Chaque jour, après son travail de nourrice, Bracha, 18 ans, vient avoir
la petite colonie d’Eli Aza, située à la frontière nord de la bande de Gaza. Avec une poignée de sionistes religieux radicaux et quelques adolescents perdus, elle attend que l’armée israélienne l’autorise à entrer dans l’enclave palestinienne dévastée. Pour s’y installer.
Notre destin est de vivre sur toute la terre qui nous a été promise [par Dieu]. Et puis il n’y aura pas de sécurité en Israël tant que nous n’aurons pas repris Gaza
dit-elle, répétant mot pour mot le refrain des dirigeants des implantations israéliennes depuis le 7 octobre 2023.
A quelques kilomètres au sud, 2,3 millions de Palestiniens, dont 80 % sont déplacés, font face à un deuxième hiver de misère. Chaque jour, plusieurs dizaines de Gazaouis meurent et alourdissent le bilan (44 000 morts) de quatorze mois d’une guerre qui n’en finit pas.
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Exclure Unrwa
Depuis plusieurs semaines, les généraux israéliens insistent, de plus en plus ouvertement, sur la défaite militaire du Hamas. Que seules des négociations sont susceptibles de ramener en Israël les 101 otages (dont la moitié serait morte) toujours détenus par le Hamas et le Jihad islamique.
Mais qui parle de négociations, parle de cessez-le-feu et du lendemain. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne souhaite pas aborder le sujet. La poursuite de la guerre évite de rendre des comptes pour l’échec sécuritaire et les massacres du 7 octobre 2023 (1 200 Israéliens tués), sur lesquels les Israéliens attendent toujours des réponses. La guerre retarde également la conclusion des procès pour corruption contre lui.
Pour tromper, notamment vis-à-vis des États-Unis, Netanyahu affiche sa volonté de résoudre le problème de l’aide humanitaire, en la sous-traitant à des entreprises privées, y compris pour ses aspects sanitaires ou sécuritaires. Cela permettrait d’exclure l’UNRWA, l’agence onusienne dédiée aux réfugiés palestiniens, et les ONG indésirables.
Et puis? Que deviendrait Gaza ? Le gouvernement Netanyahu persiste dans son refus de confier la gestion du territoire à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui contrôle les grandes villes de Cisjordanie occupée. La perspective d’une occupation prolongée se profile. D’ailleurs, faute d’ordres clairs, l’armée agit dans ce sens.
Couloirs fortifiés
Une partie importante du tissu urbain très dense a été rasée. Premièrement, créer une zone tampon d’un kilomètre de profondeur le long des 59 kilomètres de frontière du territoire avec Israël. Ensuite, l’armée a coupé la bande de Gaza avec trois couloirs
routière et fortifiée, jusqu’à la Méditerranée : la première longe la frontière avec l’Egypte ; les deux autres au nord et au sud de la ville de Gaza. Cette dernière, appelée Netzarim, du nom d’une ancienne colonie, ne possède un couloir que de nom. Large de quatre kilomètres, il occupe 15 % du territoire…
Soutenu par les colons et les ministres d’extrême droite, murmuré en coulisses mais démenti par Netanyahu, le plan d’après-guerre verrait la création de zones fermées aux Palestiniens, débarrassées de tout groupe armé, sous le contrôle d’entreprises de sécurité privées. Conditions idéales pour la recolonisation. Il est possible de conquérir Gaza et de réduire la population [palestinienne] de moitié [par une émigration]
» a lancé le ministre des Finances Bezalel Smotrich le 25 novembre, lors d’une réunion de Yesha, le Conseil de colonisation en Cisjordanie.
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Le sujet reste tabou, mais l’opposition, affaiblie, peine à proposer une alternative. Cela rend la vision des colons de plus en plus puissante. En février, quarante familles étaient prêtes à s’installer à Gaza dans la minute
a déclaré Daniella Weiss, 79 ans. La matriarche historique du mouvement des colons en revendique aujourd’hui 740. Défiant les ordres de l’armée, elle a déclaré aux journalistes de la Treizième chaîne israélienne qu’elle était allée à Gaza pour effectuer une reconnaissance.