YouTube va-t-il tuer Netflix et la télévision classique ? On a raison de se poser cette question quand on voit le succès phénoménal du documentaire sur l’escalade de l’Everest « Kaizen » d’Inoxtag. En seulement trois semaines, la vidéo a été visionnée 35 millions de fois sur YouTube.
De quoi aiguiser l’appétit des chaînes de télévision qui n’hésitent plus à acheter les droits pour diffuser une vidéo disponible gratuitement au plus grand nombre sur la plateforme américaine. Mais pour rajeunir son audience, TF1 a considéré comme une aubaine la diffusion du documentaire d’Inoxtag, de son vrai nom Inès Benazzouz, ce que la première télévision européenne a fait début octobre.
Le succès exceptionnel de « Kaizen » témoigne de l’impact colossal des YouTubeurs, et plus généralement des créateurs de contenu, sur l’industrie du divertissement. Ce sont désormais des célébrités, au même titre que des acteurs ou des sportifs, qui jouissent d’une grande aura dans la société. L’entrée de Léna Mahfouf, plus connue sous le nom de Léna Situations sur YouTube, au musée Grévin il y a quelques jours en est une nouvelle preuve. Mais finalement, quel est le poids réel de l’économie créative en France à l’heure actuelle ?
6,8 milliards de dollars de revenus
Pour répondre à cette question, les organisateurs de la Paris Creator Week, l’événement phare du secteur qui rassemble plus de 2 000 participants à Station F les 10 et 11 décembre, ont mené une étude Coherent Marketing Insights. Il apparaît que le marché français de l’économie des créateurs représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 6,8 milliards de dollars et devrait atteindre 31,2 milliards de dollars en 2031, avec un taux de croissance annuel de 21,5 %. Fin 2024, le secteur représente 0,16% du PIB français. C’est le troisième pays européen, derrière le Royaume-Uni (8,2 milliards) et l’Allemagne (8,3 milliards). Au total, l’économie créative représente un marché de 27,5 milliards de dollars sur le Vieux Continent.
Dans le détail, ce sont les nano-créateurs (entre 1 000 et 10 000 adeptes) qui sont les plus nombreux en France. Il y en a actuellement 167 000 par heure et représentent un chiffre d’affaires de 1,2 milliard de dollars. Mais ce sont les micro-créateurs (entre 10 000 et 100 000 followers) qui ont le plus grand poids économique, avec 3,9 milliards de revenus. Les méga-créateurs (plus d’un million de followers), comme Inoxtag, Squeezie, Amixen et Nabilla Vergara, ne représentent que 366,8 millions de dollars de revenus.
1,5 million d’emplois
En termes d’impact de la Creator Economy sur l’emploi, le secteur générera au total 1,5 million d’emplois en 2024, soit presque autant que le secteur technologique français. Dans le détail, les auteurs de l’étude dénombrent 28,7% d’emplois directs. Ceux-ci incluent des créateurs de contenu (YouTubers, streamers Twitch, influenceurs TikTok, podcasteurs, etc.), ainsi que des rôles dans des domaines tels que la conception graphique, le montage vidéo et le marketing. Ces emplois sont principalement localisés dans les zones urbaines, notamment à Paris qui constitue un véritable pôle central de l’activité numérique en France.
-Dans le même -, il existe 71,3 % d’emplois indirects, qui comprennent les infrastructures technologiques, la logistique, les services juridiques et les agences de publicité. Selon les auteurs de l’étude, chaque emploi direct peut générer entre 3 et 11 emplois indirects, notamment grâce aux plateformes de e-commerce qui soutiennent la vente de produits dérivés des créateurs.
L’industrie est confrontée à la saturation des contenus et à l’essor de l’intelligence artificielle
Même si le secteur s’est considérablement développé ces dernières années, il est également confronté à un certain nombre de défis. « La saturation du contenu devient un problème majeur à mesure qu’un nombre croissant de créateurs inondent les plateformes, ce qui rend plus difficile la différenciation et la captation de l’attention du public. Par ailleurs, les créateurs français sont confrontés à des inquiétudes croissantes quant à la protection de leurs droits de propriété intellectuelle, avec de fréquentes violations du droit d’auteur.écrivent les auteurs de l’étude. L’explosion du secteur a en effet conduit à un nombre toujours croissant de créateurs et donc à une concurrence plus rude qui rend plus difficile la réussite dans le jeu. Dans ce contexte il faut rivaliser d’ingéniosité pour être le plus original possible.
Dans ce contexte, la démocratisation de l’intelligence artificielle transforme le secteur, car elle automatise des tâches telles que le montage vidéo, l’écriture et la conception. Cela permet aux créateurs de réduire le - de production de contenu pour se concentrer sur des tâches plus créatives. « De plus, les analyses basées sur l’IA aident les créateurs à mieux comprendre les comportements et les préférences de leur public, optimisant ainsi l’engagement et la pertinence de leur contenu. »soulignent les auteurs de l’étude.
L’économie créative à l’heure de la maturation
La diversification des revenus constitue également un axe de développement prometteur pour le secteur. « Le merchandising, les collaborations entre marques et les partenariats à long terme offrent d’importantes opportunités financières, permettant aux créateurs de se concentrer pleinement sur leur activité. Ces évolutions révèlent une maturation de l’économie des créateurs, dans laquelle la création de contenu devient une profession viable à - plein pour un nombre croissant d’individus.observe l’équipe de la Paris Creators Week.
Cette plus grande maturité du secteur s’accompagne d’une meilleure prise en compte de la réglementation. 75% des créateurs français assurent connaître la législation sur le marketing d’influence. Il faut dire que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) garde un œil sur la situation et n’a pas manqué d’identifier de nombreux influenceurs, notamment sur Instagram et TikTok, ces dernières années.