Les Français binationalistes s’étonnent que le RN veuille leur interdire l’emploi

Les Français binationalistes s’étonnent que le RN veuille leur interdire l’emploi
Les Français binationalistes s’étonnent que le RN veuille leur interdire l’emploi

« Blessés » et « inquiets » : des Français d’une autre nationalité, de profils différents et se considérant pleinement Français, manifestent leur étonnement après la proposition de campagne du parti d’extrême droite RN de les interdire d’emploi et dénoncent un possible « précédent de discrimination ».

« Je me sens touché en tant que double national et produit de la République française : même si je suis franco-malien, je dois tout à la France, je ne dois rien au Mali à part mes origines familiales, le Mali ne m’a pas éduqué ; je me sens français avant tout », confie d’une traite à l’AFP le blogueur Samba Gassama, 37 ans.

« Entendre les Français me rejeter est blessant, confie-t-il.

Lors de sa campagne pour les législatives, le Rassemblement national (RN), en tête des intentions de vote, avait affirmé vouloir « empêcher » les binationaux d’occuper des « emplois extrêmement sensibles », par exemple les binationaux russes pour des « postes de responsabilité stratégique ». direction en défense.

En janvier, le RN avait déjà déposé une proposition de loi prévoyant la possibilité d’interdire l’accès aux emplois des administrations et entreprises publiques aux Français ayant une autre nationalité.

Ainsi, 3,3 millions de Français pourraient demain se voir refuser l’accès à un emploi, selon les estimations du syndicat CFDT.

Lors d’un débat télévisé mardi, le Premier ministre Gabriel Attal a accusé le président du RN Jordan Bardella d’hypocrisie et d’avoir une représentante franco-russe, Tamara Volokhova, à un poste sensible au Parlement européen, en contradiction avec la proposition du RN.

En France, la double nationalité n’empêche pas l’accès aux emplois du secteur public.

“Il existe des réserves de nationalité dans pas mal de régions”, explique à l’AFP Patrick Simon, démographe à l’Institut national d’études démographiques (INED). « Les ressortissants de pays tiers ont des limites ; il existe des restrictions supplémentaires pour les professions dans les domaines régaliens comme la sécurité et la défense notamment.

« Toutefois, les binationaux ne font pas partie des personnes soumises à ces restrictions car ils sont nominalement et pleinement français », souligne-t-il. « Ce que le RN entend étendre, c’est considérer que les binationaux ne sont pas des nationaux de plein droit ; c’est évidemment dangereux.

« Une grande souffrance »

Il faut remonter aux années 1930 pour retrouver la mise en place de restrictions pour les personnes naturalisées. A la Libération, ces lois ont pour la plupart disparu.

Dans une chronique publiée mardi dans le journal Le mondeMohamed Bouabdallah, diplomate de carrière et double national, dit éprouver « une grande souffrance du fait que la loyauté des doubles nationaux puisse être ainsi mise en cause ».

« Nous sommes des milliers de doubles nationaux […] « d’occuper des postes de direction dans l’appareil d’État, y compris des postes dits « sensibles » », souligne-t-il.

Selon lui, « le RN s’inscrit dans la lignée du régime raciste de Vichy » […] En 2024, ce ne seront plus les Juifs (leur tour viendra), mais les Arabes et les musulmans.»

Les binationales interrogées – qui se disent par ailleurs profondément attachées à leur autre nationalité – avouent pour le moins éprouver un sentiment de malaise et d’incompréhension, voire d’injustice, face à cette proposition du RN.

“C’est une insulte à tous les binationaux”, réagit Amayas Allam, 24 ans, franco-algérien et étudiant dans une grande école de commerce, qui s’alarme du fait qu’un certain nombre de Français soutiennent ce type de mesure.

« Ce qui me fait peur, c’est le précédent de discrimination entre Français que cela créerait », ce qui pourrait « ouvrir la porte » à d’autres mesures visant les binationaux sur « l’accès aux soins, aux services publics, etc. »

« Je ne comprends pas cette démarche du RN », déclare Nadjet Aviles, 58 ans, enseignante dans un lycée, qui se dit « inquiète en tant que Franco-Algérienne ». « C’est complètement stigmatisant pour les doubles nationaux ; Je me suis posée la question de savoir si je commençais à faire mes valises, même si je vis en France depuis 34 ans, mes enfants sont nés ici… », pleure-t-elle.

Rodrigo Arenas, député franco-chilien LFI-Nupes (gauche radicale), arrivé en France en 1978 à l’âge de 4 ans avec ses parents qui fuyaient la dictature de Pinochet, ne s’emporte pas non plus. Cette proposition est “une bêtise pragmatique, politique, stratégique, qui ne répond à aucun besoin et est au contraire contraire aux intérêts de la France”, a-t-il déclaré à l’AFP.

« L’Assemblée nationale, le Sénat et même les ministères sont parfois occupés par des personnalités politiques qui sont de nationalités différentes. C’est l’histoire de ce pays ! », insiste-t-il.

Une émotion partagée par les plus jeunes binationaux.

Emily, une Franco-Britannique de 17 ans vivant en Bretagne, dit ressentir de la « peur ». “J’ai déjà eu des commentaires de gens qui ne sont pas très gentils par rapport à ma nationalité britannique, mais ça, c’est juste à l’école, alors que si ce sont des gens qui ont potentiellement été à la tête de l’Etat et qui ont mis en place des lois, c’est beaucoup plus grave. …».

La chanteuse franco-malienne Manda Sira, 30 ans, s’émeut d’une proposition « lunaire ». « C’est une façon de toujours créer des différences et des inégalités là où, au contraire, on se bat pour avancer et pour les effacer… », critique l’artiste, qui « s’alarme » de l’idée d’une « classification des Français qui auraient plus de valeur ou de droits ».

Ces binationaux espèrent que le Conseil constitutionnel français s’opposera à une telle proposition, ou refusera « d’y croire ».

Olga Prokopieva, Franco-Russe arrivée en France en 1995 et présidente de l’association Russie-Libertés, se sent « beaucoup plus française que russe aujourd’hui ». « J’ai fait toutes mes études et ma vie ici, ma fille a aussi la double nationalité ».

Elle juge « impensable » d’être privée de « certains de (ses) droits et possibilités ». « C’est un retour en arrière très inquiétant », dit-elle. « Peut-être que le choc sera terrible après les législatives, mais pour l’instant je préfère ne pas y croire ».

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