La peut-elle empêcher la signature de l’accord UE-Mercosur ?

La peut-elle empêcher la signature de l’accord UE-Mercosur ?
La France peut-elle empêcher la signature de l’accord UE-Mercosur ?

Par Yves Petit, Professeur de l’Université de Lorraine, Directeur du Centre Universitaire Européen de Nancy

L’opposition de la classe politique française

En , les effets négatifs de l’accord touchent principalement les agriculteurs. Ils proviendraient principalement des importations de viande bovine, de volaille et de sucre. Le président de la République s’est ainsi exprimé à l’issue du Conseil européen du 17 octobre 2024 : « Nous demandons le respect substantiel des accords de Paris (de 2015 sur le climat), des clauses miroir et de la protection des intérêts des industries européennes. et les agriculteurs. L’accord UE-Mercosur devrait donc permettre le respect des engagements climatiques des différentes parties, ne pas conduire à une augmentation de la déforestation importée et subordonner les exportations de produits agroalimentaires vers l’UE au respect de normes environnementales et sanitaires à travers des clauses miroir. . Pour répondre aux protestations du Brésil et faciliter la conclusion de l’accord, à la demande du PPE et de l’Allemagne, le Parlement européen a décidé de reporter d’un an l’application du règlement européen sur la déforestation importée, qui vise à interdire l’importation de café. , du cacao ou du bœuf provenant de terres déboisées. Le détricotage de ce texte sur la déforestation a été victime d’une alliance entre la droite et l’extrême droite au Parlement européen, ce qui est totalement inédit !

Dans un appel publié mi-novembre par le Journal Le , plus de 600 parlementaires français ont écrit à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, très favorable à l’accord, pour lui présenter leur position : « Les conditions pour que l’adoption d’un accord avec le Mercosur ne sont pas satisfaits.” Les signataires insistent sur la déforestation d’une superficie équivalente à la péninsule ibérique en Amazonie. Le Cerrado, limitrophe de la forêt amazonienne, est également durement touché, entraînant un changement d’affectation des terres au profit de l’élevage et de la production de soja, en contradiction avec les obligations fixées par l’Accord de Paris. Le Brésil et l’Argentine utilisent presque deux fois plus de pesticides par hectare de culture que la France, dont une partie importante est interdite en Europe, et stimulent également la croissance du secteur de l’élevage. Pour les parlementaires français, l’ouverture de quotas supplémentaires (par exemple 99 000 tonnes de bœuf ou 180 000 tonnes de volaille), sans droits de douane ou à droits réduits, va à l’encontre des intérêts des producteurs nationaux. Cette « naïveté coupable » favorise les distorsions de concurrence au détriment de l’agriculture européenne.

Alors que le Président de la République semble avoir épuisé les arguments pour faire évoluer la position de la Commission européenne, le gouvernement français a annoncé le 19 novembre 2024 qu’il activerait l’article 50-1 de la Constitution de 1958 qui permet l’organisation d’un débat parlementaire. avec un vote sur un sujet spécifique, sans que cela n’implique une quelconque responsabilité. L’Assemblée nationale réunie le 26 novembre 2024 s’est opposée à la signature de l’accord de libre-échange UE-Mercosur par 484 voix pour la déclaration adoptée et 70 contre. Au nom de la défense des agriculteurs, le lendemain, le Sénat demandait également à la France de rejeter l’accord en l’état. Le rejet a été obtenu à la quasi-unanimité avec 338 voix sur un total de 348 sénateurs.

Pour s’opposer à l’adoption de l’accord, la France peut donc compter sur la quasi-unanimité de son Parlement (à l’exception du groupe LFI) et proposer un front uni du rejet qui lui permettrait de renforcer la position française au niveau européen. Ces votes pourraient également rendre le président de la Commission plus réticent à conclure l’accord à tout prix et favoriser la création d’une minorité de blocage au niveau européen.

La réunion d’une minorité de blocage est-elle possible ?

Si la route est étroite, un paramètre à prendre en considération pour empêcher la conclusion de cet accord commercial est la possibilité pour la France de pouvoir constituer une minorité de blocage qui lui permettrait de s’opposer à l’approbation de l’accord. Depuis le traité de Lisbonne, pour être adoptée à la majorité qualifiée, une décision doit obtenir le soutien de 15 États membres représentant 65 % de la population de l’Union. Pour empêcher l’adoption d’un texte, une minorité de blocage doit être composée d’au moins quatre Etats membres, et trois grands Etats membres ne peuvent pas bloquer le vote d’un texte, même s’ils rassemblent plus de 35 % de la population.

Pour l’heure, 11 États membres (notamment l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal) ont explicitement exprimé leur soutien à la conclusion de cet accord de libre-échange. Le chiffre de 15 États membres n’est donc pas atteint et les positions de certains États membres sont difficiles à comprendre. Récemment, en Italie, alors que le ministre de l’Agriculture s’est prononcé contre l’accord, le ministre des Affaires étrangères s’est déclaré favorable « en principe » à sa conclusion. Si fin juin 2019, suite à l’accord politique trouvé, la France pouvait compter sur le soutien de l’Autriche, de l’Irlande et des Pays-Bas, seule l’Autriche maintient une opposition ferme, après un vote de son Parlement. Depuis le 26 novembre, la France peut compter sur le soutien de la Pologne (plus de 36 millions d’habitants) qui s’oppose à l’accord UE-Mercosur, jugeant le volet agricole inacceptable. La question des importations agricoles en provenance d’Ukraine n’est pas étrangère. Dans un nombre important d’États membres, on craint une résurgence de la colère des agriculteurs contre l’accord UE-Mercosur. Les positions de plusieurs Etats membres ne sont peut-être que tactiques, la constitution d’une minorité de blocage restant incertaine, notamment en raison du retour des mobilisations agricoles.

Construire une minorité de blocage ne sera donc pas chose aisée, d’autant qu’il faudra certainement éviter de diviser l’Union européenne. Faut-il alors exiger plus de transparence, pour mieux comprendre les détails de cette négociation commerciale ? En effet, les négociations sont souvent critiquées parce qu’elles se déroulent dans l’opacité et ne faudrait-il pas revoir le mandat de négociation donné à la Commission européenne il y a 25 ans, car il ne mentionne ni le climat ni la biodiversité ? Plusieurs Etats membres viennent de réaffirmer leur forte opposition à l’accord et, selon certains députés, il n’est pas exclu que la France puisse encore rassembler une minorité de blocage au Conseil. Même les différents points de vue au sein des groupes politiques du Parlement européen ne rendent pas un refus impossible.

Vers une adoption rapide de l’accord, surmontant l’opposition de la France ?

Malgré l’opposition physique et spirituelle de la France, une question se pose : la Commission européenne peut-elle (va-t-elle) ignorer tout cela ? Pour répondre à cette question, plusieurs éléments doivent être pris en considération.

Un premier constat s’impose : après le résultat des élections européennes des 6-9 juin 2024 et la dissolution « ratée » immédiatement décidée par le président de la République, la France n’est plus en position de force au sein des institutions européennes, et peut pèsent moins facilement dans ce débat difficile et complexe. Dans les décisions politiques finales, la Commission européenne devra encore prendre ses responsabilités et prendre en compte les positions françaises et polonaises, au risque de renforcer l’euroscepticisme, voire d’accroître le rejet de la construction européenne.

Différents facteurs sont avancés en faveur de la conclusion de l’accord, notamment géopolitiques : – crise climatique ; – Guerre d’agression russe en Ukraine ; – montée du protectionnisme américain suite à l’élection de Donald Trump et risque de tensions commerciales ; – stratégie de « dérisquer » vers la Chine, en achetant des minerais stratégiques d’Amérique latine. La Chine pourrait également profiter des atermoiements européens pour renforcer ses positions commerciales avec les pays du Mercosur et prendre la place laissée vacante par l’UE. Un dernier élément à noter est que la France affiche un excédent commercial avec le Mercosur.

Pour parvenir à la conclusion de l’accord, la Commission européenne envisagerait de diviser l’accord avec le Mercosur en une partie politique (qui comprend par exemple des clauses de protection des investissements) et une partie commerciale, afin d’éviter la possibilité d’un rejet par un parlement national. . Une scission avec un parti commercial incluant des droits de douane, des quotas d’importation et des dispositions en matière de durabilité l’aiderait à contourner l’opposition de la France. Celui-ci pourrait être adopté à la majorité qualifiée par le Conseil de l’UE, sans nécessiter la ratification des parlements nationaux, alors qu’en principe c’est l’ensemble de l’accord qui est soumis à un vote unanime des Etats membres, donc un vote du Parlement Parlement européen. , ainsi que la ratification par les 27 États membres selon leurs procédures respectives (approbation par l’Assemblée nationale et le Sénat en France).

Enfin, selon des informations divulguées, la Commission tenterait tant bien que mal de convaincre la France de conclure malgré tout l’accord, en prévoyant la création d’un fonds de compensation pour les agriculteurs européens concernés par sa mise en œuvre, ce qui équivaudrait à une reconnaissance implicite de l’accord. caractère nocif pour certains produits agricoles européens. Il semble inapproprié que l’UE conclue des négociations sans un véritable élan politique, même si la situation géopolitique actuelle plaide certainement en faveur de leur conclusion.

Cet article a été rédigé avant la censure du gouvernement.

 
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