Paul St-Pierre Plamondon a réussi, la semaine dernière, à remettre la question du wokisme au centre de l’actualité. Mais il n’y serait pas parvenu si ses critiques n’avaient pas reflété le profond mécontentement de la population, qu’il a su exprimer avec force. Combien ont fait l’autruche pendant des années avant de reconnaître aujourd’hui que ce mouvement, que j’ai décrit dans mon livre La révolution racisteen 2021, d’un virus idéologique, dévore les sociétés qu’il contamine, les faisant tomber dans une forme de névrose collective ?
Définissons le Wokisme : Le Wokisme repose sur une vision paranoïaque de la civilisation occidentale, qu’il assimile à un complexe néocolonial de systèmes discriminatoires (racisme, sexisme, hétéropatriarcat, etc.) qui poussent à la répression des minorités ethniques et sexuelles à travers une série d’incitations. à la haine phobique, au service de l’homme blanc hétérosexuel, qui en serait le fondateur et le bénéficiaire exclusif. Cette vision prend la forme d’une révélation religieuse inconsciente d’elle-même, convaincue qu’elle incarne le bien, et surtout convaincue que ceux qui s’y opposent sont dans le mal absolu.
J’ai parlé d’une révélation religieuse. En effet, le Wokisme, comme son nom l’indique, est une doctrine d’éveil, qui doit nous libérer de notre sommeil dogmatique occidental. Celui qui se libère de cette illusion découvre alors un monde si horrible qu’il est souvent saisi de tremblements – et je ne dis pas cela seulement dans un sens pictural, car nous avons tous vu des réveils, qu’on aime piquer en les appelant cheveux bleus, tombant dans l’hystérie lorsqu’ils manifestent contre l’intervention d’un orateur qui ne leur plaît pas, ou lorsqu’ils se rassemblent en meute pour crier la haine à notre monde.
Le wokisme croit se présenter comme une prise de conscience. Celui qui ouvre les yeux, surtout s’il appartient à la majorité, doit entrer dans un processus de pénitence sans fin, où il devra déconstruire ses privilèges – mais c’est une expiation sans rédemption, car le péché occidental a laissé en lui une marque indélébile. Elle doit donc être dans une situation de vigilance permanente pour ne pas retomber dans ses échecs « héréditaires » et faire toujours plus pour rester « éveillée » et devenir l’alliée des « minorités », dont les revendications deviennent sa boussole morale et idéologique. . Quiconque n’adhère pas immédiatement à ces demandes est accusé de déshumaniser les « minorités ».
Le wokisme, on l’aura compris, fonctionne par censure, car il qualifie d’« incitation à la haine » tous les propos qui ne reflètent pas exactement la définition que les « minorités » donnent d’elles-mêmes (on aura compris qu’on parle ici moins de minorités réelles que de de ceux qui prétendent parler en son nom, avec des affirmations de plus en plus hystériques). Dès lors, la moindre réserve exprimée à l’égard d’un homme qui se considère désormais comme une femme au nom de ses « sentiments de genre » est assimilée à une incitation à la haine. Le souvenir de l’existence d’une réalité qui ne se dissout pas dans les fantasmes de chacun passe pour un discours de haine, caractéristique de « l’extrême droite ». Celui qui n’est pas éveillé est un réactionnaire qui s’accroche à l’humanité devant la révélation de la diversité. Il faut donc le traiter comme le bois mort de l’humanité.
Le wokisme remplace le communisme dans l’histoire de la gauche totalitaire. Je vois que certains veulent sauver le wokisme des excès qu’on lui prête. Cela ne signifie pas comprendre que le wokisme est en soi une déviation de ses origines. La société libérale est parfaitement capable de corriger elle-même les injustices qu’elle engendre inévitablement, sans tomber dans cette idéologie qui prône un contrôle social intégral, car elle estime nécessaire, par exemple, de lutter contre le « racisme systémique », considéré comme constitutif du racisme systémique. l’ordre du tissu social. Ce rêve de contrôle social total, politisant jusqu’à l’intimité, est au centre de la doctrine EDI (équité, diversité, inclusion), qui est un wokisme managérial, aujourd’hui hégémonique dans les entreprises, et notamment dans le domaine de la protection humaine. . ressources. Quand on voudra vraiment combattre le wokisme, il faudra tout démonter sur l’EDI. C’est du Wokisme avec une cravate. C’est bien plus dangereux que les cheveux bleus.
Je remarque une chose : le wokisme repose sur une sociologie absolument simpliste, détachée de la complexité des sociétés réelles et empiriques. Nous le voyons dans sa définition du prétendu racisme systémique, qui est une stupide théorie du complot. Son fonctionnement est le suivant : il détecte une disparité statistique entre certains groupes, identifiés par les différentes bureaucraties, et conclut que cette disparité ne peut s’expliquer que par l’existence d’un système discriminatoire implicite qui produit ces « inégalités ». En même temps, elle néglige des hypothèses sociologiques bien plus fécondes pour expliquer ces disparités, qui n’ont rien à voir avec le racisme. Nous le voyons particulièrement lorsqu’il s’agit du soi-disant « profilage racial » dont se rend coupable la police, qui est une immense bêtise.
Je remarque autre chose qui n’est pas sans intérêt. Longtemps la gauche s’est targuée d’être réveillée. Il le fait encore souvent, expliquant que de son point de vue le wokisme n’est rien d’autre qu’un engagement en faveur de la justice sociale. Mais voilà que le label se retourne contre elle, et ce, pour la première fois depuis longtemps. Il ne sait vraiment plus quoi faire. Alors après nous avoir expliqué que le Wokisme était le summum de la vertu, il nous explique maintenant qu’il n’existe pas. C’est la première fois que la gauche radicale perd une bataille rhétorique sur un sujet majeur. Elle regrette même de se voir attribuer une étiquette (qu’elle soutient, je le répète) alors que l’essentiel de son travail théorique a longtemps consisté à forger des concepts d’étiquettes pour disqualifier ses adversaires.
Il faut dire que ça marche toujours comme ça. Il nous explique que l’immigration de masse n’existe pas, ajoutant qu’elle est redoutable, nécessaire et que sans elle nos sociétés sombreraient dans l’intolérance et le repli sur soi. Elle nous explique que les excès du féminisme n’existent pas et les justifie en même temps en disant que nos sociétés ont été tellement dominées par le patriarcat que ces excès sont non seulement pardonnables, mais légitimes et nécessaires. Maintenant il nous explique que le wokisme n’existe pas, mais qu’il est absolument vertueux et qu’on devrait avoir honte de ne pas être réveillé.
Il faut être contre les woke, à condition d’être sincèrement démocrates, libéraux, soucieux du pluralisme, soucieux aussi d’une vie publique équilibrée, respectant la diversité des points de vue et refusant de réduire la politique à une lutte pour le bien. les gars contre les méchants. J’ajouterais, du point de vue québécois, qu’il est heureux que les nationalistes prennent en charge la critique du wokisme, car elle trouve un écho dans la conscience populaire. Le wokisme est un totalitarisme, et le nationalisme québécois est aujourd’hui en partie un anti-wokisme (même s’il ne se réduit pas à cela, évidemment, car la vie collective ne s’arrête pas à cette question). Cette bataille doit être menée et le PSPP la mène bien.