le cœur ainsi que la rigueur

le cœur ainsi que la rigueur
le cœur ainsi que la rigueur

La journaliste indépendante Marine Vlahovic est décédée à l’âge de 39 ans à Marseille. Ses documentaires sonores, notamment sur la Cisjordanie, rayonnaient d’humanité.

De 2016 à 2019, Marine Vlahovic était correspondante à Ramallah (Cisjordanie) pour la radio publique francophone. Il a également réalisé des podcasts pour Arte Radio. Radio ART Photo

Par Élisa Racque

Publié le 28 novembre 2024 à 17h11

Mis à jour le 28 novembre 2024 à 17h28

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NOn connaît Marine Vlahovic pour ses documentaires sonores, joyaux du journalisme qui brillaient un peu plus que les autres grâce à l’authenticité pure et évidente de leur auteur. Le corps sans vie de la journaliste indépendante de 39 ans a été retrouvé sur le toit-terrasse de son domicile à Marseille, dans la matinée du lundi 25 novembre. L’autopsie ordonnée par le parquet de Marseille permettra d’établir les circonstances de son décès.

Après avoir enquêté de manière approfondie sur la mort du militant écologiste Rémi Fraisse (tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens), Marine Vlahovic est devenue correspondante à Ramallah, en Cisjordanie. Entre 2016 et 2019, elle a couvert l’actualité du Moyen-Orient pour la radio publique francophone. Une expérience qu’il raconte sans détour, avec recul et un œil critique, dans sa belle série de podcasts Carnets à stylo produit par Arte Radio, et couronné du prix Scam 2021 du meilleur documentaire.

Microphone livré à des collègues à Gaza

Dans le dernier épisode intitulé Gaza appelle, Publié en ligne cette année, il raconte ses tentatives désespérées pour rejoindre la bande de Gaza, où ses amis journalistes et leurs familles risquent la mort sous le feu israélien. Bloquée au Caire depuis de nombreuses semaines, elle est toujours restée en contact avec eux, leur envoyant des mots de réconfort et des colis de matériel professionnel ou de médicaments. Ces milliers de messages, ces centaines d’heures d’appels transmis avaient donné une rare visibilité au travail de ses confrères de Gaza. « Créer un podcast sur des personnes qui pourraient mourir à tout moment est très difficile » il nous a dit. Il avait récemment fait tout son possible pour aider l’un d’eux et sa femme à avoir un avenir plus sûr.

Nous perdons, le journalisme perd, le monde perd une personne extrêmement brillante et sincère.

Benoit Bouscarel, ancien journaliste de Culture

Dans un texte publié mercredi 27 novembre, l’équipe d’Arte Radio rappelle «Son enthousiasme et sa générosité» et “son grand rire rauque”. Certaines personnes la surnommaient parfois “Faisons mariner la voiture”, un hommage à son travail acharné, mais Marine Vlahovic était tout sauf une machine. Dans Gaza appelle, elle a su, magistralement, entrelacer professionnalisme et amitié, offrant les tremblements de sa voix au micro, son cœur ainsi que sa rigueur, ce supplément d’âme qui ne lui permettait pas toujours les impératifs des journaux radiophoniques qu’elle avait lorsqu’elle était correspondant. Benoît Boucarel, qui commandait alors des reportages pour France Culture en tant que rédacteur du week-end de la station, reste marqué par la sincérité et la sensibilité de son confrère. «C’était du pur journalisme, du pur être humain aussi. Nous perdons, le journalisme perd, le monde perd une personne extrêmement brillante et sincère. » Cette semaine, il a incarné les étudiants de Clermont-Ferrand qui lui ont fait découvrir les bases de l’information. Appel à Gaza“une démonstration de tout ce que je leur explique sur l’importance du journalisme dans le domaine”.

Pour la première fois en quinze ans de métier, dégoûtée notamment par le traitement réservé par les médias français à Gaza, Marine Vlahovic n’avait pas demandé le renouvellement de sa carte de presse. Mais elle ne s’est pas arrêtée“écouter le monde”, comme il l’a dit. « Entre deux cigarettes, deux rires, deux éclats, il avait une vision très claire du journalisme, qu’il regardait d’un œil critique mais bienveillant, souligne Benoît Boucarel, qui a continué à travailler avec elle ces dernières années. Pour elle, c’était un métier humain, pas un métier technique. » Chaque seconde de ses documentaires le prouve.

 
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