« Je crains que son arrestation soit politique »

« Je crains que son arrestation soit politique »
« Je crains que son arrestation soit politique »

CONTRE’C’est l’affaire qui empoisonne les relations entre la France et l’Iran. Le 3 juin, un ressortissant iranien a été arrêté par la police française à Dijon et placé en détention administrative dans la ville de Metz. Appelé Bashir Biazar, cet ancien cadre de la radio et de la télévision d’État iranienne, qui vit en France depuis deux ans et demi aux côtés de sa femme et de ses deux enfants, est la cible d’un arrêté ministériel d’expulsion présenté comme une « urgence absolue ».

Considéré par le ministère de l’Intérieur comme un « agent d’influence iranien lié aux services de renseignement de la République islamique », cet homme de 41 ans, ouvertement pro-palestinien, est toujours en détention, malgré la campagne active des Iraniens. autorités pour obtenir sa libération. Son avocat français, M.e Rachid Lemoudaa, répond aux questions de Indiquer.

Indiquer : Comment va Bashir Biazar après trois semaines de détention ?

Me Rachid Lemoudaa : Il va très très mal et a parlé de faire une grève de la faim. Mais ce qui me choque encore plus, c’est que M. Biazar est une personne qui se trouvait légalement en France puisqu’elle était en possession d’un titre de séjour délivré par les autorités françaises. Il accompagnait son épouse, chercheuse qui préparait sa thèse de doctorat. Ce n’est donc pas quelqu’un qui cherche à séjourner de manière irrégulière sur le territoire français. Il n’a jamais été condamné, ni dans son pays ni en France, et respecte les lois de la République. Le 3 juin, il a été injustement convoqué. On lui a fait croire que sa situation allait être examinée, mais à son arrivée sur place, il a découvert qu’il faisait l’objet d’un arrêté d’expulsion émis par le ministre de l’Intérieur le 22 mai. Il n’a même pas pu donner sa version. des faits, ce que nous appelons le principe du contradictoire, droit cardinal sur lequel repose notre Etat de droit, et a été immédiatement placé en détention.

Les autorités iraniennes affirment que la détention de votre client a été prolongée de 28 jours. Est-ce correct ?

Le préfet de Côte-d’Or, sur la base de cet arrêté ministériel, a placé mon client en rétention administrative. Mais il ne s’agit pas d’une détention mais d’une mesure purement administrative. Il n’y a donc pas d’infraction pénale. Cette détention a duré 48 heures puis, comme le prévoit la loi, elle a été prolongée de 28 jours, et reste toujours en vigueur.

Comment a été motivée cette prolongation de 28 jours ?

Juridiquement, en tant qu’avocat, cette décision me surprend et me choque d’autant plus que mon client présente toutes les garanties apportées par le législateur français pour être assigné à résidence. Il est titulaire d’un passeport en cours de validité, peut justifier d’une adresse stable et fiable, dispose de fonds propres et a des enfants scolarisés en France. Bashir Biazar a donc été privé de liberté, en violation des principes mêmes du droit.

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J’ai pu lire cela comme vous. Mais il ne suffit pas d’accuser une personne comme cela, sans apporter la moindre preuve de ses affirmations. On ne peut pas priver une personne de sa liberté sur la base de suppositions ou de soupçons. Il faut montrer un minimum de preuves. Vous savez, en tant qu’avocat, je suis un avocat et non un homme politique. En défendant les intérêts de mon client, j’agis dans le cadre de la loi, et je défends en retour les principes mêmes de la République dans notre État de droit. Il n’y a absolument rien dans le dossier qui justifie cette accusation. Or, si tel était le cas, il faudrait le démontrer et apporter un minimum de preuves pour justifier une telle privation de liberté. Je vous rappelle que la charge de la preuve incombe à celui qui poursuit.

Selon l’arrêté d’expulsion, votre client est également accusé de certaines prises de position sur les réseaux sociaux concernant la Palestine.

Cela me surprend encore plus. Tout le monde avait le droit de lire les propos tenus par mon client, qui sont également publics. Il n’y a rien de secret. Ces posts qui ont été publiés sur les réseaux sociaux, notamment sur son compte Instagram, portent par exemple sur l’action de ce député français à l’Assemblée nationale. [Sébastien Delogu, NDLR] qui a brandi le drapeau palestinien à l’Assemblée nationale, rien de plus. C’est simplement la liberté d’expression. M. Biazar n’a rien dit qui soit vecteur de haine ou contraire aux intérêts de la nation, d’autant plus que ses propos, tenus en persan, s’adressaient à l’opinion publique iranienne. J’ai même pris soin de les faire traduire par un traducteur assermenté par la justice française, afin qu’il n’y ait ni ambiguïté ni interprétation erronée. Rien ne pouvait justifier une telle détention administrative qui est à mes yeux arbitraire.

M. Biazar est également accusé d’avoir filmé des opposants iraniens devant l’ambassade iranienne en septembre dernier.

Tout à fait, vous avez raison de le souligner. M. Biazar a filmé, il est vrai, les journalistes d’une chaîne d’opposition [Iran international, NDLR] qui faisaient, me semble-t-il, un reportage sur l’incendie qui a touché le consulat iranien. Ces journalistes étaient sur la voie publique, dans un cadre professionnel. M. Biazar les a alors filmés en contredisant leurs propos qu’il trouvait exagérés. Tout cela a été traduit par un traducteur assermenté et présenté au juge. Permettez-moi de souligner que mon client n’a pas mis ces journalistes en danger en révélant leur identité dans un contexte privé. Il les a uniquement filmés dans la rue.

LIRE AUSSI Affaire Bashir Biazar : un bras de fer entre la France et l’Iran Alors que faisait votre client à l’intérieur de l’ambassade iranienne ?

Honnêtement, je n’ai aucune information à ce sujet. Or, nous n’allons pas reprocher à un citoyen iranien de se trouver dans le consulat de son pays, qui est un territoire souverain appartenant à ce pays. Il en va de même pour un ressortissant français à l’étranger. Nous n’allons pas l’accuser d’être un agent d’influence. Il est libre d’entrer ou de sortir de ce bâtiment. Je ne vois pas où est le problème.

Après avoir initialement contesté son expulsion de France, les autorités iraniennes réclament désormais son retour en Iran.

Mon client est en possession de billets d’avion Paris-Téhéran, qu’il a achetés bien avant cette mesure de détention. Cependant, malgré la disponibilité de vols directs, malgré le souhait de M. Biazar de retourner dans son pays, même si sa famille exige également qu’il puisse rentrer et ne reste pas en détention sans raison légitime, nous n’avons aucune réponse à ce jour. , ni de la préfecture ni du ministère de l’Intérieur. Nous n’avons pas de nouvelles : c’est silence radio. Bien que je leur ai réécrit et contacté le préfet de Côte-d’Or ainsi que le ministre de l’Intérieur, personne n’a répondu. C’est anormal et contraire à la charte Marianne qui est affichée dans toutes les préfectures de France.

Comment expliquez-vous que votre client n’ait pas été expulsé à ce jour ?

Parfois, il est vrai que les procédures d’éloignement peuvent être un peu longues lorsque le préfet rencontre des difficultés sur le terrain pour expulser un étranger, par exemple lorsque la personne n’a pas de passeport valide et qu’il faut contacter son consulat pour obtenir un laissez-passer, ou lorsque vous avez besoin de trouver un billet d’avion pour votre pays d’origine. Mais dans le cas de M. Biazar, mon client a déjà une contravention. Sa famille, l’ambassade, le consulat et lui-même souhaitent qu’il quitte le territoire. Alors pourquoi en est-il empêché ? Si nous lui reprochons des choses, dites-nous ce que c’est. Nous avons des droits en France. Nous avons une justice souveraine. S’il a commis des délits, qu’il soit simplement poursuivi.

Pensez-vous que le cas de Bashir Biazar est lié à celui des trois ressortissants français toujours arbitrairement détenus en Iran ?

J’ai lu dans la presse ce que vous dites. En ce qui me concerne, je n’ai aucune information à ce sujet et je ne peux pas me permettre de dire quoi que ce soit qui ne soit pas vrai à ce sujet.

Pensez-vous que l’arrestation de votre client est politique ?

Je le crains, car je n’ai rien trouvé de légal dans cette affaire qui puisse justifier une telle privation de liberté de mon client. Mais je ne peux cependant pas, en tant qu’avocat, vous le dire avec certitude. Si c’est de la politique, cela n’a pas sa place dans la loi. Car il me semble extrêmement grave de porter atteinte aux libertés fondamentales, quelle que soit l’origine de la personne. Les lois de la République interdisent la privation de liberté sans motif légitime. Permettez-moi par ailleurs de souligner que la liberté est la règle en droit français, et le rétention ou la détention l’exception.

Comprenez-vous que les plus hautes autorités de la République islamique exigent la libération de Bashir Biazar ?

Comme tout État souverain pouvait revendiquer la liberté de ses nationaux, indépendamment de leur statut. Qui plus est, compte tenu des relations quelque peu compliquées entre l’Iran et le monde occidental. La France exige aussi parfois la libération de ses ressortissants qu’elle considère comme détenus illégalement dans d’autres régions du monde. Pour moi, c’est tout à fait normal, surtout lorsqu’il s’agit d’une atteinte à la liberté d’aller et venir.

LIRE AUSSI Joe Biden épargne l’Iran… et agace la France A l’inverse, comprenez-vous le silence des autorités françaises sur son cas ?

Non, je ne trouve pas ce silence normal. Moi, en tant qu’avocat, lorsque j’écris à l’administration française, au préfet et au ministre, ils sont tenus de me répondre, même par la négative. Bien sûr, mon intérêt est que mon client retrouve sa liberté, mais s’il a fait quelque chose de répréhensible, il devra répondre de ses actes. Mais à ce stade, je n’ai rien vu de tel. Dans le cadre d’une mesure administrative, il y a des règles et il faut les respecter, des deux côtés.

Une plainte pour « complicité de torture » a été déposée jeudi contre votre client par des opposants iraniens. Est-ce que cela change la donne ?

Je n’ai aucune information à ce sujet. Bien entendu, en cas de plainte, le ministère public est compétent en la matière et a la possibilité d’engager une procédure. Si la plainte est fondée et que des éléments nous échappent, la justice enquêtera et nous verrons ce qu’elle décidera. Mais, à ce stade, je n’ai aucune information pour donner mon avis à ce sujet.

 
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