Lorsqu’un parent décède, on s’attend souvent à ce que le
frères et sœurs s’unissent en deuil. Mais dans la famille « S », l’harmonie n’a pas résisté à l’épreuve de la succession. À la mort de leur père, HS, le 25 avril 2007, quatre des enfants se sont retournés contre leur frère W., soulignant un «
avantage » ce qui, selon eux, a déséquilibré le
partage d’héritage. Pas de Ferrari, pas de chèque caché : leur grief portait sur le logement.
W. avait vécu dans un des appartements de leur père à bon prix en dessous des prix du marchéentre novembre 2003 et octobre 2015. Les calculs ont été prudents : sur ces douze années, cet avantage aurait représenté exactement 182 939,64 euros, comme le rapporte Capital. Pour les quatre autres, cette somme a dû être restituée successivementafin que chacun puisse revendiquer sa juste part.
Le logement familial au cœur d’un contentieux successoral
Mais l’affaire ne s’arrête pas là : cela hébergement à tarif préférentiel doit-il vraiment être considéré comme une donation du père à son fils W., et, à ce titre, entrer dans le calcul de l’héritage ? Entre règles juridiques et tensions familiales, cette querelle illustre comment l’héritage peut transformer une simple maison en pomme de discorde.
Le cour d’appel de Versaillesdans un jugement rendu le 22 mai 2022, a donné raison aux quatre frères et sœurs de W., apportant un éclairage juridique précis sur cette querelle familiale. Selon les juges, le fait que W. ait occupé l’appartement de son père à un loyer bien inférieur au prix du marché constitue don indirect. Le raisonnement est clair : si le père avait loué ce bien à un tiers au tarif habituel, il aurait pu gagner un revenu. En s’abstenant de le faire et en favorisant son fils, il a volontairement renoncé à cet enrichissement, démontrant une intention libérale. Cette décision reflète l’idée que l’acte du père n’était pas un simple geste pratique, mais une forme de
transmission anticipée des actifs.
Une notion de donation qui redessine les frontières de l’héritage
Le tribunal a ainsi établi que cette donation indirecte, perçue comme une avance sur succession, devait être réintégré dans la succession. Il serait alors compté pour permettre un partage équitable entre tous les descendants, conformément aux principes du droit successoral. Une conclusion qui, si elle éclaire les faits d’un point de vue juridique, permet d’entrevoir les tensions émotionnelles et les déséquilibres qu’une telle décision peut provoquer au sein de la fratrie.
Offrir un toit à moindre coût à son enfant, c’est ça
vraiment un cadeau ? C’est la question qui a troublé la fratrie « S » et déclenché des débats juridiques. Abasourdi de devoir inclure plus de 180 000 euros dans la succession de son père pour les partager avec ses frères et sœurs, W. décide de pourvoi en cassation. Et il a bien fait. Le 12 juin 2024, le Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, redéfinissant les contours de ce qui peut être considéré comme une donation dans un contexte successoral.
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Shutterstock La Cour de cassation a annulé l’intégration d’un avantage locatif dans la succession, redéfinissant les critères de la donation dans un contexte familial
Une définition stricte de la donation dans le cadre d’une succession
Pour les juges du plus haut tribunal judiciaire, deux
les critères sont essentiels pour qu’une prestation soit réclamée
en donation dans le cadre d’un héritage : il doit s’agir d’une «
cadeau » consenti par un parent à son enfant et, surtout, ce geste doit avoir « appauvri » celui qui l’a fait. Dans ce cas, si la paupérisation est indéniable – louer un bien immobilier à prix réduit implique une perte financière –, reste à déterminer si le geste était véritablement une générosité gratuite ou une aide nécessaire.
La Cour de cassation a statué. Héberger son fils, dont les revenus étaient modestes, à un tarif avantageux n’était pas ne constitue pas un donmais une forme de soutien vital, adapté aux circonstances. En l’absence de preuve claire d’une intention de don, le 180 000 euros en jeu ne pouvait pas être inclus dans l’héritage. W. en sort donc vainqueur, tandis que ses quatre frères et sœurs doivent renoncer à cette somme, laissant derrière eux un chapitre de famille où la loi savait
tempérer les rancunes.