le joueur, sa famille et notre staff, pour faire un point global. Enfin, pour sanctionner d’éventuelles dérives, le club a mis en place une commission de discipline, qui s’adresse aussi bien aux jeunes qu’à leurs représentants légaux. . est signalé au directeur sportif qui a autorité pour prendre rapidement les mesures appropriées.
Mais espérer aussi que la fonction d’éducateur puisse, un jour, être «sacré» dans les textes. « Pour, légalement, être protégés comme le sont les arbitres aujourd’hui. Attaquer un éducateur, pour moi, est un délit pénal… »
Du côté de Saint-Roch, où les moins de 17 ans, en championnat national, permettent au Cavi de figurer parmi les meilleurs clubs amateurs de France (1), on semble donc déterminé à ne pas céder à la résignation. Du moins, pas encore.
Lame de fond
Mais chacun reste lucide sur l’ampleur de cette lame de fond qui, à terme, menace le navire. A l’image d’Amine Boutaj, le coach, pour qui rien n’est forcément simple au quotidien. Mais qui, malgré tout, maintient le cap. « Il faut savoir que l’entourage du joueur fait partie intégrante de son évolution sur le terrain. S’il est gentil, cela peut avoir un effet positif. Mais parfois, il arrive que certains tentent, contre toute logique, de donner des consignes lors des matchs et souhaitent régulièrement parler aux éducateurs concernant le - de jeu, la position, etc. Parfois, certains de nos éducateurs ont déjà reçu des menaces voire ont été victimes de coups et blessures. attaques, pour la seule raison que. « Ils n’avaient pas sélectionné leurs enfants en équipe première ou qu’à leurs yeux, ils manquaient de - de jeu. C’est encore rare, mais ça arrive… »
Et tant pis, si le dribble n’est plus une échappatoire…
1. Sur les traces de Robert Herbin et autres Dominique Baratelli, formés au Cavigal et devenus de véritables légendes du football français, de jeunes espoirs comme Dylan Rustico, Giani Carbone ou Adrien Gandolphe ont, ces dernières saisons, recruté des stagiaires aspirants ou professionnels, en Ligue. 1, ou Ligue 2.