Elad marche dans le centre-ville, un peu hésitant, comme quelqu’un qui s’aventure dans une eau encore trop froide. « C’est généralement très animé ici. Mais depuis un an, c’est vide. Et je me suis habitué à ce silence »», raconte ce charpentier de 39 ans, qui explore Kiryat Shmona mercredi 27 novembre, premier jour du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.
Ville de 25 000 habitants située au nord de l’Etat hébreu, à 2 kilomètres de la frontière libanaise, elle fait partie de la zone laissée par 60 000 Israéliens, évacués à partir du 8 octobre 2023, lorsque le Hezbollah a attaqué Israël, « en solidarité avec les Palestiniens »suite au massacre perpétré par le Hamas la veille, aux environs de Gaza.
Depuis, Kiryat Shmona n’a pas été abandonnée, mais vit dans une forme de temps suspendu, en attente d’être réveillée par le retour de ses habitants. Pendant quatorze mois, le Hezbollah a lancé des roquettes sur une ville devenue militarisée. Les soldats israéliens séjournent dans les écoles de la ville et garent leurs véhicules dans l’un des principaux centres commerciaux.
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Fort de corpulence, cheveux bruns, Elad, qui ne veut pas donner son nom de famille, vit dans le kibboutz de Kfar Szold, à dix minutes de route, en dehors de la zone évacuée ; il a fini par reconnaître les effets d’une roquette tombée la veille, dans ce quartier où ses grands-parents possèdent un appartement. Le projectile a fait exploser certaines vitrines du centre commercial et laissé des éclats dans plusieurs bâtiments. En contrebas, des voitures se précipitent sur la route principale, déserte et mouillée. Dans ces premières heures du cessez-le-feu, aucune trace du retour des habitants évacués.
Le bruit des outils de jardinage
Elad venait souvent, pendant ces quatorze mois de guerre, voir l’état de la ville. «J’entrais, je sortais. Mais cette fois je reste un peu plus longtemps. Nous verrons si le cessez-le-feu tient. Mais je ne pense pas que l’on puisse faire beaucoup mieux. Ce n’est pas seulement Israël qui décide. Nous ne sommes pas seuls dans la région. J’espère en tout cas que c’est le début d’un processus qui permettra le retour des déplacés”dit Elad avec un demi-sourire.
La fusée a épargné l’appartement de ses grands-parents. Il y entre pour la première fois depuis quatorze mois. Tout va bien. L’électricité fonctionne. Il n’y a eu aucune fuite. C’est comme si les locataires avait quitté le logement la veille. Soudain, de l’autre côté de la crête surplombant Kiryat Shmona, des rafales de mitrailleuses lourdes résonnent. Mais cela ne suffit pas à effacer le demi-sourire d’Elad. Les rafales s’arrêtent et, bientôt, d’autres bruits prennent le relais, ceux des outils des jardiniers venus tailler les haies et ramasser les feuilles. Non pas en vue d’un éventuel retour, mais dans le cadre d’un entretien régulier, explique Mohammed Higazi, un habitant de Tamra, une ville voisine où vivent 35 000 Palestiniens d’Israël. Il souhaite simplement le retour de la paix, et surtout de l’ordre public, au sein d’une communauté arabe dévorée par une criminalité endémique, que les autorités israéliennes laissent prospérer.
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