Ingenuity, le redoutable petit hélicoptère martien de la NASA, restera malheureusement cloué au sol pour l’éternité depuis l’accident qui a mis fin à sa grande aventure en janvier dernier. Mais même s’il ne volera plus jamais, il continue de nous fournir de précieuses informations sur la planète rouge.
Dans un post publié le 11 décembre, l’agence spatiale américaine annonce avoir bouclé son enquête sur le crash de l’engin. Le procédé en lui-même est très intéressant, car pour rappel, Ingenuity a été le tout premier appareil à prendre son envol dans l’atmosphère d’une autre planète que la Terre. C’est donc aussi c’est la première fois que des ingénieurs sont chargés d’analyser un crash interplanétaire — un exercice qui implique des contraintes bien particulières.
« Quand on enquête sur un accident à 160 millions de kilomètres, on n’a pas de boîte noire ni de témoins oculaires », résume Håvard Grip, ingénieur au prestigieux Jet Propulsion Lab de la NASA et pilote en chef du petit hélicoptère.
En raison de ce manque d’informations, il est très difficile d’arriver à une réponse rigoureuse et claire. L’équipe a donc dû se contenter de proposer plusieurs scénarios viables basés sur la topologie de la zone de crash et les quelques données transmises par Ingenuity. La bonne nouvelle est que les ingénieurs en ont identifié un qui semble nettement plus probable que les autres.
Un malheureux concours de circonstances
Et contrairement à ce qui avait été suggéré juste après le crash, ce n’est apparemment pas une rupture de communication avec le rover Perseverance, qui servait de relais de communication avec la Terre, qui aurait précipité sa chute. Selon toute vraisemblance, c’est un ensemble de circonstances encore plus regrettables et difficiles à anticiper qui ont sonné le glas d’Ingenuity.
Pour connaître son altitude, l’hélicoptère a utilisé un altimètre laser, dont le faisceau rebondit sur la surface avant de revenir heurter un capteur situé sous l’avion. Ce dispositif relativement classique permet de calculer simplement l’altitude à partir de la vitesse du faisceau dans l’atmosphère martienne et de son - de parcours.
De plus, il disposait également d’une caméra qui analysait les variations de la texture du terrain. Si ces variations devenaient trop importantes d’une image à l’autre, et que certains motifs apparaissaient soudain plus grands, le système de navigation pourrait alors en déduire qu’il fallait ajuster la trajectoire afin d’éviter une collision avec le sol qui se rapprochait probablement.
Malheureusement, le jour fatidique, Ingenuity a survolé une zone où le sol était particulièrement uniformeavec très peu de texture dans la roche et très peu de gravier. Les conditions d’éclairage à cette heure du jour martien accentuaient également cet effet optique. Selon les ingénieurs, c’est probablement cette homogénéité inhabituelle qui a fait perdre ses pédales au système de navigation. « Il contenait trop peu d’informations pour fonctionner correctement », résume Grip.
Incapable de déterminer correctement sa position, Ingenuity a volé de manière erratique pendant quelques secondes avant de plonger vers la surface à une vitesse plus grande que prévue.
En théorie, cependant, il aurait dû résister à cet impact sans trop de problèmes – mais là encore, le destin a pris le dessus. Il s’avère que le point d’impact était relativement abrupt ; Ingenuity n’a donc pas atterri horizontalement, a perdu l’équilibre et a commencé à dévaler la pente. Son hélice a ensuite heurté la surface à plus de 2 500 tours par minute, entraînant la rupture d’une pale en fibre de carbone et clouant l’hélicoptère au sol pour toujours.
Des informations précieuses pour les futures machines
Comme mentionné ci-dessus, il est malheureusement impossible de vérifier rigoureusement ce scénario. Mais cet exercice a au moins permis aux ingénieurs de mettre la main sur cette procédure d’investigation qui devra sans doute être répétée à l’avenir. Car pour rappel, l’immense succès d’Ingenuity a poussé la NASA à doubler sa participation ; elle développe actuellement d’autres appareils volants qui promettent de repousser les limites de l’exploration spatiale. On peut citer le Mars Chopper, présenté comme le successeur direct d’Ingenuity, ou encore l’incroyable drone nucléaire Dragonfly qui partira à la conquête de Mars en 2028.
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Toutes ces machines ne seront pas non plus éternelles, et une fois arrivées au bout de leurs capacités, les ingénieurs devront une nouvelle fois faire le point sur la mission. Avoir pu s’entraîner avec Ingenuity leur permettra donc de savoir quels instruments ajouter pour pouvoir réaliser un diagnostic plus complet le moment venu – mais pas seulement. Cela les aidera également à garantir que les générations futures survivront encore plus longtemps. Et la bonne nouvelle, c’est qu’Ingenuity a prouvé qu’il ne sera pas forcément nécessaire de changer complètement la recette.
« Nous approchons maintenant de quatre années d’opérations continues, ce qui suggère que tout n’a pas besoin d’être plus gros, plus lourd et plus résistant aux radiations pour fonctionner dans l’environnement hostile de Mars. », explique l’ingénieur Teddy Tzanetos.
Dernière information importante, même s’il est désormais cloué au sol, Ingenuity n’a pas cessé de fonctionner. Actuellement, ses batteries, panneaux solaires et capteurs continuent de fonctionner normalement. A terme, il sera inévitablement recouvert d’une couche de poussière orange qui le mettra définitivement hors service ; mais d’ici là, il pourra continuer à envoyer des données sur la météo martienne à son compagnon Perseverance, qui se chargera de les envoyer sur Terre.
Autrement dit, même infirme, cette machine pas très grande mais ô combien vaillante continue de faire progresser les sciences spatiales. Pas mal pour un appareil qui n’était censé être qu’une simple preuve de concept !
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