(Sorel-Tracy) Audrey-Sabrina Gratton est morte brûlée vive en 2022. Parce qu’elle avait rompu avec son chum. Parce qu’elle était une femme. Un meurtre d’une barbarie indescriptible. En condamnant jeudi le meurtrier à la prison à vie, le juge a dénoncé la multiplication des féminicides 35 ans après le massacre de Polytechnique.
Ce que vous devez savoir
- Audrey-Sabrina Gratton a été brûlée vive par son ex en 2022 à Sorel-Tracy ;
- François Chapdelaine a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 18 ans ;
- La juge dénonce la multiplication des féminicides, 35 ans après Polytechnique.
«On voit que les féminicides – c’est de cela dont on parle – sont malheureusement encore très présents dans notre société. Le crime que vous avez commis est ignoble. Des violences atroces. Barbare», a insisté jeudi le juge de la Cour supérieure du palais de justice de Sorel-Tracy.
François Chapdelaine, 37 ans, a plaidé coupable jeudi à une accusation réduite de meurtre au deuxième degré. Il a ensuite été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 18 ans, résultat d’une proposition commune des avocats.
Audrey-Sabrina Gratton, 43 ans, a commencé à fréquenter l’accusé à l’été 2022. Leur brève relation a été ponctuée de ruptures. François Chapdelaine est un homme « désorganisé et paranoïaque ». Il consomme de la drogue au point d’être hospitalisé pour psychose.
La victime en a assez. Mi-juillet, elle a coupé tout contact et bloqué son numéro de téléphone. Mais François Chapdelaine n’abandonne pas. Selon les faits présentés à la Cour, il s’est comporté « avec la victime avec insistance et de manière inappropriée, ce qui n’a toutefois pas suscité de crainte chez elle ».
Le jour fatidique, François Chapdelaine a rempli des bidons d’essence dans son coffre. A la station-service, il demande à un ami s’il doit « attacher la victime pendant qu’il lui parle ». Son comportement est « bizarre et paranoïaque ». Il est alors visiblement « ivre et désorganisé ».
Vers 23 heures, François Chapdelaine arrive chez son ex. « Il est devant ma porte ! » Calice! Il veut régler ça», a écrit Audrey-Sabrina Gratton à une amie. Une minute plus tard, paniquée, elle appelle un ami de l’accusé. «Viens!» Il enfonce la porte ! Il est fou ! », crie-t-elle.
« C’est moi le malade ! » », crie François Chapdelaine en défonçant la porte. “Arrêt!” Arrêtez », crie la victime. Ensuite, l’horreur. François Chapdelaine asperge la femme d’essence. Lorsqu’il allume le feu, tout explose. Le corps de la victime a été retrouvé calciné. L’assassin a survécu en sautant par la fenêtre.
“Ma mère, elle ne méritait pas ça”
« C’est la façon la plus atroce de tuer quelqu’un. C’est littéralement une torture de brûler quelqu’un vif», a déclaré Trinity Gratton-Thériault.
Dans un témoignage poignant, la fille d’Audrey-Sabrina Gratton a craché tout son culot sur le « moins que rien » qui a tué sa mère.
« Avant de brûler ma mère vive, pensiez-vous que vous kidnappiez la mère de quelqu’un ? Avez-vous pensé à vos filles ? Avez-vous pensé si vous aimeriez qu’un homme fasse ça à vos filles ? », a affirmé la femme de 23 ans.
«Ma mère, elle ne méritait pas ça. Elle voulait t’aider à t’en sortir. Vous n’avez ni cœur, ni morale. J’espère que votre culpabilité vous rongera pour le reste de votre vie », a-t-elle poursuivi.
Trinity Gratton-Thériault venait de perdre son père lorsque sa mère, son pilier, lui a été enlevée. Son monde s’est alors effondré.
«J’ai perdu ma mère. La personne qui a fait les câlins les plus réconfortants. Celle pour qui j’étais sa plus grande fierté”, a-t-elle déclaré à la Cour.
La juge Blanchard a salué le « courage » et la « force » de Trinity Gratton-Thériault. « Humainement, je vous souhaite que le -, doucement, tranquillement, réussisse à mettre un baume sur la douleur et le chagrin que vous pouvez avoir », a déclaré le juge avec empathie.
Deux femmes ont également pris la parole pour dénoncer le meurtre « atroce » de leur meilleur ami. «Je ne te pardonnerai jamais. Sabrina, elle ne méritait pas ce que vous lui avez fait subir », a déclaré une femme.
François Chapdelaine, quant à lui, s’est caché dans le silence. «Il aurait été opportun d’exprimer, peut-être, une certaine empathie envers les victimes», a commenté le juge.
«Je vous encourage à suivre tout traitement qui vous aidera à devenir une meilleure personne. Et se débarrasser de cette haine. Cette colère. Cette vengeance. Ce qui vous a amené à commettre l’irréparable », a conclu le juge Blanchard.
M.e Marieke Sabeh et Me Geneviève Beaudin étaient les procureures au dossier, tandis que Me Antoine Dubreuil a défendu le contrevenant.