Après des années d’enfer, Cindy s’affranchit de l’emprise de son proxénète pour le traîner devant la justice, où il écope de cinq ans de pénitencier. « J’ai gagné », résume celui pour qui la procédure judiciaire était salvatrice.
«Je n’étais plus la petite victime qui pleurnichait dans un coin, qui était obsédée par lui. Non, j’étais une autre femme. J’y suis allé la tête haute. J’étais fière de moi de l’avoir affronté », dit-elle.
Cindy, qui dénonçait son proxénète, propose désormais soutien et conseils aux femmes exploitées sexuellement.
Photo Agence QMI, Joël LEMAY
Il a fallu des années avant que Cindy dénonce celui qu’elle considérait comme son conjoint. A 17 ans, la jeune femme tombe amoureuse de cet homme qui lui vend « le rêve ».
Une chose en a entraîné une autre et son « petit-ami » l’a amenée à commettre de petites fraudes. Cela leur permettrait d’avoir rapidement une maison et une voiture, lui dit-il.
Mais son amant est arrêté et Cindy se retrouve seule. Elle a commencé à craindre pour sa sécurité et celle de sa famille, car le couple devait payer une dette. Sans recours, elle se lance dans l’industrie du sexe, en tant que danseuse érotique.
« Nous étions une équipe. Et moi, dans ma tête, j’étais amoureux. Donc je ne le faisais pas pour lui, je le faisais pour nous. Pour payer la dette», raconte-t-elle.
Cindy reste dans la communauté, même lorsque son petit ami sort de prison. L’argent rentre vite, mais sort tout aussi vite, notamment à cause de sa consommation. La violence s’installe au sein du couple. A tel point que suite à une attaque particulièrement virulente de la part de son compagnon, la jeune femme, qui craignait pour sa vie, s’est enfuie pour travailler dans une autre ville.
Cindy, qui dénonçait son proxénète, propose désormais soutien et conseils aux femmes exploitées sexuellement.
Photo Agence QMI, Joël LEMAY
Là, elle connaît une véritable descente aux enfers, particulièrement marquée par une consommation excessive. Après quelques semaines, elle trouve refuge chez sa mère, où commence sa reconstruction. Jusqu’à ce qu’elle vienne porter plainte. Pour elle, oui. Mais surtout pour protéger la prochaine fille qui croisera la route de son ex.
« Il aurait fini par battre sa prochaine blonde, que ce soit la fille qui travaillait pour lui ou sa vraie petite amie. Il aurait fini par en tuer un”, plaide-t-elle.
Reprenez votre pouvoir
Cindy se souvient des trois jours de procès. La procédure judiciaire n’a pas toujours été facile. Mais elle se sentait forte et en pleine possession de ses moyens.
«J’ai repris mon pouvoir. Et ce sentiment d’avoir gagné contre votre bourreau est le meilleur des sentiments. Quand vous entendez « Coupable ». Waouh ! », conclut-elle.
La jeune femme peut désormais avancer et respirer à nouveau. Elle a étudié et travaille maintenant dans le domaine de la santé, en plus d’accompagner et de soutenir des personnes exploitées sexuellement.
Pas « une reine »
Pour ceux qui seraient tentés de se lancer dans l’industrie, Cindy les prévient.
« Quand on entre dans le monde de la prostitution, notre estime monte en flèche. Nous pensons vraiment que nous sommes une reine. Mais on se détruit assez vite», relativise-t-elle.
L’importance de la prévention
La prévention est la clé pour lutter contre l’exploitation sexuelle, conviennent les experts, qui proposent des formations sur le phénomène dès la sixième année du primaire.
« Le phénomène de vouloir gagner de l’argent facilement sera toujours là. L’attrait du profit facile sera toujours là. Il faut continuer à parler à nos jeunes et à nos adultes», affirme Frédéric Martineau, commandant du Service de police de la ville de Montréal (SPVM).
Au Projet Intervention Prostitution Québec, la préventionniste Marie-Manuelle Moya-Rousseau rencontre des étudiants, notamment en techniques policières, pour démystifier les mythes liés à la prostitution et mieux comprendre le phénomène.
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUÉBEC
À ce jour, l’équipe de l’Equipe Intégrée de Lutte contre le Proxénétisme (EILP) a formé quelque 12 000 personnes, des partenaires tels que des médecins, des enseignants et des psychologues, entre autres.
« Nous devons continuer à ne pas banaliser l’exploitation sexuelle. Nous devons continuer à comprendre que la sexualité ne peut pas être échangée. J’espère qu’un jour cela diminuera. Cela va diminuer. Mais il faut continuer la prévention», affirme le commandant Martineau.
Conseils aux parents
Les experts donnent tous le même conseil aux parents qui soupçonnent ou découvrent que leur enfant s’est lancé dans l’industrie du sexe : restez en contact.
« Restez en contact avec vos enfants, restez connecté, restez dans leur vie […] Même s’il est minime, c’est ce lien qui, à un moment donné, fera en sorte qu’on puisse ramener la personne dans sa famille», affirme l’inspectrice Marie-Manon Savard, du Service de police de la Ville de Québec.
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUÉBEC
Et en amont, il est important que parents et proches restent vigilants.
“S’intéresser à qui ils fréquentent, qui ils voient sur les réseaux sociaux, quelles sont leurs habitudes de vie sur les réseaux sociaux, c’est très important”, ajoute-t-elle.
Panneaux d’avertissement
Divers signes peuvent laisser croire qu’un jeune tombe dans l’industrie du sexe et est victime d’exploitation sexuelle.
Cette liste présente différents signes à surveiller, selon les différents experts interrogés pour les besoins de ce rapport. Ces signes avant-coureurs ne sont pas exhaustifs et, pris isolément, peuvent indiquer autre chose qu’une exploitation sexuelle.
- Un changement d’attitude chez le jeune, une baisse de l’estime de soi.
- Un jeune qui se retire s’isole davantage dans sa chambre.
- Ne répondez pas au téléphone devant les parents.
- Avoir un nouvel entourage, de nouveaux amis qu’on ne ramène pas à la maison.
- Baisse des résultats scolaires, absences injustifiées à l’école
- Absences répétées du domicile, moins de transparence sur les allées et venues
- Un changement de style vestimentaire, d’apparence (faux ongles, faux cils, maquillage…)
- Une attirance pour l’argent, le luxe.
- Un changement de langage.