B-52, F-15 et A-10… Les vaisseaux amiraux de l’US Air Force bombardent depuis dimanche les jihadistes de Daesh, ou État islamique (EI), en Syrie. Ils ont touché plus de 75 cibles, ciblant des camps et identifiant les membres de l’Etat islamique en Syrie. « Il ne doit y avoir aucun doute : nous ne permettrons pas à l’EI de se reconstituer et de profiter de la situation actuelle en Syrie. » a expliqué le chef de l’opération, le général Michael Erik Kurilla, chef du commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom), sans fournir plus de détails.
Une menace prise au sérieux
Vaincu à Baghouz (est de la Syrie) en 2019 par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, l’EI reste une menace à prendre très au sérieux aux yeux de Washington. Selon les Nations Unies, Daesh ne compte qu’entre 3 000 et 5 000 combattants en Syrie et en Irak, tandis que 9 000 autres sont détenus dans les prisons syriennes.
Affaiblie, l’organisation terroriste n’a pas encore disparu. Elle se renforçait avant même la chute de Bachar Al Assad. Alors que le nombre d’attaques signalées a sensiblement diminué entre 2019 et 2023, passant de 1.055 à 121, il a augmenté en 2024, pour atteindre 259 à la mi-novembre, écrivait la semaine dernière l’analyste Aaron Zelin pour le groupe de réflexion américain Hudson. « Il existe des preuves significatives suggérant que l’EI a délibérément sous-estimé ses affirmations en Syrie pour paraître plus faibles qu’elles ne le sont en réalité. » a-t-il ajouté, soulignant que Daesh impose des taxes aux populations sous son contrôle.
Le mouvement est principalement enraciné dans le nord-est du pays, où il est poursuivi par les Forces démocratiques syriennes (FDS), la force kurde opposée à Bachar Al Assad et soutenue par les États-Unis. Cette zone abrite également des dizaines de milliers de membres présumés de l’EI et de leurs familles, détenus par les FDS dans des camps surpeuplés et mal protégés, comme celui d’Al-Hol, près de la frontière irakienne.
L’intransigeance américaine
La perspective de voir les cellules de l’EI profiter du nouveau désordre qui prévaut en Syrie pour se reconstituer relève du cauchemar pour Washington. « Toutes les organisations en Syrie doivent savoir que nous les tiendrons pour responsables si elles s’associent ou soutiennent l’EI de quelque manière que ce soit. » » a prévenu le général Michael Erik Kurilla, ciblant la coalition de groupes rebelles qui vient de renverser Bachar Al Assad.
Cette menace vise directement Hayat Tahrir Al-Sham (HTC), l’organisation islamiste issue de la branche syrienne d’Al-Qaïda, le Front Al-Nosra. Certes, son chef, Abou Mohammed Al Joulani, s’est officiellement distancié d’Al-Qaïda en 2016. Mais toutes les chancelleries occidentales craignent qu’il puisse se radicaliser à nouveau, favorisant la désintégration du pays et la renaissance de l’EI.
Face à cette sombre perspective, même le président américain Joe Biden a prévenu que les États-Unis ne le feraient pas. “Je ne le permettrais pas” L’Isis n’en a pas profité “récupérer” en Syrie. Les États-Unis disposent toujours d’une force de 900 soldats déployés en Syrie aux côtés des FDS. Depuis 2019, ils n’ont cessé de cibler les groupes liés à Daesh.
Au cours du seul premier semestre 2024, Washington et les FDS ont mené 196 actions contre eux, dont 137 en Irak et 59 en Syrie. Ces opérations ont permis d’interpeller 166 jihadistes et de les arrêter “neutraliser” 44, non « huit cadres supérieurs »» Centcom l’a déclaré en juillet dernier. Parmi les cibles éliminées figuraient, selon les Américains, “responsable de la planification des opérations en dehors de la Syrie et de l’Irak, du recrutement, de la formation et du trafic d’armes”.
En Syrie, les États-Unis ciblent également les milices présumées pro-iraniennes de Téhéran. Depuis la mi-novembre, le Centcom a également intensifié ses attaques contre ces derniers, fragilisant l’un des principaux piliers sur lesquels reposait le régime de Bachar al-Assad. «Dans cet environnement fluctuant, les États-Unis profitent de l’occasion pour affaiblir davantage l’Iran.», note Benoist Bihan, du Centre international d’analyse et de prévision des risques (Capri).
Campagne de bombardement israélienne
Un ennemi qu’ils partagent avec Israël. Le chef du Centcom et le chef d’état-major israélien, le général Herzi Halevi, se sont rencontrés à plusieurs reprises ces derniers mois. 11 juin, selon les médias Le - d’Israëlils ont discuté à Tel Aviv le «les défis régionaux et le renforcement du partenariat stratégique contre la menace iranienne et les représentants de l’Iran».
Depuis dimanche, Israël a intensifié ses bombardements en Syrie. C’est ce qu’a constaté l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources sur le terrain. « près de 310 frappes » depuis la prise de Damas par le HTC le 8 décembre. L’armée israélienne a bombardé, souligne l’OSDH, des aéroports, des radars et des dépôts d’armes dans plusieurs régions, endommageant des navires de la marine syrienne et attaquant une unité de défense aérienne près du grand port de Lattaquié, au nord-ouest.
Ces raids ciblent “destruction des armes restantes” de l’ancien pouvoir, estime l’OSDH. Le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, a justifié ces attaques en Syrie, affirmant qu’elles étaient ciblées. « des systèmes d’armes stratégiques, comme par exemple des restes d’armes chimiques ou des missiles et roquettes à longue portée, afin qu’ils ne tombent pas entre les mains d’extrémistes ».
« Ne pas voir ces armes circuler librement est clairement l’objectif d’Israël. confirme Benoist Bihan. Parmi les cibles détruites ces dernières heures figure un centre de recherche scientifique à Damas, qui appartient au ministère de la Défense. Il était soupçonné par les États-Unis d’être lié au programme d’armes chimiques de la Syrie.
« Une zone exempte d’armes et de menaces terroristes »
Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, est allé plus loin, mardi 10 décembre, en déclarant avoir demandé, en concertation avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à l’armée de créer une zone sans armes dans le sud de la Syrie.
« Avec le Premier ministre, j’ai demandé à l’armée de créer une zone (…) libre d’armes et de menaces terroristes, dans le sud de la Syrie, sans présence israélienne permanente », a-t-il déclaré lors d’une visite dans une base navale dans la ville de Haïfa, au nord d’Israël. Il n’a pas précisé où exactement cette zone serait créée, mais a ajouté que tel était l’objectif.« Empêcher le terrorisme de prendre pied en Syrie ».
De son côté, l’Union européenne reste prudente à l’égard du gouvernement qui pourrait former la coalition rebelle dirigée par le HTC : à l’heure actuelle, le mouvement dirigé par Abu Mohammed Al Joulani figure toujours sur la liste des organisations terroristes.