Le mardi 2 août 1988, la mère de Nathalie déjeune avec sa fille à midi, à Villefontaine, au nord de l’Isère. Le soir, surprise de ne pas voir revenir l’étudiante de 15 ans, elle alerte la police. Les enquêteurs de Grenoble, Vienne et La Verpillière sont mobilisés. Le corps de la jeune femme a été retrouvé mercredi matin, sur un chemin de la commune de Saint-Quentin-Fallavier, à 800 mètres à vol d’oiseau de l’appartement familial, non loin de la ligne ferroviaire Lyon-Grenoble. Sa gorge a été sauvagement dépecée. Sa mère l’identifie immédiatement. Selon les gendarmes chargés de l’enquête, cités à l’époque dans des dépêches de l’AFP, « la blessure mortelle a été causée par un poignard ou une arme à large tranchant. »
Trente-six ans plus tard, un homme a été arrêté lundi en Côte-d’Or, soupçonné d’être impliqué dans deux “cold cases”. Le meurtre de Nathalie Boyer en 1988 et celui de Leila Afif, retrouvée abattue à La Verpillère (Isère) en 2000. Après 36 ans de brouillard, “C’est fantastique, parce qu’on a accès à un morceau de vérité et en même temps ça ravive beaucoup de souffrance” a confié l’avocate de la famille Boyer, Maître Corinne Herrmann, après avoir appris cette arrestation. Qui était Nathalie Boyer ? Qu’ont alors dit les journaux sur l’enquête qui a suivi sa mort ? France Bleu a fouillé dans les archives qui racontaient l’histoire.
Calme, bonne élève, assez grande pour son âge
Originaire de La Réunion, la jeune femme est décrite comme calme, bonne élève et assez grande pour son âge. Au début, les gendarmes pensaient même avoir affaire à une femme plus âgée, au moins d’une vingtaine d’années. À l’époque, Nathalie Boyer fêtait son anniversaire avec un mois d’avance. Il n’a que quinze ans et vit dans une famille d’accueil. Début août, il retourne chez sa mère à Villefontaine, pour les vacances, et retrouver son frère et ses deux sœurs cadettes. Mardi, elle a passé une partie de l’après-midi dans l’appartement familial et vers 17h30, elle est descendue dans la cour de son immeuble. “voir les amis”.
Elle est vue pour la dernière fois par des amis dans son quartier de la Pivolière, avant de disparaître. De là, les enquêteurs ont perdu sa trace. Selon l’Agence France Presse de l’époque, les gendarmes étaient sûrs de deux choses : « l’endroit où le corps de Nathalie a été retrouvé,[…] ce n’est pas celui où elle a été tuée puisqu’ils n’ont pas trouvé de traces de sang sur le sol”. De plus, les mobiles criminels et sexuels sont exclus : Nathalie n’avait pas d’argent sur elle au moment du meurtre et, selon l’autopsie, l’adolescente n’avait pas d’argent sur elle. “il n’a pas subi d’abus sexuels”. Selon les gendarmes, Nathalie a probablement été saisie sous les aisselles et traînée sur plusieurs centaines de mètres, car une de ses chaussures n’a pas été retrouvée.
Ni motif sexuel ni mauvais
Selon les archives du journal que nous avons consultées, un ami de Nathalie affirme qu’elle a été tuée “parce qu’il savait des choses sur les gensCette piste, prise au sérieux, va conduire à l’arrestation d’un couple de voisins, accusés d’avoir projeté des films pornographiques devant des adolescents – dont Nathalie – et même d’avoir violé l’un d’entre eux. Mais leurs agendas les débarrassent de la mort de Nathalie. .
Puis, faute de nouvelles informations, l’enquête s’est arrêtée et le dossier a été classé en 1993. Il a été rouvert en 1994 lorsqu’un homme de 32 ans, citoyen algérien, a été arrêté en août près de Manchester, en Angleterre. Le 10 mai 1994, les journaux Aujourd’hui en France et Soirée en France ils racontent comment il a tenté d’entrer en Grande-Bretagne avec de faux documents et comment il a gardé dans son portefeuille une coupure de journal d’il y a six ans consacrée à la mort de Nathalie. Placé en détention provisoire, il a finalement été libéré cinq mois plus tard. Le soir du meurtre, il disposait d’un solide alibi : il travaillait dans un hôtel britannique.
De l’ADN retrouvé dans deux affaires non résolues
En septembre 2022, le dossier est repris par la cellule Crimes en série et non résolus, basée à Nanterre et créée plus tôt la même année. Deux ans plus tard, le 25 novembre 2024, un suspect est interpellé à Dijon (Côte-d’Or) et placé en garde à vue. Il avait une soixantaine d’années, son ADN a été retrouvé sur les scellés d’une autre affaire : le meurtre d’une mère, Laïla Afif, tuée en 2000 à La Verpillière, à quelques kilomètres de la maison de Nathalie. Il devrait comparaître dans les prochains jours devant la juge d’instruction Sabine Khéris, chargée des dossiers non résolus au centre de Nanterre. Pour, peut-être, enfin savoir ce qui s’est passé le mardi 2 août 1988, il y a trente-six ans.