La réunion du 5 décembre n’a guère avancé, mais un nouveau calendrier a été fixé avec une prochaine réunion prévue à la mi-janvier 2025 entre l’État, les industriels, notamment électro-intensifs, et EDF. Cette nouvelle « clause de révision » a été confirmée par deux sources proches du dossier à L’Usine Nouvelle. L’idée serait d’avancer beaucoup plus vite sur un des volets de l’accord de novembre 2023 sur le futur cadre de régulation des prix de l’électricité, les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN).
Un délai évoqué
Une Source précise même à L’Usine Nouvelle qu’une date limite a été fixée à fin janvier “une vingtaine de TWh” de consommation annuelle faisant l’objet de lettres d’intention, des étapes importantes vers la signature définitive du CAPN. La réunion de mi-janvier permettra de poursuivre les discussions sur la faisabilité de cet objectif.
Cet horizon de fin janvier s’appliquerait également aux négociations en cours sur la mise en œuvre de la deuxième phase du contrat entre EDF et le consortium industriel électro-intensif Exeltium. Toutefois, les participants à la réunion du 5 décembre se demandent s’il sera possible de maintenir ce programme. Ils s’interrogent notamment sur le poids réel des pouvoirs publics sur ces discussions après la chute du gouvernement de Michel Barnier.
La bataille des prix sur les CAPN continue
Aux termes de l’accord de novembre 2023, les producteurs gros consommateurs d’électricité doivent négocier ces contrats d’une durée d’environ 15 ans directement avec EDF à un prix qui devrait être compétitif en échange d’une avance de fonds. Problème : Le volume de consommation couvert par les lettres d’intention est insuffisant. Ils représentent pour l’instant un peu plus de 10 TWh de consommation annuelle alors que l’objectif du gouvernement sortant était d’atteindre 24 TWh d’ici la fin de l’année. Pire encore, ces lettres d’intention n’ont en grande partie pas été signées par les industriels initialement visés par l’accord de novembre 2023. “La moitié du volume correspond à des projets et non à des sites existants très exposés à la concurrence internationale”, souligne une Source. Selon nos informations, le secteur chimique est par exemple plutôt mal desservi.
Les négociations avec les producteurs ont buté sur le prix, une question étroitement liée à celle de l’avance de trésorerie. « Les industriels sont d’accord, mais pas sur la base d’un contrat à 68 euros le mégawattheure. Lorsque cet accord a été signé, l’idée n’était pas d’offrir aux producteurs un prix de marché. EDF doit baisser son prix. Autour de 60 euros le MWh, les industriels peuvent se mettre d’accord”, il se considère comme un autre bon expert du dossier. « Le haut de gamme est hors du commun », prend en charge encore une autre Source. Le blocage sur le prix des contrats à long terme est cuisant, notamment avec le PDG d’EDF, Luc Rémont. Pour l’énergéticien, la motion de censure pourrait représenter un petit avantage dans les négociations en réduisant le poids politique du pouvoir en place. L’attitude de son PDG, ouvert à la discussion et conscient des difficultés actuelles du secteur, a cependant été appréciée par l’un des participants à la dernière réunion.
Une mission de médiation demandée par les électro-intensifs
L’État suit le dossier avec attention, mais ne peut pas trop agir de peur d’être accusé de soutien illicite par Bruxelles. De leur côté, les industriels électro-intensifs ont réclamé une « médiation flash » pour arriver non pas à un prix, mais à une estimation du coût de production qui servirait de base à un accord avec EDF sur les CAPN. Pour l’Etat, la mise en œuvre de cette proposition pourrait cependant s’avérer dangereuse. Difficile en effet de désigner une personnalité qui le représente avec pour mission de rapprocher les intérêts des différentes parties vers un prix, sans se voir reprocher de trop s’immiscer dans l’affaire.
Dans une interview accordée fin novembre à L’Usine Nouvelle, le ministre délégué à l’Industrie, aujourd’hui démissionnaire, Marc Ferracci, estimait que« Il faudra[it] tirer toutes les conséquences en cas d’échec, y compris un nouveau système de régulation ». Et le futur cadre de régulation des prix de l’électricité fait encore l’objet de vives critiques de la part de certains acteurs.
“On ne peut pas appeler ça une clause de révision”
Avec la chute du gouvernement de Michel Barnier, les cartes semblaient destinées à être rebattues lors de la dernière réunion. Mais à l’issue de cette réunion, les opposants au cadre réglementaire proposé dans l’accord de novembre 2023 ont exprimé leur frustration. « Il y avait beaucoup d’attentes autour de ce match, mais le résultat est très décevant. » déclare Géry Lecerf, président de l’Association française indépendante de l’électricité et du gaz (Afieg) qui regroupe les entreprises des énergies alternatives comme TotalEnergies Electricité et Gaz France ou les filiales françaises de Vattenfall et Alpiq. « Le gouvernement n’a pas changé de position, nous restons sur le projet d’accord de novembre 2023. On ne peut pas parler de clause de révision, car on ne sent pas vraiment l’ouverture pour faire une vraie évaluation de l’accord. Cependant, nous sommes nombreux à avoir appelé à repenser les solutions proposées, y compris l’étude de l’option CFD. ajoute-t-il. Incité par une commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité, le contrat sur différence (CFD) est un outil de régulation qui n’a pas été retenu dans l’accord de novembre 2023.
« Cette réunion était un exercice de communication plutôt vide de sens dans lequel le ministre [de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, ndlr] considérant que tout allait bien. Absolument rien ne change. Il semblait vivre sur une autre planète, sans le renversement du gouvernement. » s’adresse Frank Roubanovitch, président du CLEEE, association des grands consommateurs d’électricité et de gaz (SNCF, La Poste, Veolia…).
Le mécanisme de collecte des recettes d’EDF est suspendu
La loi de finances pour 2025 a prévu la création d’un des instruments de protection des consommateurs du futur cadre réglementaire, le mécanisme de captation des recettes d’EDF en cas de hausse des prix de marché. Son adoption semble désormais très incertaine d’ici la fin de l’année. Mais « le gouvernement a suggéré qu’un projet de loi modificative financière permettrait de remettre le cadre réglementaire dans la loi », indica Géry Lecerf. « Compte tenu du niveau actuel des prix, le mécanisme ne sera probablement plus utile en 2026-2027. Est-il urgent de mettre en œuvre une mauvaise réglementation qui n’aura aucun effet, plutôt qu’une bonne réglementation plus tard ?complète le représentant des entreprises d’énergies alternatives.
Il croit cependant avoir observé un «micro-avancée» sur une des demandes de son association, la liquidité du marché de gros de l’électricité au-delà de trois ans. Selon lui, EDF serait prête à œuvrer pour l’augmenter, alors que le futur cadre réglementaire vise à développer une contractualisation à moyen terme, soit quatre ou cinq ans, pour les entreprises. Pour l’Afieg, le système d’enchères lancé par EDF pour offrir cette visibilité n’est pour l’instant pas satisfaisant.