Le Docteur Yasmina Dejean est psychiatre. Elle a examiné Kamel Mouliem en septembre et octobre 2021. Le meurtre de Clara était survenu quelques semaines plus tôt. Est-ce cette proximité avec les faits ? Elle constate « une tristesse et un étonnement évident » chez l’accusé, décrit comme « rongé par la culpabilité ». Sur les faits, il s’exprime aussi de manière rationnelle, racontant ses soupçons de jalousie. « Peut-être qu’il n’y avait rien et que ce n’était pas si grave. » Il concède « avoir manqué de lucidité », évoque un contexte d’épuisement, entre la naissance de leur bébé et son métier d’inséminateur de volailles. Le soir de l’incident, il a décidé de ne pas se rendre au travail et a passé la soirée à boire, fumer du cannabis et prendre de la cocaïne. «Cela m’a fait craquer, j’ai ruiné ma famille», lui a-t-il dit.
« Personnalité égocentrique »
Cet éclair de perspicacité semble si loin, trois ans plus tard. Depuis deux jours, devant la cour d’assises, Kamel Mouliem s’enferme dans ses délires maladifs de jalousie, et réfute avoir étranglé sa compagne, se contentant d’avouer une gifle et un coup de poing qui n’expliqueraient pas, selon lui, sa mort. Le docteur Dejean avait décelé cette « méconnaissance totale des violences qu’il a pu infliger ». Elle conclut par « une personnalité égocentrique, avec des comportements violents dans des situations de frustration ». Et justement, l’arrivée du bébé, quatre mois plus tôt, “crée une triangulation qui le déstabilise”.
« Entre séduction et intimidation »
Le psychologue Loïk Villerbu a réalisé une évaluation de l’accusé en 2022. Il le verra à trois reprises car « il était en digression permanente », ce qui correspond davantage au visage qu’il offre aux jurés de la cour d’assises. Il le décrit comme « centré sur lui-même, très insensible à la souffrance des autres. Concrètement, s’il y a quelqu’un de responsable, ce n’est pas lui, c’est toujours quelqu’un d’autre.» Son histoire avec Clara est « caractéristique » : « Il attend d’elle qu’elle soit l’image qu’il veut : centrée sur lui-même. Mais elle a d’autres intérêts. Il oscillera entre séduction et intimidation. C’est ainsi que se construit leur relation : pour lui, il donne et ne reçoit jamais assez.
“Son système défensif est le déni”
Les ressorts sont, selon lui, en place : « Il a commencé dans une forme de vérification obsessionnelle. Pour lui, être jaloux, c’est aimer. Il a inversé le sens du terme. Il n’y a pas d’égalité possible, c’est lui qui commande. Le président lui apprend qu’il avait renommé Clara, en choisissant le prénom « Maria ». Pour le psychologue, « il le renomme, de la même manière qu’il recrée son existence. Il en fait son truc. Quant au meurtre, survenu le 17 août 2021, « il n’est, à ses yeux, pas le responsable de la situation ». L’effet des coups qu’il a portés « n’aurait pas pu mettre Clara dans cet état. Le doute est manifeste et permanent quant à sa responsabilité. Son système défensif est le déni.