Oubliés depuis la fin de la guerre froide, les abris anti-atomiques ont refait surface dans l’actualité suite aux bouleversements de la guerre en Ukraine. Une chose est sûre : ces infrastructures de protection ne font pas vraiment partie de la culture française. Selon l’entreprise spécialisée dans la construction d’abris antiatomiques Artemis Protection interrogée par TF1, le pays ne compte qu’un millier environ de ces abris, dont 600 à usage militaire et 400 à usage privé. Au total, ils ne pourraient héberger que 4 % de la population française.
Cela n’empêche toutefois pas le pays de disposer d’un bon nombre de casemates, bunkers et autres blockhaus hérités des deux guerres mondiales. Le niveau de protection n’est pas garanti, mais ces biens atypiques attisent la curiosité des acheteurs. Et certains se vendent très bien, surtout lorsqu’ils sont situés sur le littoral. C’est ainsi que ce bunker à Erquy (Côtes-d’Armor) annoncé à près de 650 000 euros par le réseau Espaces atypiques s’est vendu au prix en 3 semaines. Un ensemble de trois abris dont un enterré, sans oublier un terrain en bord de mer de plus d’un hectare. « Il y a eu près de 150 demandes la première semaine et nous avons organisé près de 40 visites, explique Maryse Stourm, l’agent immobilier responsable de cette vente. D’ailleurs, si la vente actuelle devait échouer, j’aurais même une liste d’attente d’acheteurs.»
Histoire et vue
Les raisons de cet engouement ? « Ce type de bien attire une clientèle passionnée d’histoire et friande de biens atypiques, souligne Maryse Stourm. Et en plus, ici, on a une vue imprenable du Cap Fréhel jusqu’à l’îlot Saint-Michel au cœur d’un site préservé classé Natura 2000. » S’il est strictement impossible de créer la moindre surface supplémentaire dans ce site protégé, le lieu transformé en habitation de longue date a pu être entièrement rénové avant la vente. Autre bunker breton qui s’est vendu très vite, malgré des prestations très limitées : celui de Plouézec (Côtes-d’Armor). Située sur le port de Bréhec, elle ne dispose que de 7 m² et 1,85 m de hauteur sous plafond mais elle offre également une vue mer, un toit terrasse et peut presque faire office de cabane de plage, voire de micro. -résidence secondaire puisque ses propriétaires y dormaient parfois… Et surtout, elle était proposée au prix contenu de 16 500 euros. Là encore, ce bunker allemand sans eau ni électricité a suscité une très forte demande.
A l’inverse, les blockhaus présentant une situation moins exceptionnelle semblent plus difficiles à vendre. Ainsi, le bunker de 1915 situé à Montdidier, dans la Somme, cherche toujours preneur depuis plus d’un an. Cotée 45 000 euros par les « antiquaires du bâtiment » de l’agence Denniel Immobilier, cette étonnante construction allie brique et béton armé. Mais il faut reconnaître qu’au-delà d’un intérêt historique évident, la propriété laisse peu de place à l’agrément.
Dans un genre radicalement différent, le blockhaus d’Éperlecques (Pas-de-Calais) cherche également un repreneur. Cet ouvrage, présenté comme la plus grande construction de ce type dans le nord de la France, a été transformé par son propriétaire en un site touristique à succès accueillant 50 000 visiteurs par an. Hubert de Mégille, qui a fait vivre pendant 40 ans ce lieu de mémoire construit en 1943, envisage de passer le relais. Mais pour acquérir ce bunker de 75 mètres de long, doté d’un toit de 35 000 tonnes de béton armé de 5 mètres d’épaisseur, avec les 40 hectares de forêt qui l’entourent, il faudrait un budget d’au moins 2 millions d’euros. …
Situé en ville
Parfois, ces refuges sont également situés au cœur des communautés, voire des villes, et peuvent être plus facilement habitables. C’est le cas de la maison Mauger, à Bénouville, tout près de Pegasus Bridge, haut lieu du Débarquement. Cette résidence, propriété de la commune depuis 20 ans, regroupe une maison de 160 m², un garage, 731 m² de jardin dans lequel se trouve un bunker. Estimé 340 000 euros par France Domaine, ce bien atypique vient d’être vendu 272 300 euros. Proposé à un prix bien supérieur, soit 786 000 euros, ce cottage de 109 m² situé sur la commune de Guérande est simplement niché sur un bunker de 400 m² réparti sur deux niveaux, qui permet d’introduire des véhicules ou d’effectuer du stockage en attendant un nouvel acquéreur pour repenser l’usage des lieux.
Quant au petit bunker du numéro 7 de la rue Bossuet, au cœur de Brest, il devrait lui aussi changer de mains pour être transformé en habitation. Son propriétaire depuis 33 ans, qui a confié à Ouest-France que ce type de bien est “plus ennuyeux qu’autre chose” Je l’ai mis en vente cet été. Profitant de la levée des mesures interdisant toute construction à cet endroit, il espère que ce blockhaus planté entre deux maisons pourra bientôt être transformé en habitation.