Une équipe aux pieds nickel. Voilà en somme le profil des trois coaccusés jugés la semaine dernière devant la cour d’assises de Seine-et-Marne. Ce vendredi 22 novembre, Tarek T., 36 ans, a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Ses deux complices, Mheidi B., 40 ans et Farid A., 37 ans, ont été condamnés à 12 ans de prison. Réputés libres, les deux premiers ont été incarcérés. Le troisième n’a jamais comparu devant la cour d’assises après avoir passé plus de deux ans et demi en détention provisoire.
Il faut dire que ce procès s’est tenu plus de six ans après les faits, après avoir été reporté à deux reprises. Le 24 septembre 2018, vers 10h50, les policiers sont alertés qu’un vol impliquant deux transporteurs de fonds de la société Loomis vient de se produire à proximité d’un centre aquatique à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne). Les deux victimes, qui conduisaient une camionnette banalisée transportant des valises contenant les produits de diverses activités commerciales, ont été surprises par quatre malfaiteurs, armés d’un pistolet à impulsion électrique, de matraques télescopiques, de gourdins, d’un marteau et de gaz lacrymogènes. Le quatuor porte également des vêtements sombres et des bandanas sur le visage.
En prenant la fuite, ils ont percuté une autre voiture et blessé grièvement le conducteur.
Après avoir bloqué la camionnette avec un véhicule Volkswagen Touran, deux malfaiteurs ont brisé les vitres avant du véhicule avec une masse, avant de les évacuer de force et de les attaquer. Leur objectif : saisir les valises conservées à l’arrière du van. Mais un premier obstacle se dresse sur le chemin des voleurs. Ces valises disposent d’un système de sécurité qui rend impossible leur ouverture sans les clés appropriées. Pire encore : si les porte-documents sont sortis de leur emplacement sans respecter la procédure de sécurité, une encre indélébile se répand sur l’argent contenu à l’intérieur.
Autant d’éléments que les quatre braqueurs semblent ignorer. Après avoir demandé sans succès l’ouverture des fameuses caisses sur les tapis roulants, les voleurs en ont tout de même volé trois, avant de monter à bord d’une Mercedes CLA, volée quelques jours avant les faits. Avant de prendre la fuite, ils ont incendié la camionnette et le Touran, puis ont été pourchassés par une patrouille de police. Arrivé à proximité de la commune de Villevaudé, le conducteur de la Mercedes est entré en collision, à très grande vitesse, avec un automobiliste au volant de sa Peugeot 208. Sous la force du choc, le véhicule du conducteur s’est renversé à plusieurs reprises, tandis que les voleurs la voiture du conducteur finit dans un fossé. Très grièvement blessée, la conductrice de la Peugeot devra être désincarcérée de l’habitacle avant de voir son arrêt total de travail (ITT) fixé à 132 jours.
Attrapé par deux policiers, un voleur dit d’un air de défi : “Eh bien, allez-y, tirez !” »
Les quatre braqueurs parviennent à s’enfuir par les champs, laissant derrière eux leur butin, composé de près de 30 000 euros et de deux sacs de pièces. L’un d’eux est même capturé par deux policiers qui le poursuivent et à qui il dit d’un ton provocateur et confiant : « de toute façon, tu ne tireras pas. Eh bien, allez-y et tirez ! » Avant de disparaître dans les oreilles…
La suite après cette annonce
Informés des investigations, les enquêteurs de la police judiciaire de Meaux n’ont pas eu de grandes difficultés pour retrouver la trace de trois des suspects. Ce dernier, comme Pollicini du crime, a laissé derrière lui une série d’éléments incriminants. Là, la clé d’une voiture louée à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sous l’identité de l’un d’eux ; ici, l’empreinte génétique de deux autres. Ou encore des vêtements et équipements utilisés lors de ce vol violent.
Décrit comme « relativement immature » et « intolérant à la frustration », il avoue être « amoureux de l’argent »
Le 19 novembre 2018, Tarek T., Mheidi B. et Farid A. ont été arrêtés à Chelles, Les Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et Sannois (Val d’Oise). Ces pères au lourd casier judiciaire nient dans un premier temps leur participation aux faits. Avant de reconnaître leur implication pour deux d’entre eux.
Un mois avant les événements, quelqu’un a complété une modification de phrase à l’aide d’un bracelet électronique. Décrit comme « relativement immature » et « intolérant à la frustration », il avoue être « amoureux de l’argent ». Un autre a déjà comparu devant un tribunal correctionnel en 2014 pour tentative de vol et était alors en liberté surveillée…
Enfin, ce dernier, chauffeur poids lourd de profession, a repris la direction d’un dépanneur avec un de ses frères et a vu dans cette attaque contre les transporteurs Loomis un “bon moyen” de rembourser ses dettes…
Selon les transporteurs, les braqueurs étaient paniqués, mal organisés et visiblement incompétents…
Mais de l’avis des transporteurs eux-mêmes, traumatisés par ce vol et les violences subies, l’opération était vouée à l’échec. « Ils ne savaient pas comment procéder, ils étaient paniqués », raconte un employé de Loomis. “C’était mal organisé et ils ont fait preuve d’une incompétence évidente”, a déclaré le second.
Une impréparation et un amateurisme qui se sont révélés lors d’une écoute téléphonique entre Tarek T., alors détenu, et sa compagne. « Au dernier moment, ils m’ont dit : viens, il y a les serviettes, viens, c’est juste une arnaque. Finalement, cela se termine par un vol à main armée.” «Je n’ai jamais eu d’arme entre les mains», assure la même personne. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit grave (sic), si j’avais su, jamais de ma vie, j’aurais fait quelque chose comme ça. Voici, ce sont les fondements, oh les fondements ? ! Pour moi c’est à la télé sur NRJ12 ! »
En revanche, les policiers de la PJ de Meaux n’ont jamais réussi à identifier le quatrième complice de cette bande mal organisée. Le nom d’un éventuel cinquième complice qui aurait comparu lors de l’audience n’a pas non plus été identifié. Un certain Hakim, surnommé « Peanut », et présenté comme « l’instigateur » de ce mauvais coup. Interrogé, le soussigné Karim Morand-Lahouazi, avocat de Farid A., absent du procès et visé par un mandat d’arrêt, “n’a pas voulu s’exprimer”.