Ces motivations ne sont pas anodines. Pour rappel : le projet Montagne d’Or est devenu l’emblème des polémiques autour de l’exploitation minière industrielle en Guyane française. Ses défenseurs soulignent les améliorations qu’apporterait une exploitation professionnelle et moderne par rapport à l’orpaillage, souvent illégal, pratiqué sur le territoire. Tandis que les opposants soulignent que les dommages environnementaux ont été décuplés simplement en raison de l’ampleur des installations industrielles et des dommages spécifiques causés par l’exploitation de l’or et l’utilisation du cyanure.
Si un recours au Conseil d’Etat est encore possible, le débat semble désormais tranché par la justice française. L’aboutissement d’une longue bataille judiciaire, depuis l’extension des deux concessions concernées – « Elysée » et « Montagne d’Or » – initialement attribuées en 1946 et 1948, avant d’arriver à son terme fin 2018, est passée récemment années de tribunal en tribunal. Alors que la Compagnie Minière Montagne d’Or commençait par gagner son combat contre une décision implicite de non-renouvellement du gouvernement français de l’époque, une décision du Conseil d’État fin 2023 rebattait les cartes à partir d’un nouveau dossier. loi du Conseil constitutionnel, datant de 2022. Celle-ci impose à l’administration de prendre en compte les impacts environnementaux des projets miniers (et non plus seulement la capacité financière et technique du porteur du projet) avant de les prolonger.
C’est ce revirement dont les effets se font sentir dans la décision du tribunal de Bordeaux du 26 novembre, qui met en avant les risques pour les espèces protégées malgré les nombreuses mesures de compensation et d’atténuation prévues dans le projet… « C’est une victoire », réagit par mail Nolwenn Rocca , avocat et coordinateur de l’association Guyane Nature Environnement, pour qui cette décision « ouvre la voie jurisprudentielle à l’annulation des projets miniers sur la base de la protection de l’environnement ».
Départ des grands mineurs ?
Au-delà de l’aspect juridique, la décision fragilise un projet déjà en très mauvais état. Les deux entités initialement présentes dans la société minière Montagne d’or – le russe Nordgold, majoritaire, et le canadien Orea Mining – sont absentes depuis un an. La première en raison des sanctions qui ont suivi la guerre en Ukraine, qui l’empêchent d’agir en Guyane. La seconde parce qu’elle a fait faillite début 2024, après l’échec d’une tentative (en raison d’un blocage du Canada) de rachat des parts de Nordgold dans le projet.
Une entreprise mongole de construction et d’ingénierie, Hexagon Build Engineering, a racheté cet été les actions d’Orea devant le tribunal de commerce, mais n’a pas dévoilé ses projets. Sur place, plusieurs observateurs constatent que l’activité semble s’être arrêtée et que la Société minière Montagne d’Or n’a plus de représentation en Guyane… En 2021, NordGold avait engagé un contentieux arbitral contre la France qui, selon France Nature Environnement, a repris cette année. .
«C’est le début du deuxième projet de mine industrielle de Guyane», note un bon connaisseur du secteur, en référence au départ du numéro 1 mondial de l’or, Newmont, du projet Espérance (parfois appelé « Montagne d’or bis »), révélé par le média France Guyane au départ. de l’année. Alors que de nombreux projets miniers industriels sont réalisés dans les pays voisins du Suriname et de la Guyane, avec une géologie similaire et une réglementation moins stricte, il ne reste quasiment que de petites exploitations en Guyane française. Seul Auplata Mining, groupe français coté à la Bourse de Paris, reste encore actif de manière semi-industrielle, via l’exploitation du gisement alluvionnaire et l’usine de cyanuration de Dieu-Merci, la seule en Guyane.
Cette dernière poursuit son activité, qu’elle assure aux meilleurs standards environnementaux, et a produit 164 kilos d’or brut au premier semestre 2024. Mais Auplata Mining est en conflit judiciaire pour obtenir l’extension de ses concessions – contesté par Guyana Nature Environnement. qui craint notamment un risque pour la réserve nationale adjacente de la Trinité en cas de rupture du barrage – et doit fournir de nouvelles informations à l’Autorité environnementale d’ici juillet 2025. Le groupe a également obtenu, en août, une nouvelle permis d’exploitation pour une zone située dans la ville de Saint-Elie, non loin de son usine.